PÊCHE

Par </br>ANDRÉ VEILLEUX

Par
ANDRÉ VEILLEUX

C’est souvent lorsqu’on s’y attend le moins qu’une prise de forte taille décide de s’emparer de notre leurre…

Comment s’en sortir?

Équipement léger et trophée au bout de la ligne…

Il arrive qu’un pêcheur se retrouve en combat avec un poisson de taille exceptionnelle, alors que son équipement trop léger n’est pas du tout adapté à la situation.  L’auteur nous explique comment alors composer avec ce handicap en respectant les étapes de la récupération et en ajustant son équipement au mieux.  Ces principes restent tout à fait valables avec de l’équipement plus solides car le trophée d’une vie est une occasion rare à ne pas manquer…

Il est indéniable que tout pêcheur, expérimenté ou non, finira tôt au tard par avoir la chance d’accrocher un véritable trophée au bout de sa ligne.  Il s’agira peut-être même du record de toute une vie.  J’ai employé le verbe « accrocher » et non « capturer » car ce n’est pas parce que vous avez fait contact avec un monstre et que vous avez fait votre prière que celui-ci finira nécessairement sa course dans l’épuisette ou vos mains.

Et comme si la difficulté n’était pas déjà assez grande, il arrive qu’un pêcheur se retrouve accidentellement aux prises avec un poisson de taille exceptionnelle, alors qu’il pêchait une autre espèce à l’aide d’un équipement léger ou même ultraléger.  Cette situation me fait penser à une de mes sorties de pêche dans la rivière Chaudière en Beauce. 

Alors que je pêchais avec succès le doré à la dandinette avec une canne à action moyenne-rigide munie d’un monofilament de 6 livres de résistance bien suffisante pour cette tâche, voilà que je frappe un mur lors d’un ferrage. Au lieu de se contenter d’arquer normalement, ma canne encaisse d’immenses contrecoups et mon moulinet s’affole.  À peine ai-je le temps de réaliser que quelque chose d’anormalement gros est au bout de ma ligne qu’un maskinongé me salut d’une pirouette acrobatique hors de l’eau.  Je réalise ainsi que j’ai engagé le combat à mon corps défendant avec un sujet d’une vingtaine de livres qui promène allègrement ma petite ligne de 6 livres test.

On dirait que ces situations font exprès d’arriver quand ce n’est pas le temps. J’ai consacré des centaines d’heures à pêcher expressément mais sans succès le maskinongé avec un équipement lourd, expressément conçu pour cette espèce car capable de ramener un tracteur dans l’embarcation. Voilà que ce maski a voulu aspirer mon petit jig pas du  tout conçu pour croiser le fer avec lui. J’ai la chance que ses crocs ne frottent pas sur ma ligne mais voilà, il faut maintenant faire avec et trouver le moyen de ramener cette prise avec un équipement ne faisant pas du tout le poids.

On a aussi qu’à penser à ces rares mais immenses truites grises, dorés ou brochets hors norme qui, en faisant surface pour une première fois avant de repartir aussitôt vers le fond, nous font réaliser que le combat est loin d’être gagné d’avance. On peut aussi s’amuser à pêcher la perchaude ou le crapet-soleil au micro-jig avec un équipement ultra-léger alors qu’un achigan de plusieurs livres s’est contenté d’aspirer nonchalamment ce petit leurre ayant eu l’audace de défiler à quelques centimètres de sa gueule.  Après tout, aucun poisson ne sait à quel genre d’équipement de pêche il a affaire quand il se décide à mordre.  Et c’est reconnu : aucun leurre n’est trop petit pour finir dans la gueule d’un monstre.

Cet article vise à vous y préparer pour gagner ce combat où la cote des paris était de 10 contre 1 pour le poisson.

Prendre
son temps

Qu’est-ce que l’on se fait dire de façon répétée par un compagnon de pêche assistant à notre combat avec une grosse capture?  « Prends ton temps, prends ton temps ..».  Et ce conseil de prendre son temps constitue la première règle à respecter lors d’un combat épique avec un poisson record. 

La première règle à suivre lorsqu’on s’aperçoit qu’on est aux prises avec un poisson trophée consiste à ne pas brusquer les choses et à tenter de l’approcher trop rapidement du bateau ou de la berge. Et ce conseil est particulièrement important lorsqu’on pêche avec un équipement léger.

