CHEVREUIL à l'APPÂtAGE
Texte et photos CHRISTIAN DE BEAUMONT
MARK RAYCROFT
Les facteurs du succès
PARTIE 2
Une question de topographie
Trop souvent, à mon avis, emballé par le décor, les signes de la présence des chevreuils, nous oublions de nous questionner suffisamment sur l’emplacement et l’organisation de nos sites d’appâtage. À ce sujet, je me permettrai de paraphraser un vieux dicton. Il faut parfois cesser de chercher l’arbre idéal pour notre mirador mais plutôt, s’élever un peu afin de voir la forêt dans son ensemble!
La topographie de l’appâtage
La topographie, nous le savons, est une : technique de représentation sur un plan des formes du terrain, avec les détails des éléments naturels ou artificiels qu’il porte (Larousse:2022). Appliquer à l’environnement immédiat de votre site d’appâtage, la topographie peut en dire beaucoup sur vos chances de succès de récolter un mâle mature. Je vous propose dans ce deuxième article un autre test en deux étapes qui vous permettra de réfléchir à l’importance de bien positionner et organiser les éléments critiques de votre site. Ce deuxième test implique que vous preniez quelques minutes afin de dessiner un petit croquis permettant d’avoir une vue d’ensemble de votre site appâté.
Instructions pour le croquis
Voici donc les instructions. En pensant à votre site d’appâtage favori ou celui que vous souhaitez aménager, faites un croquis selon les instructions suivantes. (ou si vous préférez, utilisez le croquis ci-bas pour les fins de l’exercice et passez directement aux questions!) Comme sur l’exemple, prenez-soin d’indiquer sur votre croquis les éléments suivants se trouvant dans un rayon de plus ou moins 500 à 800 mètres autour de vos appâts :
- L’emplacement de vos appâts;
- L’emplacement de votre poste d’affût ou de votre cache et sa hauteur si c’est un mirador;
- La distance entre votre cache et vos appâts;
- Les points cardinaux;
- Les zones de refuges, de cachettes, les dortoirs si vous les connaissez;
- Illustrez de façon grossière la topographie des environs, lacs, étangs, rivières, chemins, montagnes;
- Les principaux sentiers de chevreuils;
- Si présentes, les lignes de frottages ou de grattages;
- Votre ou vos sentiers d’accès à votre poste d’affût;
- Notez finalement la distance et la direction des premiers chasseurs voisins;
Maintenant, en regardant votre croquis ou le croquis fournis, tentez simplement de répondre à ces questions par vrai ou faux :
Ais-je reculé les appâts à la distance la plus éloignée à laquelle je suis confortable avec mon arme ?
Plus on est loin des appâts, moins nous risquons de déranger le gibier. Les risques liés aux bruits et aux odeurs en sont d’autant limités. Non seulement cela peut vous permettre d’accéder à votre mirador sans être vu et sans déranger le gibier mais cela diminue également les chances d’être contourné à mauvais vents par les mâles. En période de rut, les mâles effectuent souvent une prospection olfactive des lieux en contournant les appâts à une bonne distance dans le vent. La distance possible (vision) pour disposer les appâts est un élément très important dans le choix de l’emplacement. Vous avez trouvé un site avec un certain couvert qui vous permet d’appâter à plus de 70 mètres, si vous chassez avec une arme à feu, prenez soin de bien évaluer cet endroit.
J’ai appâté dans les quartiles Ouest (SO – O – NO) de mon poste d’affût si la configuration du terrain le permet ?
Je ne sais pas pour vous mais les dernières années ont très majoritairement apporté dans les secteurs où je chassais des vents du quartile de l’Ouest et très souvent des vents du Sud-Ouest. Être en mesure d’appâter à bon vent de son mirador est très certainement l’élément de base à considérer avant tout autre chose!
Illustration 3 appâter du côté Ouest de son poste d’affût permet d’être à bon vent la majorité de temps puisque les vents dominants sont habituellement de cette direction.
Illustration 3 appâter du côté Ouest de son poste d’affût permet d’être à bon vent la majorité de temps puisque les vents dominants sont habituellement de cette direction.
J’arrive de l’Est ( SE- E- NE) pour me rendre à mon mirador ?
