BERNACHE

Texte et photos </br>MICHEL LA HAYE

Texte et photos
MICHEL LA HAYE

Michel La Haye | Sauvaginemlh.com | Facebook

Michel La Haye | Sauvaginemlh.com | Facebook

ANGIE CASSISTA

Trouble shooting

de chasse au champ

La chasse à la bernache est sans contredit mon activité sauvaginière préférée!  Une activité très enlevante et agréable, mais qui peut rapidement tourner au cauchemar si jamais les bernaches refusent systématiquement de coopérer. Les vieux chasseurs d’outardes le savent; il n’y a rien à faire, quand les premiers voiliers ne rentrent pas, les autres vont suivre la même voie! Si vous ne tentez rien, vous allez passer la journée à regarder les bernaches. C’est à ce moment qu’il faut reconsidérer notre technique de chasse en regard de ce que je nomme le « trio infernal » appelants_appels_caches (voir figure 1 ci-contre) dont les trois éléments sont indissociables les uns des autres et dont le poids relatif est pas mal équivalent pour la chasse à la bernache. 

La chasse à la bernache est sans contredit mon activité sauvaginière préférée!  Une activité très enlevante et agréable, mais qui peut rapidement tourner au cauchemar si jamais les bernaches refusent systématiquement de coopérer. Les vieux chasseurs d’outardes le savent; il n’y a rien à faire, quand les premiers voiliers ne rentrent pas, les autres vont suivre la même voie! Si vous ne tentez rien, vous allez passer la journée à regarder les bernaches. C’est à ce moment qu’il faut reconsidérer notre technique de chasse en regard de ce que je nomme le « trio infernal » appelants_appels_caches (voir figure 1 ci-dessous) dont les trois éléments sont indissociables les uns des autres et dont le poids relatif est pas mal équivalent pour la chasse à la bernache. 

Figure 1 illustrant le « trio-i infernal ».

La force d’une chaîne dépend de son maillon le plus faible, et dans le cas du trio infernal, il vous faudra découvrir ce qui cloche et quel (s) élément(s) du trio infernal doivent être revus. Pourquoi « infernal » ?  Parce que lorsque votre installation fonctionne, c’est infernal pour les bernaches, dans le cas contraire ce l’est tout autant pour vous ! Cette équivalence des trois éléments n’est pas constante chez tous les types de chasse à la sauvagine, par exemple, aux plongeurs, l’appel n’est pas un élément aussi important qu’à la chasse à la bernache (mais ils peuvent être utiles à certaines occasions) tandis que la disposition des appelants et l’invisibilité des chasseurs le sont bien plus. Mais comment s’y retrouver ? Je vous propose une démarche basée sur le comportement des bernaches et un ajustement des éléments du trio infernal selon ce que vous observez. Selon les nombreuses observations que j’ai effectuées depuis plus de 30 ans que je guide, on peut regrouper ces comportements des bernaches « méfiantes » en quatre grands groupes, soit qu’elles :

  1. approchent, tournent et repartent;
  2. survolent les appelants sans se poser et contournent la cache;
  3. se posent en dehors des appelants ou survolent le plan plusieurs tours sans se poser;
  4. tournent autour du plan à basse altitude sans se poser, mais sans être craintives.

Je vous propose des solutions à chacun de ces problèmes, et, en dernier recours, une approche  « passe-partout » si rien ne fonctionne.

1

Les bernaches tournent et s’éloignent du plan à la dernière minute malgré vos appels ?

Vos appels ne sont probablement pas convenables.

L’élément du trio infernal le plus simple et le plus rapide à modifier sont les appels. Des bernaches en vol à plus de 300 m de vous sont trop éloignées pour avoir peur des appelants et/ou de la cache, si vous les appelez et qu’elles vous ignorent ou s’approchent sans méfiance pour ensuite s’éloigner ou changer de cap, c’est que vos appels ne leur conviennent pas. Bien souvent dans ce cas, j’observe que les appels sont alors trop insistants ou agressifs au goût du groupe de bernaches en approche. Dans ce cas, vous entendrez souvent les bernaches faire un « mmmgnak mmmmmgnakk mmmmmgnak » répétitif, elles n’ont pas apprécié ce que vous leur avez dit !