La première règle à suivre lorsqu’on s’aperçoit qu’on est aux prises avec un poisson trophée consiste à ne pas brusquer les choses et à tenter de l’approcher trop rapidement du bateau ou de la berge. Et ce conseil est particulièrement important lorsqu’on pêche avec un équipement léger.

Le contact avec une prise de taille exceptionnelle s’accompagne invariablement de nervosité chez celui ou celle qui tient la canne.  C’est normal, car sans cette excitation, il n’y aurait pas autant de plaisir à pêcher.  Par contre, après le choc émotionnel lié à la prise de conscience que l’on combat un trophée, il faut se ressaisir et calmer le rythme, exactement comme le chasseur aux prises avec le buck fever.  Il faut se concentrer sur le combat et demeurer totalement dans l’instant présent.  Il n’y a rien de pire que d’anticiper votre poisson photographié ou déjà chez le taxidermiste. Cette anticipation ne fera qu’empirer votre nervosité.  Si vos mouvements demeurent secs, rapides et saccadés, en voulant rapidement mouliner pour prendre le dessus sur le poisson, vous risquez de perdre totalement le bon rythme du combat. 

En somme, c’est lui qui mène la danse, et à vous de le suivre.  S’il vous prenait l’idée de le mettre K.O. en quelques minutes, il vous enverra instantanément au tapis. Il y a d’ailleurs de multiples cannes à pêche gisant au fond des lacs pour en témoigner. Vous devez réaliser que ce n’est pas ici de la boxe mais des techniques de judo qu’il vous faut employer.  Comme dans cet art martial, vous vous devez de composer avec la force de l’adversaire, et au grand jamais vous y opposer. Concrètement, votre tâche principale est de vous efforcer de maintenir une pression moyenne mais toujours égale et constante sur la ligne

Avec du fil de seulement 4 livres de résistance, j’ai déjà extrait des eaux des poissons de très fortes tailles, montrant qu’en respectant ce dernier principe de patience et de délicatesse, on peut venir à bout d’à peu près presque tout ce qui nage dans nos eaux.  Avec un brin de 6 à 8 livres de résistance plus typique d’un équipement léger, vous disposez d’un jeu d’environ 2-3 livres de tension additionnelle.  Si vous outrepassez cette marge, ne serait-ce qu’une seule fois, vous atteindrez le point de rupture de la ligne.  S’en suivra une déception avec humeur dépressive qui mettra beaucoup de temps à s’effacer dans le silence. 

Même chose si, au contraire, vous abaissez cette tension moyenne et constante ou, pire encore, vous lui laissez le moindre mou ou ne moulinez pas suffisamment vite lorsqu’il se décide à foncer droit sur vous.  Il n’attend que ça, du mou.  En abaissant ainsi la tension sur la ligne, ces coups de tête risquent de libérer l’ardillon de l’hameçon qui n’est plus retenu par la tension constante à être exercé sur la ligne.

Un poisson accroché à votre ligne n’est pas seulement retenu par la pointe de l’hameçon.  Il est surtout retenu par la barbe de l’ardillon, cette petite excroissance encochée à quelques millimètres de la pointe.  Si vous vous êtes déjà entré un hameçon dans un doigt comme cela m’est déjà arrivé, vous savez de quoi je parle quand vous essayez de le retirer en sens inverse alors que la barbe qui a traversé la peau bloque toutes possibilités de recul. 

Ce petit crochet empêche ainsi l’hameçon d’aller en sens inverse de la pointe lorsqu’il a suffisamment pénétré dans la chair du poisson pour conserver son emprise.  Lorsqu’un sujet de forte taille est accroché, la tension qui est exercée sur la ligne fait en sorte qu’au fil du combat, le trou fait par la pénétration de l’hameçon se déchire pour s’agrandir progressivement.  Et plus un mou donné à la ligne se produit, plus il y a risque de voir l’hameçon se décrocher car la barbe, dans un trou de plus en plus agrandi par la tension, ne peut plus avoir autant d’emprise dans la chair. Voilà pourquoi il est également important de conserver une tension constante sur la ligne pour empêcher tout risque d’une pointe d’hameçon ayant suffisamment de jeu de mou pour se décrocher.