Arriver à mon mirador en sentant le vent me souffler dans le visage m’a toujours inspiré la plus grande confiance. Le ou les sentiers d’accès sont tout aussi importants que le positionnement de votre mirador. Comme les vents dominants dans mon secteur sont de l’Ouest, il est essentiel d’arriver depuis le quartile Est afin de ne pas contaminer mon site lors de mon approche. Une bonne façon de débuter votre prospection est d’identifier les chemins forestiers dans l’axe Nord/Sud, ce faisant il vous sera facile en rentrant à l’Ouest de conserver le vent en votre faveur. Prenez le temps d’identifier ces éléments avant votre visite de prospection sur le terrain.
Lorsque les vents dominants sont d’Ouest, il est très important d’accéder à son site d’affût en arrivant du côté Est.
Lorsque les vents dominants sont d’Ouest, il est très important d’accéder à son site d’affût en arrivant du côté Est.
Si je chasse sur un mirador ouvert, je suis positionné minimalement à 20 pieds de hauteur ?
Exposé aux vents, je me suis toujours senti plus à l’aise de chasser en hauteur dans la mesure où cela permet d’avoir une vue d’ensemble du site. Plusieurs chasseurs que je connais parlent de cet effet ressenti lorsque leur mirador dépasse les 24 pieds. Plusieurs, à juste titre, selon moi, mentionnent se sentir dans un autre monde à une telle hauteur. Une hauteur qui, peut certainement aider à bien des égards : un vent légèrement tourbillonnant; un mouvement trop brusque etc… De plus, la vue avantageuse que permet souvent cette perspective peut vous permettre de réaliser une bonne prospection visuelle des lieux. En étant très attentif et en réalisant une prospection visuelle avec vos jumelles, vous remarquerez les différents signes laissés par le gibier notamment les frottages ou même les grattages sans même laisser d’odeurs indésirables sur place. Vous chassez dans une cache fermée, l’élément hauteur aura probablement un impact un peu moins grand.
Une cache à plus de 24 pi donne l’impression d’être dans une autre dimension et offre une vue en surplomb du site et des alentours (à gauche). Grâce à ses jumelles, l’auteur arrive même à identifier certains frottages et grattages (à droite).
Une cache à plus de 24 pi donne l’impression d’être dans une autre dimension et offre une vue en surplomb du site et des alentours (ci-dessus). Grâce à ses jumelles, l’auteur arrive même à identifier certains frottages et grattages (ci-dessous).
Si j’utilise fréquemment l’appel ou le cornaillage (rattling), je suis adossé à un obstacle ou à une zone que les chevreuils évitent ?
Les différentes observations des dernières années alors que l’ensemble de notre groupe a très largement accru le recours à l’appel ont très nettement confirmé cette tendance très significative, bien connue et démontrée par plusieurs études des mâles à contourner dans le vent tous sons qu’ils croient provenir d’autres chevreuils. Cela semble encore plus vrai lors de l’utilisation du cornaillage (Rattling) ou de sons de mâles (grognement). Vous souhaitez maximiser vos chances par l’utilisation de l’appel et (comme sur l’illustration 1) vous avez la chance d’adosser votre mirador à un grand étang de castors ou un espace ouvert qu’évitent les chevreuils, prenez le temps d’y regarder à deux fois avant de délaisser un tel secteur. Ce seul élément pourrait accroître grandement vos chances de succès.
S’adosser à un obstacle comme un lac lorsqu’on fait du rattling, évite que les mâles puissent nous contourner et nous sentir.
Présence de refuges ou de forêt dense à proximité ?
À certaines périodes de la saison ou selon certaines circonstances, les chevreuils limiteront leurs déplacements, il n’est pas rare de les voir trouver refuge très près des sites appâtés dans la mesure où le couvert le permet. Également j’ai remarqué que les grands mâles apprécient non seulement contourner dans le vent les appâts mais encore plus lorsqu’ils peuvent le faire à couvert. Selon la configuration de votre site, cela pourrait vous fournir l’endroit idéal pour les embusquer. Également, certains chasseurs de l’Ouest affirment qu’il est nécessaire d’avoir un bon couvert à proximité des appâts afin que le mâle puisse scruter depuis la forêt dense les lieux avant de s’exposer (comme sur l’illustration 1).
MARK RAYCROFT
Les mâles matures aiment bien scruter les alentours d’un site appâté à partir d’une zone de forêt dense.
