Texte et photos MARK RAYCROFT
RUT DU CHEVREUIL
Ainsi vont les femelles…
La femelle débouche dans l’éclaircie par cette matinée brumeuse. Bien que gracieuse, sa démarche queue sur le côté illustre clairement son état de réceptivité sexuelle, qui la distingue d’ailleurs nettement de ses deux congénères déjà sur place. Abaissant son postérieur elle urine dans le but évident de laisser sa carte de visite odoriférante.
Alors qu’elle poursuit sa route vers un champ, un jeune buck de 6 pointes aux bois fins fait son apparition dans la clairière. Il fait une pause en bordure de forêt pour évaluer la situation avant de reprendre sa route en direction de la femelle ayant laissé sa marque olfactive. En arrivant à l’endroit même où la femelle a uriné, le jeune mâle fige sur place et abaisse la tête pour mieux sentir le doux parfum. Il renifle les herbages dans le but de repérer les phéromones sexuelles qui pourront lui confirmer que la biche est bien en chaleur. Il relève alors la tête et retourne sa babine supérieure tout en entrouvrant sa bouche pour faire pénétrer l’odeur dans son organe voméronasal situé à l’avant de son palais. Après une brève analyse le résultat est instantané et le jeune mâle repart rapidement en direction de la biche car il sait qu’elle en vaut la peine…
Voyant le buck s’élancer à sa poursuite, la femelle prend la poudre d’escampette et traverse le champ en direction d’une parcelle de forêt dense. Le jeune mâle fait une courte pause et reprend sa course vers l’objet de sa convoitise avant d’arrêter à nouveau près de l’endroit où elle a disparu. Toutefois dans son aveuglement momentané il n’avait pas remarqué qu’un gros buck mature avait également fait son apparition lui aussi suivant la trace de la biche en chaleur. Le grand mâle démontrant une attitude agressive sans équivoque fait rapidement comprendre au jeune prétendant qu’il n’est pas de taille et ce dernier n’a d’autre choix que de l’esquiver en prenant la fuite.
Suite à une poursuite de courte durée pour éloigner l’intrus, le mâle mature revient rejoindre la biche qui après quelques tentatives de fuite pour se faire mieux désirer permet finalement au buck de faire son travail de géniteur.
Pendant la période du rut en novembre, les mâles analysent l’odeur des biches grâce à leur organe voméronasal situé dans leur palais. Ils peuvent ainsi déterminer si une femelle est prête à être accouplée.
Pendant la période du rut en novembre, les mâles analysent l’odeur des biches grâce à leur organe voméronasal situé dans leur palais. Ils peuvent ainsi déterminer si une femelle est prête à être accouplée.
Le dernier mot aux dames…
Pour le chasseur poursuivant le cerf de Virginie, la période du rut culminant normalement vers la mi-novembre, représente vraiment un moment à ne pas manquer. À ce chapitre, plusieurs croient que ce sont les bucks qui mènent le bal en poursuivant les femelles. Mais qu’en est-il vraiment? Évidemment les mâles passent de nombreuses semaines à se préparer pour cette période intense en établissant graduellement une hiérarchie entre les différents prétendants en s’affrontant dans des combats amicaux. Si bien qu’au moment où la vraie période d’accouplement débute la grande majorité des mâles d’un territoire connaissent leur capacité physique en rapport aux autres cerfs. Ils sont ainsi en mesure de décider rapidement si une confrontation avec un autre de ses semblables pour le droit d’accoupler une femelle en vaut la peine. Et quand est-il des femelles ?
Au moment où un buck en rut fait des avances à une biche en chaleur, c’est la femelle qui décide si elle acceptera de s’accoupler ou non. Si l’odeur d’une femelle en oestrus attire un buck, cette dernière lui permettra de s’approcher à une distance de 10 ou 20 m, et ensuite s’enfuira sur une courte distance de 50 à 100 m. De cette façon elle semble désirer tester son partenaire en procédant à une évaluation de sa condition physique et de sa taille avant de décider si ce buck possède les qualités suffisantes pour l’accoupler et passer ses gênes à ses futurs rejetons.