C’est ce petit bout de métal (ardillon) avant la pointe de l’hameçon qui permet d’éviter que le leurre se décroche lorsque le poisson s’agite durant le combat. Toutefois si ce dernier s’éternise et que la tension maintenue est grande le trou finit par s’agrandir et permettre à l’hameçon de se décrocher si le pêcheur laisse trop de mou dans le fil.

Un hameçon simple accroché à un trophée doit aussi être préservé d’une tension excessive sur la ligne, car il aura tôt fait de se décrochir pour augmenter les risques de perdre sa prise.  Une ligne toujours maintenue à une tension moyenne et constante évitera également les emmêlements de lignes qui pourraient se produire dans les scions de la canne ou, pire encore, dans la bobine du moulinet.  Cette éventualité est rapidement fatale si on ne peut plus contrôler cette tension à tout moment.  Vous devez donc mener une danse avec un monstre, une danse qu’on pourrait surnommer « la danse des amortisseurs ».

Le premier amortisseur c’est vous et votre capacité d’absorber les coups de l’adversaire.  Pour ce faire, on tient toujours la canne haute et au niveau des épaules pour avoir du jeu supplémentaire, au cas où il faudrait donner très rapidement de la ligne. On tient également la canne perpendiculaire à la ligne pour que le brin puisse absorber un maximum de coups et soubresauts de l’adversaire. 

Si notre combattant nous donne de la ligne, on la mouline rapidement jusqu’à ce que le scion de la canne touche presqu’à l’eau, on cesse alors de mouliner pour appliquer vers le haut une tension légèrement additionnelle sur la ligne qui fera remonter lentement le scion.  Et lorsque le bout de la canne s’élève d’environ soixante-quinze degré par rapport au niveau de l’eau, on répète le procédé de moulinage rapide, tant que le poisson voudra bien se prêter à ce jeu en se dirigeant vers nous.

On doit s’efforcer d’anticiper la trajectoire du poisson afin de réaliser le plus rapidement possible vers quel endroit il risque de nous entraîner.  Ainsi, un trophée se dirigeant vers des structures dangereuses telles le câble de l’ancre, des branches immergées d’arbres ou un fort courant de rivière pourra en être détourné si le problème est anticipé le plus rapidement possible pour que la tension additionnelle à mettre sur la ligne soit efficace mais non excessive.  Même précaution à prendre pour des gros sujets décidant de piquer vers le fond pour rejoindre les structures rocheuses, risquant ainsi de mettre à rude épreuve la ligne en raison des frictions.

Il faut anticiper la direction que le poisson semble vouloir prendre et tenter de l’amener ailleurs sinon les obstacles présents dans l’eau pourraient contribuer à la perte de votre prise.

En rivière, on pourra se permettre de véritables courses le long des berges afin de garder cette tension constante.  En embarcation, si on a la chance d’être accompagné, on pourra demander à son compagnon de lever l’ancre pour diminuer les risques d’emmêlement avec le câble. Celui-ci pourra même actionner le moteur de l’embarcation afin de vous permettre de suivre un trophée dans ses courses folles, pour vous assurer d’une bonne réserve de fil et pour toujours exercer ainsi cette tension moyenne et constante sur la ligne.

Si on pêche en rivière on a au moins le loisir de pouvoir suivre notre prise en longeant la berge lorsque celle-ci décide de s’enfuir à toute vitesse.

Si on pêche en rivière on a au moins le loisir de pouvoir suivre notre prise en longeant la berge lorsque celle-ci décide de s’enfuir à toute vitesse.

Le deuxième amortisseur, c’est votre moulinet.  Est de mise un frein de moulinet toujours parfaitement ajusté ou dont on modifiera la tension au fil du combat pour qu’il puisse répondre parfaitement aux soubresauts et courses du poisson.  Pour un ajustement encore plus sensible, vous pouvez enlever la fonction anti-recul de votre moulinet lors d’un combat acharné. En pouvant ainsi mouliner dans les deux sens, la marche-arrière vous permettra de mieux répondre à la situation en pouvant donner encore plus instantanément du fil à un adversaire particulièrement belliqueux.  Par contre, faites très attention à cette recommandation.  Désactiver la fonction anti-recul de votre moulinet accroit le risque de fausses manœuvres et d’entremêlements de la ligne. Il faut donc être préalablement familier et habile avec cette technique d’amortissement manuelle pour oser l’utiliser avec un poisson d’aussi grande taille et que l’on ne capturera probablement qu’une seule fois dans sa vie.