Je vous suggère d’aller observer les vraies bernaches au champ qui appellent leurs congénères, c’est une très bonne école pour améliorer ses techniques d’appel, surtout en ce qui a trait au volume et le niveau d’agressivité de ceux-ci. Je possède une douzaine de bernaches chez moi, jamais je ne les entends faire, au début de leurs appels, des cris agressifs à tue-tête !  C’est malheureusement ce qui est enseigné dans les vidéos d’instructions sur les appels partout sur le web ! Au contraire, elles commencent par grogner doucement en faisant des « hon hon » très nasillards suivis de petits gloussements et enfin des appels complets. Tentez l’expérience la prochaine fois que des bernaches vous font un pied de nez, vous devriez voir le comportement des bernaches changer immédiatement si c’était ça le problème, dans le cas contraire nous passons au point deux ! Ha oui, bien entendu, par temps venteux et maussade, on n’appelle jamais assez fort, adaptez aussi vos appels aux conditions sur le terrain.

2

Les bernaches survolent les appelants les plus éloignés sans se poser ou changent de cap à environ 100-120 m et vous contournent.

Votre cache est trop visible : changez sa position ou camouflez-la mieux!

Si les bernaches survolent votre installation en la contournant sans jamais s’approcher de votre cache, c’est qu’elles la perçoivent. Il faut alors réagir rapidement et la déplacer ou bien mieux la camoufler.

L’approche la plus souvent suivie pour chasser la bernache consiste à installer les appelants autour et en aval de la cache par rapport à la direction du vent puis de faire feu sur des oiseaux qui s’approchent de la position des chasseurs. C’est bien beau de vouloir défier les bernaches de la sorte, mais une approche plus discrète avec le positionnement de la cache de côté par rapport au vent et au plan pourrait vous donner un bon coup de main. Il faut expliquer la différence entre la « perceptabilité » et la « visibilité » d’une cache. Elle pourra être très visible, comme sur la photo 1, mais passer tout à fait inaperçue aux yeux des bernaches, comme le fait foi le beau tableau de chasse réalisé à cette occasion (voir photo d’ouverture de la chronique sauvagine de l’édition de septembre). En fin de compte, ce sont elles qu’il faut berner, pas la perception humaine!

Photo 1 : une cache visible pour l’œil humain, invisible aux yeux des bernaches.

Puisque je chasse avec des caches surélevées et non couchées au sol (lay down blind), je dois porter un soin jaloux à bien les camoufler si je ne veux pas forcer les appels pour compenser ou disposer une armée d’appelants ! Non, ça ne fonctionne pas. Les exemples ci-dessous illustrent bien ce genre d’ajustement. Dans le premier cas (photo 2), une grande cache a été disposée dans une rangée d’herbacés!  Il a fallu un travail ardu et intense, mais le résultat est très convaincant!

Photo 2 : une grande cache de 7 m complètement invisible.

Parfois, comme en hiver sous couvert de neige, un peu d’imagination et une touche artisanale peuvent faire toute la différence ! L’ajout d’un peu de papier essuie-tout blanc et de la neige artificielle en canette peuvent faire toute la différence comme sur la photo 3 dans laquelle quatre caches disposées au sol apparaissent. Dans l’autre exemple, la cache avait été placée dans le seul champ de céréales disponible au début de la saison. Malgré cette chance, les bernaches ne voulaient rien savoir, le problème était que la cache créait une discontinuité dans le paysage, car la cache contrastait avec l’arbre en arrière-plan, l’ajout de quelques branches feuillues sur les panneaux pivotants et le devant de la cache l’a fait disparaître totalement aux yeux des bernaches (photo 4).  Voyez quelques exemples de caches dont on a pris le soin de bien dissimuler sur les photos 5 et 6.

Plusieurs bons exemples de caches bien dissimulées

Si vous avez bien fait vos ajustements sur votre ou vos caches et qu’elles sont imperceptibles, mais que les bernaches, même en venant plus près de vous, demeurent méfiantes, d’autres choses clochent.

3

Elles se posent en dehors des appelants ou vous survolent plusieurs tours sans se poser. Le problème concerne sûrement vos appelants qui sont soit :

A : trop ramassés en tas par vent faible comme des oiseaux effrayés;
B : trop distants entre eux selon la force du vent;
C : trop sales ou de mauvaise qualité (manque de réalisme);

Les bernaches vous survolent de près sans se poser, ce n’est sans doute ni les appels ou la présence de la cache qui sont en cause, mais la disposition, la qualité et/ou la propreté de vos appelants qui sont les responsables de vos misères !

Au souspoint A, par temps calme, les oiseaux se rapprochent toujours lorsqu’ils sont sur le point de décoller comme sur la photo 7 derrière les appelants. Très souvent à ces occasions, c’est la présence d’un prédateur ou d’une source de danger qui provoque cette réaction. À l’inverse, le soir, lorsque vient le temps de retourner au dortoir, les bernaches s’élanceront de leur position, sans trop se rapprocher, pour décoller. Si vous disposez vos appelants de manière serrée par temps calme, vous allez créer un sentiment de danger chez les bernaches en approche qui interprèteront cette formation comme un groupe voulant décoller rapidement.