Sa corpulence et la taille de son panache sont aussi deux critères visuels importants pour permettre à la femelle de se faire une idée quant à la valeur du géniteur. Si ce dernier passe le test, la biche permettra au mâle de l’approcher à courte distance, ce qui marquera le départ d’une courte, mais intense lune de miel. Mais si la biche n’est pas assez impressionnée par son cavalier, elle continuera à fuir en évitant de lui permettre de s’approcher assez pour l’accoupler. Elle pourra alors même se cacher dans les zones de forêt dense, en évitant que le mâle puisse l’approcher suffisamment pour un contact rapproché. Après un certain temps, il finira par comprendre qu’il n’a aucune chance avec cette femelle et reprendra sa route en quête d’une nouvelle femelle plus facile d’approche.
Avant de laisser approcher un mâle, la biche met son prétendant à l’épreuve en l’obligeant à le faire courir à sa suite…
Avant de laisser approcher un mâle, la biche met son prétendant à l’épreuve en l’obligeant à le faire courir à sa suite…
Protéger son couple…
À partir du moment qu’une biche accepte de s’accoupler avec un buck, ces derniers demeurent ensemble durant approximativement deux jours. Ce qui les relie alors pourrait être qualifié de relation protectrice d’accompagnement. Le laps de temps durant lequel la biche est fertile est de courte durée (moins de 24 heures) et lors de ce court moment intime le mâle protecteur tentera par tous les moyens possibles d’éloigner et d’intimider les autres rivaux prétendants pour s’assurer que ce soit son bagage génétique qui soit passé à ses futurs rejetons. La biche en compagnie de son géniteur protecteur sentira moins la pression et les deux tourtereaux pourront alors s’accoupler à plusieurs reprises durant cette période d’accompagnement protecteur.
Si jamais le buck s’approche de sa femelle en présence d’autres chevreuils, il lancera souvent un grognement de protection allongé et très guttural durant plusieurs secondes tout en augmentant de volume à la fin. Selon moi, cette vocalise représente un appel de poursuite, ce dernier étant suffisamment fort pour être entendu par l’oreille d’un chasseur à plus de 100 m. Cet appel de poursuite ressemble à un genre de « BrraaaaAAA ». En concluant sa vocalise, le mâle s’approche de la femelle, qui s’enfuit habituellement un peu avant de se laisser rejoindre. Je crois que cette vocalise se traduit par un comportement de dominance servant d’avertissement aux autres bucks du coin en leur faisant comprendre de rester à distance.
Lorsque le mâle aura éloigné les autres prétendants et que la femelle l’aura accepté comme géniteur, il pourra s’en approcher et l’accoupler à plusieurs reprises sur une période de 24 heures.
Lorsque le mâle aura éloigné les autres prétendants et que la femelle l’aura accepté comme géniteur, il pourra s’en approcher et l’accoupler à plusieurs reprises sur une période de 24 heures.
Une compétition
Lorsqu’il n’y a pas d’autres chevreuils dans le secteur, le mâle s’approchera de la femelle sans lancer l’appel décrit précédemment. Il abordera la biche avec moins d’empressement et pourra vérifier son niveau de réceptivité sans course effrénée en la poursuivant. Mais si jamais un autre mâle apparaît, le buck protecteur relèvera le défi sans hésitation. Oreilles rabattues, poils relevés à l’échine, il se dirigera vers le prétendant d’une démarche lente et avec une attitude qui traduit son état d’esprit belliqueux. Le nouveau buck aura alors quelques secondes pour évaluer la situation et décider s’il se sent d’attaque pour affronter en adoptant une démarche et une attitude semblable à son adversaire. Dans le cas contraire, il prendra ses jambes à son cou…
Lorsqu’un autre buck se pointe, le mâle déjà accompagné de sa femelle se dirigera oreilles rabattues et poils relevés à l’échine, vers le prétendant pour le défier.