Un troisième et dernier amortisseur provient de la qualité de votre équipement.  Si vous souhaitez pêcher léger ou avec un ensemble ultra-léger, je vous recommande de toujours choisir la meilleure qualité possible. 

Concernant le fil, si vous souhaitez pêcher avec de petits diamètres, je vous conseille les nanofils ou les fils tressés. À diamètre comparable avec du monofilament, ils sont de plus grandes résistances, ce qui vous permettra de respecter votre besoin de pêcher fin tout en ayant la plus forte résistance de fil possible. Changer votre ligne régulièrement pour éviter les usures et la perte progressive  de résistance due à l’usage.  Une ligne qui vrille doit être aussitôt remplacée à moins d’être en mesure de la dévriller, car tout blocage du fil ne pardonne pas avec un gros. 

Surveillez l’usure des anneaux de votre canne car ils risquent avec le temps de couper ou d’effriter votre fil.  Assurez-vous que votre moulinet possède un bon frein parfaitement ajustable. C’est un des éléments les plus importants quand on livre un combat avec un gros. Et si possible, préférez les cannes légères et ultra-légères tout au plus à action moyenne et non rigide.  Ceci vous donnera un peu plus de possibilités d’amortissements lors des combats avec de gros sujets. Enfin, assurez-vous que votre moulinet, aussi petit soit-il, détient le maximum de longueur de fil qu’il peut contenir sans pour autant que cette quantité puisse provoquer le développement de perruques qui bloqueraient son défilement.

Les étapes à respecter
lors d’un combat avec un gros

Un combat avec un sujet de grande taille se compose généralement de trois étapes comportant toutes leurs moments critiques. 

À la première de ces étapes, il s’agit de comprendre le plus rapidement possible que l’on a affaire à un poisson de taille et de force exceptionnelle.  C’est un moment critique.  En le réalisant rapidement, idéalement avant que le poisson se rende compte lui-même qu’il vous a accroché, on pourra tout de suite tomber en mode défensif pour adopter cette technique de tension constante et modérée. Cette étape se produit donc dans les toutes premières secondes suivant le ferrage. En sachant tout de suite qu’il faudra y  aller mollo-mollo avec ce sujet, on évitera de se faire tout casser net avant même d’avoir pu réaliser quoi que ce soit.

On reconnaît habituellement un gros sujet aux coups de têtes lents et de grandes amplitudes qu’il donne au bout du fil après avoir été ferré.  Pour le reconnaître, c’est une question de somesthésie, un peu difficile à définir mais il s’agit d’une sensation au bout de la ligne un peu intuitive et très particulière. Ça ne tire pas comme les autres, diront plusieurs. D’autres penseront être carrément accrochés au fond, jusqu’à ce que ce fond donne des coups de tête ou commence à se déplacer.  On sent que le sujet n’en a rien à foutre de vouloir modifier sa trajectoire sous la tension qu’on lui impose. On doit donc rester « poli » tout au cours de cette première étape.

La deuxième étape, c’est celle qui se produit habituellement à mi-course du travail.  Au départ, on pourrait dire que votre trophée ne prenait pas les choses très au sérieux avec vous. Peut-être ne réalisait-il même pas qu’il était accroché à votre ligne. Lentement mais sûrement, on l’a remonté des profondeurs, dans une suite ininterrompue de va-et-vient.  On commence même à y croire. On essaie intensément de l’apercevoir à travers les eaux, car on a très hâte de cesser de se poser des questions sur sa dimension.  Et voilà enfin qu’il s’apprête à faire surface pour une première fois.  ATTENTION!!!  C’est un moment extrêmement traitre et critique.  C’est celui où votre trophée, en vous apercevant, réalise la situation, que c’est du sérieux et que vous le voulez. Il plongera instantanément et, croyez-moi, tout ce que vous avez chèrement gagné en récupération lente et progressive du fil, vous pourrez le perdre en quelques secondes. 