Photo 7 : un groupe de bernaches se regroupant avant de décoller tout près des appelants

Photo 7 : un groupe de bernaches se regroupant avant de décoller tout près des appelants

Toutefois, au sous-point B,  par vents forts, les bernaches se tiennent d’emblée en groupes plus serrés, il y a moins de distance entre les individus ET les groupes, plus il vente plus elles adoptent cette formation. Par temps venteux, il est impératif de disposer les appelants en petits groupes familiaux très compacts, car les bernaches détestent se faire retrousser les plumes par le vent et elles vont toujours se maintenir en formations serrées face au vent lorsqu’elles sont au sol sous de telles conditions. Il ne faut pas hésiter à disposer quelques appelants à moins de 1 m de distance sous des conditions de forts vents à écorner les bœufs ! La séquence des trois prochaines photos illustre la densité du plan en fonction de la force d’un vent de plus en plus fort, on diminue la distance entre les groupes et entre les individus les formant selon celle-ci, et on augmente la proportion d’appelants lui faisant face (photo 8, 9 et 10). Bien entendu, par vent très calme, on disposera les appelants de manière aléatoire comme sur la photo 8.

Des dispositions d’appelants de plus en plus serrées ajustées selon la force du vent.

Pour terminer la section sur les appelants, ceux-ci peuvent être trop sales ou manquer de réalisme, comme mentionnés au sous-point C. Dans le premier cas, observez des oiseaux au sol, ils ont toujours un plumage immaculé et sans faille. Pourquoi? Simplement parce que les oiseaux n’arrivent pas à décoller et à contrôler leur vol avec un plumage sale ou ébouriffé! Avez-vous déjà observé un morceau de fuselage proéminent, sale ou dégradé sur les avions que vous prenez pour aller vous faire dorer la couenne dans le sud ?  Jamais, et moi je ne monterais pas à bord d’un aéronef qui présenterait de telles anomalies!

Les oiseaux, en particulier les migrateurs, doivent effectuer de longues migrations et des déplacements fréquents sur leurs aires de gagnage. Ça vous est probablement déjà arrivé, j’ai observé à maintes reprises, par temps pluvieux et dans les champs argileux, des bernaches peinant à décoller et maintenir leur vol à cause d’un peu de boue collée à l’intérieur de leurs palmes !!! 

En résumé, les appelants sales, avec de la boue collée un peu partout, ce n’est pas très naturel et, ne me demandez pas comment elles font, mais les bernaches le remarquent très bien. La même chose se produit avec des appelants trop givrés. Une solution courte et pratique, bien sûr, il ne s’agit pas de commencer à nettoyer vos appelants sur place, mais vous pouvez utiliser que les plus propres, vaut mieux 10 appelants propres que 80 sales! 

En ce qui concerne le réalisme, on dit qu’une image vaut mille mots, regardez bien la différence entre les appelants en premier plan et les vraies bernaches en arrière-plan sur la photo 11.  Notez combien celui de droite est réaliste avec un plumage à la fois mat, MAIS aussi très coloré et détaillé. Je repeins, avec l’aide d’un ami artiste et de modèles vivants (il faut posséder un permis d’aviculteur du Service Canadien de la Faune à Environnement Canada), toute ma flotte d’appelants de bernache de champs à chaque fin d’été ! Certainement pas en début de saison, mais après le début de novembre, cela fait une bonne différence dans l’attrait du plan alors que les bernaches sont plus méfiantes que jamais.

Photo 11 : une bonne illustration d’un appelant d’un grand réalisme.

Vous avez tout essayé, et les bernaches rebroussent toujours chemin avant d’être à portée de tir et se jettent tout juste à l’extérieur du plan ? Il s’agit surement d’un problème qui n’a rien à voir avec les points 1 à 3 dont il a été question ci-dessus. 

4

Elles tournent autour de votre installation presqu’à portée de tir, mais elles ne se posent pas ou le font à l’extérieur du plan sans sembler être craintives! Dans le fond, elles n’ont pas peur ni de vos appels, ni de votre cache et surtout pas des appelants : il s’agit probablement d’un problème d’aéronautique ou de stabilité de l’air qui empêche les bernaches de bien contrôler leur approche finale.