Lorsqu’un autre buck se pointe, le mâle déjà accompagné de sa femelle se dirigera oreilles rabattues et poils relevés à l’échine, vers le prétendant pour le défier.
Un mâle dominant devenant très agité émettra parfois un appel ressemblant à un genre de reniflement représentant une forte menace tout juste avant de passer à l’attaque. Pour faire ce bruit, le mâle inhale et exhale rapidement puis termine par une forte inspiration qui se prolonge. Si avec cette ultime menace il ne réussit pas à décourager son adversaire, une bataille féroce se déclenchera dans un court laps de temps. Lorsque deux bucks belliqueux combattent pour les faveurs d’une biche, la scène est incroyable. Ils cognent durement leurs panaches avec vigueur et rapidité et deviennent tellement fous de rage qu’on a l’impression que leurs yeux se retournent dans leurs orbites. Chaque assaillant tente littéralement de mettre son opposant à mort. Toutefois, heureusement ce genre de combat prend normalement fin par la fuite d’un des mâles qui comprend qu’il ne fait pas le poids, ce dernier s’en tirant avec quelques égratignures et ecchymoses.
Après avoir été menacé à plusieurs reprises si le nouveau prétendant décide de relever le défi du mâle mature, un combat sans merci éclatera et se poursuivra jusqu’à ce qu’un des deux belligérants baisse pavillon et prenne la fuite.
Après avoir été menacé à plusieurs reprises si le nouveau prétendant décide de relever le défi du mâle mature, un combat sans merci éclatera et se poursuivra jusqu’à ce qu’un des deux belligérants baisse pavillon et prenne la fuite.
Le meilleur moment pour être en forêt…
Durant la période du rut, les bucks peuvent se déplacer sur de très grandes distances, en raison de leur grand désir de trouver une ou des femelles à accoupler. Ainsi, dans leur quête ils voyageront souvent bien au-delà des limites habituelles du centre de leur territoire. C’est durant cette période que les mâles matures normalement très nocturnes et discrets semblent soudainement perdre toute leur méfiance habituelle sous la poussée hormonale qui déferle dans leur système sanguin. La poursuite d’une biche peut transformer le buck le plus méfiant en un cerf totalement imprudent et ce moment magique est définitivement la meilleure période pour déjouer un mâle énorme habituellement insaisissable.
Normalement le noyau d’un territoire de mâle dépasse rarement plus de 3km2, mais lors du pic du rut, cette surface pourra augmenter par un facteur de 5. Par contre, s’il y a suffisamment de femelles dans le territoire primaire du buck pour l’occuper et qu’il n’est pas dominé par un adversaire, il est fort probable qu’il demeure à l’intérieur des limites habituelles de son domaine.
Pour conclure, une femelle va toujours choisir le plus gros géniteur qu’elle va rencontrer, étant donné que la taille de celui-ci est importante pour elle. Ainsi, normalement les mâles de moins de 3 ½ ans sont rarement choisis par les femelles. À moins bien sûr qu’aucun mâle mature en bonne condition ne soit disponible au moment crucial; ce qui peut se produire lorsque le sexe ratio est très déséquilibré ou encore lorsque ceux-ci sont déjà occupés à courtiser d’autres biches. Ces deux scénarios sont évidemment peu souhaitables, mais règle générale dans un habitat convenable, une femelle réussit à dénicher un mâle mature pour satisfaire ses besoins.
Concernant le rut chez le chevreuil, ce sont définitivement les femelles qui mènent le bal et qui ont le dernier mot quant au mâle qu’elles choisiront. Alors la prochaine fois que vous serez à la chasse durant cette période, ayez les biches à l’œil. Si vous en apercevez une qui démontre un comportement typique d’une bête en chaleur, restez sur vos gardes car il se pourrait bien que le plus gros buck de votre territoire ne soit pas très loin derrière elle…
La période du rut est définitivement le meilleur moment pour un chasseur qui espère récolter un mâle mature comme celui-ci
La période du rut est définitivement le meilleur moment pour un chasseur qui espère récolter un mâle mature comme celui-ci