Il faut anticiper ce deuxième moment critique et s’assurer au préalable et plus que jamais que son équipement demeure parfaitement ajusté pour entreprendre cette deuxième partie du combat.  N’oubliez pas qu’avec un équipement trop léger, vous êtes comme David et votre Goliath a reçu tout une dose d’adrénaline en vous apercevant.  Fini le jeu pour lui. Toutes ses forces, et même davantage, sont revenues à sa disposition pour vous fuir dans une course effrénée.  Beaucoup de trophées se perdent à cette étape.  Il faut donc être en mesure de traverser cette épreuve de mi-distance en encaissant le coup.

Vous voyez enfin apparaître votre trophée à la surface pour la première fois et vous êtes fou de joie en voyant la taille du poisson. Attention!!! En voyant le bateau et le filet s’approcher il pourrait bien repartir de plus belle à toute allure et briser votre fil si vous n’êtes pas préparer à cette possibilité.

La troisième et dernière étape, débute lorsqu’après avoir tout donné (pensez-vous..), votre trophée montre suffisamment de signes de fatigue pour remonter de nouveau à la surface et se laisser approcher de vous. Vous le voyez alors dans toute sa splendeur, ce qui fait qu’il est plus que jamais important de garder son calme et toute sa concentration.  Il faut alors juger du degré d’épuisement de sa victime. 

Un trophée montrant ses flancs argentés est un indice d’épuisement. Un ralentissement dans ses courses en est un autre.  Par contre, aucun de ces indices n’est une assurance d’épuisement à coup sûr. Rappelez-vous que vous, si vous étiez comme lui dans une situation potentiellement de vie ou de mort, vous pourriez démontrer des forces résiduelles insoupçonnables pour vous défendre.  Ainsi, si vous sous-estimez ses forces, et tentez de le puiser précipitamment à cette étape, il pourra encore tout casser en partant dans une course incontrôlable car vous ne l’aurez pas anticipée.  La règle d’or est ainsi de demeurer toujours en parfait contrôle de la situation, en gardant une longueur d’avance en pouvant anticiper ce que seront ses actions.

Puiser un poisson, et encore plus un gros dont la dimension peine souvent à entrer par l’ouverture de l’épuisette, est un art avec un grand A.  C’est le troisième moment critique.  Montrer l’épuisette à un gros est encore une de ces stimulations au danger qui risque de le voir tout donner de ses réserves pour partir encore en vrai fou.  Il faut donc rester calme et ne jamais anticiper la victoire. 

Ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini, et ne faites surtout pas l’erreur de déposer votre canne au fond de l’embarcation pour ramener les derniers pieds de ligne avec vos mains.  S’il part en trombe dans ces circonstances, vous ne serez pas au bout de la canne pour lui donner le mou nécessaire quand la ligne sera rendue au point de rupture.  Garder plutôt la canne bien haute, presqu’à la verticale afin que la ligne puisse s’approcher suffisamment de l’embarcation pour puiser.

Si vous êtes en duo, ce qui est l’idéal dans les circonstances d’un gros, le préposé à l’épuisette a intérêt de ne pas tenter de courir après le poisson avec cet équipement.  Bouger l’épuisette dans l’eau, à cette étape, ne ferait que le faire fuir encore. Il doit plutôt immerger l’entrée de l’épuisette sans faire de fracas dans l’eau. En la plaçant à un endroit stratégique, perpendiculaire à l’approche anticipée du poisson, il sera possible au pêcheur, en exerçant une tension régulière sur la ligne, de mener son trophée tout doucement jusqu’à l’intérieur  de l’épuisette. C’est seulement parvenu à quelques pouces de l’entrée de l’épuisette que le puiseur pourra accélérer la capture en mouvant alors l’épuisette pour rencontrer le poisson. Au moment même où le trophée y fait son entrée, il importe d’incliner aussitôt l’épuisette pour que son axe se retrouve à l’horizontal, évitant au poisson de pouvoir retourner de par où il est entré.

Bien que vous soyez à un cheveu du succès, les risques d’un décrochage de dernières secondes ne sont pas encore tous écartés lors du puisement d’un poisson trophée. Il faut faire extrêmement attention à éviter qu’un ou plusieurs hameçons du leurre s’accrochent dans une des mailles de l’épuisette alors que le poisson nage encore dans l’eau.  Ainsi accrochés aux mailles du filet, avec cette résistance sans élasticité et à quelques pouces de sa gueule, un trophée pourrait littéralement s’arracher de son emprise en donnant des coups de tête et de queue de derniers recours. Certains sujets y laisseront même une partie de leur mâchoire qui demeurera accroché au leurre tant ils peuvent se secouer avec force au point de déchirer la chair.