Petite éclaircie ou bonne vision périphérique autour des appâts ?
Plusieurs chasseurs de l’Ouest dont notamment Dean Partridge, tout en reconnaissant l’importance d’un couvert à proximité considèrent aussi important d’avoir une certaine éclaircie autour des appâts, ce qui, permet aux grands mâles plus méfiants d’avoir une bonne vue de l’entourage immédiat du site. J’ai observé au cours des années que de placer les appâts adossés à de gros obstacles comme un énorme arrachis ou bosquet avec l’intention de favoriser un bon positionnement du chevreuil n’était pas une si bonne idée. Les chevreuils, particulièrement les grands mâles ne semblent pas apprécier ce monticule qui pourrait facilement dissimuler un prédateur embusqué.
J’ai un avant-poste de tir ?
Certains chasseurs que je connais, notamment ceux qui accèdent à leur mirador par une forêt assez dense s’aménagent une ligne de tir ayant une vocation bien particulière. Ce corridor visuel leur donne l’opportunité d’ériger un avant-poste de tir qui a pour objectif de leur permettre de récolter un mâle qui se trouverait déjà dans leurs appâts au moment où ils arrivent. Ce poste de tir avec appui est positionné à un endroit propice se situant quelques dizaines de mètres avant l’échelle du mirador dans un angle qui permet une bonne vue sur les appâts. Bien que je n’aie pas encore récolté de mâle avec ce stratagème, la vue fréquente de femelles et de petits déjà dans les appâts depuis ce poste d’observation permet de redoubler de prudence lors de l’approche finale du mirador. Cette stratégie a bien souvent permis à mes fils et moi d’accéder au mirador sans même alerter le gibier présent.
Se préparer un avant-poste de tir avant d’arriver à son mirador pourrait vous offrir une occasion de tir sur un buck déjà sur place dans les appâts.
Lignes de tir ?
J’ai manqué quelques très beaux mâles matures en raison du manque de lignes de tir. Plutôt que d’avoir une très large ligne de tir, je préfère maintenant des lignes de tir plus nombreuses et discrètes de part et d’autres de l’emplacement d’appâtage. Il n’est pas rare de voir les mâles effectuer une prospection rapide des environs à bonne distance des appâts sans même s’immobiliser. Il est donc très avantageux d’avoir un certains nombres de corridors de tir offrant ici et là, une vue sans encombre sur les principaux sentiers de chevreuils environnants.
Voilà un bel exemple d’un endroit qui manque de corridors de tir. Les appâts sont situés à 72 verges au bout de la ligne de tir et cela laisse peu de temps pour faire feu sur un buck en déplacement. Un nettoyage des repousses en sous-étage de part et d’autre des appâts offrirait de meilleures opportunités au chasseur.
La distance des chasseurs voisins ?
Si vous connaissez la distance des sites appâtés ou des caches des chasseurs voisins, cela pourra grandement influencer vos décisions quant à l’emplacement idéal pour aménager un site appâté. En effet les déplacements humains associés à l’activité générée par la chasse mais également l’effet d’un autre site appâté influenceront grandement le mouvement des chevreuils sur le territoire. Voilà une autre information à ne pas négliger dans le choix d’un emplacement.
Conclusion
L’utilisation de l’aspect topographique appliquée à l’environnement immédiat de votre site appâté permet un regard critique sur votre installation. En effet, cette vue aérienne de l’appâtage introduit une perspective qui peut nous en apprendre énormément sur nos probabilités de récolter un mâle mature sur un site appâté. Les dix éléments critiques proposés sont tirés de mes observations et apprentissages réalisés sur plus de 30 années de chasse au chevreuil avec appâts, mais également, de mes nombreux échanges avec d’autres chasseurs. Ils sont issus d’une liste de conditions que j’ai rédigée l’an dernier afin de me rappeler l’essentiel des bonnes pratiques que nous connaissons bien souvent, mais que nous avons trop souvent tendance à oublier.
Trouver ce qui semble être un bon SPOT, ne devrait être que le point de départ du processus. Songez à toute l’énergie et l’investissement nécessaires pour aménager un bon site appâté! Pensez au temps que vous y passerez dans l’attente du gibier tant convoité. Prendre un peu de recul afin d’avoir une vue d’ensemble de la forêt pourrait bien être votre stratégie la plus gagnante! Bonne chasse!