Les bernaches sont des oiseaux grégaires; vrai, mais principalement à l’intérieur d’un clan et non entre ceux-ci. C’est une des raisons qui expliquent que je laisse toujours une large piste d’atterrissage au centre du plan. En pleine confiance et contrôlant bien leur approche finale, elles s’y jettent en toute confiance à une courte distance de leurs congénères pour éviter tout conflit. Cependant, si elles manquent de contrôle à cause de turbulences dans l’air, elles préféreront se jeter plus loin afin d’éviter tout malentendu et maladresse, surtout si le voilier contient plusieurs jeunes de l’année. Si vous faites ce constat, réagissez rapidement, regardez autour de vous, de grands arbres ou une butte provoquent sûrement ces turbulences. Si le vent est stable et ne change pas de direction, il faut que vous ajustiez le plan très rapidement quitte à déplacer l’ensemble caches-appelants vers une zone plus stable.

Dans l’exemple ci-dessous sur la photo 12, de fortes turbulences (flèches noires) étaient causées par la présence d’un bosquet d’arbres derrière nous, le vent (flèche grise) devait être de travers au champ, ce qui n’aurait pas causé de problème, mais, comme vous le savez, monsieur météo Canada se trompe assez souvent à ce sujet ! Le vent provenait résolument de notre dos et nous avons tout transporté sur environ 100 m avec le résultat que vous voyez sur le beau tableau de chasse réalisé ensuite illustré sur la photo 13.

Photo 12 : illustration d’un problème de turbulences nuisant à la rentrée des oiseaux dans les appelants.

Photo 13 : un beau tableau de chasse réussi grâce à la persévérance du groupe qui a dû déplacer l’installation au complet. Remarquez la bande de luzerne ajoutée au pied de la cache pour qu’elle se confonde au reste du paysage en arrière-plan.

CONCLUSION

Les bernaches semblent toutes avoir le même programme comportemental dans leur cerveau; les agissements du premier voilier vous indiqueront l’efficacité de votre installation assez rapidement ! Les bernaches adoptent un des comportements soulignés ci-dessus ? Réagissez promptement !

Je chasse/guide à la bernache depuis cinq décennies, ces années passées à sacrer devant mes insuccès ou à jubiler devant un beau tableau de chasse, m’ont appris trois choses avec les groupes de bernaches récalcitrantes :

Toujours s’ajuster immédiatement au comportement des bernaches;

Si vous attendez, vous perdrez votre temps. Si quelque chose cloche dans votre installation avec le trio infernal ou une source de turbulences, rien ne se passera si vous ne réagissez pas rapidement. À l’exception de quelques juvéniles perdues et esseulées, la majorité des bernaches passeront leur chemin sans se soucier de votre installation. On oublie que les oiseaux doivent être méfiants pour survivre aux chasseurs, une erreur signifie la mort pour elles, il est donc tout à fait normal qu’elles prennent un minimum de risques !

Ne jamais hésiter à apporter des changements à l’installation même au prix de deux ou trois « passes »;

J’aime bien le proverbe qui dit : « un tien vaut mieux que deux tu l’auras » !   Vous n’obtiendrez rien en insistant sur les appels s’ils ne sont pas en cause, ou bien si vous hésitez à modifier votre installation trop serrée par rapport au vent qui vient de tomber !  Ce ne sont là que quelques exemples, mais vous n’avez pas le choix, apportez les modifications nécessaires en ne vous souciant des bandes qui passeront alors dans les parages, pour elles, vous ne représentez pas une source de danger si aucune coup de feu n’est tiré, il est fort probable qu’elles reviennent voir plus tard ce qui attirait leurs congénères à votre site de chasse.

Bien observer la réaction des bernaches aux ajustements apportés;

À l’inverse de chasseurs demeurant passifs devant une situation de chasse qui ne fonctionne pas, d’autres apporteront coup sur coup une dizaine de modifications d’affilée sans vraiment prendre le temps d’évaluer l’effet obtenu !  Prenez le temps de bien observer la réaction des bernaches et, le cas échéant, référez-vous aux points 1 à 4 pour comprendre ce qui ne fonctionne pas encore et là, apportez de nouvelles corrections. Réagissez de manière ciblée et avec l’expérience, vous saurez assez vite quoi faire pour récolter aisément votre part de bernaches. 

MOT DE LA FIN

Je dirais qu’un bon chasseur de bernache se reconnaît à l’équilibre qu’il a atteint entre la confiance en sa technique et son ouverture d’esprit pour y apporter des ajustements, mais de manière ordonnée et ciblée. Par contre, la chasse c’est la chasse! Nous devons composer avec des êtres vivants qui ont, comme nous, leurs bons et moins bons matins, leurs caprices, craintes, angoisses, qualités et défauts. Un bon matin où rien ne fonctionne, ne perdez pas votre temps, ramassez tout votre gréement et allez vite retrouver vos proches pour accumuler des « airlousses » bons pour la prochaine sortie alors que les bernaches seront sûrement plus coopératives!

Sur ce, bonne chance ET surtout, excellentes réflexions cette saison.

Retour en haut