C’est souvent au moment de passer le poisson dans le filet que plusieurs grosses prises réussissent à prendre la fuite. Il faut particulièrement faire attention aux hameçons triples qui peuvent facilement s’accrocher aux mailles du filet avant même que le poisson y pénètre complètement.

Il y a un autre problème en vue.  Bien des manches d’épuisette se sont cassés net en deux par le poids exercé par des poissons d’aussi fortes tailles qu’on a voulu hisser dans l’embarcation avec trop de hâte. Certains ont même déjà profité de cette erreur pour s’enfuir in extremis. Il faut donc faire attention en prenant l’épuisette à la fois par le manche et le cerceau pour hisser de telles captures dans l’embarcation.

Les sauts acrobatiques d’un poisson trophée sont spectaculaires mais sont également des réactions défensives à fort risque de décrochage à tout moment du combat.  Ce n’est pas simplement pour votre bon plaisir qu’un poisson fixé à un hameçon ou à des trépieds s’évertue à faire des sauts hors de l’eau tant qu’il le peut.  Ces acrobaties aériennes lui permettent de s’extirper de la résistance de l’eau pour mieux secouer tout son corps à l’air libre qui offre moins de résistance à ses secouages de tête.  Pire encore, en ouvrant toute grande sa gueule alors que tout son corps est ainsi vivement secoué par ses ruades, le leurre ainsi exposé à l’air libre subit de très fortes agitations en tout sens.  C’est dans ces moments spectaculaires d’agitations, si votre leurre tient bon malgré tout, que vous saurez si celui-ci a de bonnes chances de demeurer accrochés jusqu’à la fin du combat.

Je ne sais si vous l’avez remarqué mais moins le leurre est piqué solidement à sa gueule, plus un beau spécimen sentira cette défaillance et sera alors enclin à s’agiter hors de l’eau pour s’en débarrasser.  Un saut s’anticipe par le fait que la ligne aura alors tendance à cesser subitement de dérouler et à remonter en surface.  Ainsi, plutôt que de nager à l’horizontal, le poisson est alors en train de remonter à la verticale pour mieux prendre son élan afin d’exploser hors de l’eau.  Lorsqu’on décèle l’approche de cette tactique aérienne par une remontée de la ligne et une baisse subite de la tension, il importe d’abaisser aussitôt le scion de la canne.  Ce mouvement permet de réduire toute tension additionnelle sur la ligne qui risquerait de faire davantage pression sur le leurre qui en subit déjà trop par cette agitation de grands coups de gueule.

Dans presque tous les cas de décrochages, la cause est due au fait que vous avez probablement bousculés les étapes en voulant aller trop vite dans la récupération.  Évidemment, on ne doit pas épuiser à outrance un sujet lorsque l’on prévoit effectuer sa remise à l’eau.  Il faut tout de même un juste équilibre entre un épuisement suffisant, celui qui assurera la récupération, sans trop user des forces restantes du poisson pour assurer sa survie après le combat. 

Conclusion

Un véritable trophée au bout de la ligne est un événement souvent exceptionnel dans toute une vie de pêche.  Et comme si la tache de le ramener n’était pas assez difficile, il arrive des hasards où ces accrochages avec des poissons monstres se font avec de l’équipement beaucoup trop léger dans les circonstances. 

En prenant toutefois son temps sans sauter d’étapes à la récupération, on peut cependant ramener de véritables bêtes capturées accidentellement avec de l’équipement très inférieur à l’épreuve. Même avec de l’équipement approprié, ces principes de récupération demeurent importants à respecter et pourront, je l’espère, sauver le trophée de votre vie! 

Rappelez-vous cependant que ces sujets exceptionnels sont rares, non facilement remplaçables par la nature puisqu’ils ont souvent mis de nombreuses années pour atteindre cette taille gigantesque.  Il nous importe donc de les respecter en prônant autant que possible la remise à l’eau après les avoir photographiés pour la postérité.  Je vous en souhaite au moins un dans votre vie!

Lorsque possible après une belle photo, vous pourriez considérer la remise à l’eau de votre poisson trophée.

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