Orignal

Texte et photos LOUIS TURBIDE

La magie des réserves fauniques
Après plusieurs années, l’auteur a pu vivre à nouveau la frénésie qui entoure un séjour de chasse à l’orignal en réserve faunique, plus précisément dans celle de Rimouski.
La magie des réserves fauniques
Après plusieurs années, l’auteur a pu vivre à nouveau la frénésie qui entoure un séjour de chasse à l’orignal en réserve faunique, plus précisément dans celle de Rimouski.
Quand je pense à la réserve faunique de Rimouski, cela me rappelle des souvenirs incroyables car c’est dans cette réserve que j’ai récolté mon premier orignal à vie, et ce à l’arc en plus! Comme pour la plupart des chasseurs d’orignaux, ce souvenir est si précis dans ma tête que je me rappelle les moindres détails qui ont mené à la récolte de mon premier buck arborant un panache de 40 pouces exactement. À l’époque, je chassais à partir d’un mirador et après quelques appels de femelle plaintive suivis de réponses de mâle, un vrai mâle m’avait répondu! Je ne savais trop quoi faire sinon espérer qu’il se rapproche suffisamment pour que j’aie une chance de décocher ma flèche. Quelques minutes plus tard, il était apparu majestueux juste en face de moi ne me laissant pas d’occasion de tir. Étant cloué à mon mirador, je devais le faire emprunter le chemin forestier situé à ma gauche pour qu’il passe parfaitement de côté. Je décidai alors de caller en cette direction pour lui faire croire que le mâle que j’imitais était dans cette direction.
Le stratagème fonctionna, celui-ci progressa vers moi dans le chemin. Voyant l’imminence d’un tir, je décidai d’étirer la corde de mon arc pour être prêt mais l’orignal stoppa sa progression m’obligeant à débander mon arc et à lui répondre une autre fois puis une autre… J’étais très nerveux mais aussi très excité de vivre enfin un pareil moment. Finalement la troisième fois fut la bonne et je pus décocher ma flèche. Un tir un peu bas qui atteignit l’animal au cœur. Celui-ci partit à vive allure mais après une centaine de pieds, il tituba rapidement. J’étais aux anges et surtout c’est à ce moment que j’ai attrapé la piqûre pour cette chasse unique car j’avais enfin eu de l’action!
Suite à cette première récolte, j’ai eu la chance de chasser à nouveau l’orignal dans la réserve faunique de Rimouski mais aussi dans d’autres réserves fauniques comme celle de Matane, des Laurentides, Portneuf, ainsi que Dunière et Duchénier qui ne font pas partie du réseau Sépaq. Avec du recul, je peux affirmer que j’ai appris à chasser l’orignal dans ces territoires uniques simplement parce que la densité avantageuse d’orignaux sur ces territoires permettait bien souvent d’avoir plus d’une chance de récolter son orignal lors de son séjour et d’ainsi apprendre! Ainsi, l’expérience acquise sur de tels territoires m’a permis de progresser rapidement en tant que chasseur et j’ai été chanceux de pouvoir vivre toutes ces belles expériences.
Depuis une dizaine d’années, je chasse en Mauricie dans un secteur où les densités de bêtes n’ont absolument rien à voir avec ces réserves fauniques. En fait, c’est le jour et la nuit et ce, même si mon groupe réussit quasi à chaque année à déjouer un orignal, la marge de manœuvre est inexistante comme c’est le cas pour bien des chasseurs du Québec. C’est dans cet état d’esprit que j’ai décidé l’an dernier d’appliquer au tirage au sort pour un séjour sur un de ces territoires. Quelle ne fut pas ma surprise quand j’ai consulté les résultats des 7 applications que j’avais effectuées. J’étais sorti gagnant au 13e rang pour un séjour de chasse à l’orignal (arc-arbalète) dans la réserve de Rimouski! J’étais aux anges et en un temps record mon groupe de quatre chasseurs était formé. Quelques jours plus tard, je choisissais les dates et la zone où se déroulerait notre séjour soit la zone 16A du 2 au 6 octobre en chalet Modik. Il ne restait alors qu’à patienter un peu plus de huit mois avant que ne débute cette belle aventure! Cela nous donna amplement de temps pour nous préparer. Dans nos préparatifs, la discussion la plus corsée tourna autour de notre objectif de récolte. Alors que j’étais prêt à attendre un mâle frisant au minimum les 40 pouces de panache, certains de mes partenaires n’envisageaient pas vouloir laisser passer un mâle de 1,5 an puisque le séjour était à l’arbalète et que de quatre jours. De plus, on avait entendu dire que le cheptel de la réserve avait diminué significativement au point de diminuer le nombre de séjours disponibles. On était loin de s’entendre mais à force de dialogue, on s’est entendu pour tenter de récolter un mâle d’au moins 2,5 ans.
Dans la réserve faunique de Rimouski, nous n’avons pas le droit de chasser la journée de notre arrivée. Par contre, si le groupe qui nous précède a déjà quitté, nous pouvons aller prospecter notre territoire, ce qui représente un net avantage pour le lendemain matin. De ce côté, nous avons été chanceux et c’est en milieu d’après-midi après nous être enregistrés à l’accueil de Saint-Narcisse que nous avons pu parcourir notre zone de chasse exclusive de 19.34 km2. À peine arrivés sur notre zone, une femelle accompagnée de son veau nous a souhaité la bienvenue! C’était de bon augure! Par contre, le point culminant de notre prospection s’est déroulé dans la dernière heure de clarté alors que moi et Mario avons décidé de lâcher quelques appels dans un endroit qui semblait prometteur. Quelle ne fut pas notre surprise d’entendre en quelques minutes pas moins de deux femelles et trois mâles se manifester suite à quelques appels de femelle. Je n’ai pas besoin de vous dire que la nuit a été très longue et que nous avions hâte de retourner à cet endroit le lendemain matin.

Avant de débuter son séjour de chasse dans la réserve de Rimouski, il faut procéder à l’enregistrement qui se déroule au poste d’accueil de Saint-Narcisse. À ce moment un préposé de la Sépaq expliquera en détails les consignes à suivre lors de votre séjour. De plus, le chef guide de la réserve vous fera un topo des secteurs chauds à patrouiller en plus de vous mettre au parfum de ce que les groupes qui vous ont précédés ont eu comme action.

Lors des premières minutes de prospection, nos chasseurs ont pu observer quelques orignaux dont cette femelle accompagnée de son veau qui leur ont souhaité la bienvenue! Il est à noter que dans cette réserve, on ne peut chasser la journée de notre arrivée mais il est possible d’aller prospecter la zone si le groupe qui nous précède a terminé sa chasse.
Étant quatre chasseurs, nous avons décidé de former deux équipes de deux chasseurs pour toute la duré de notre séjour. Chaque équipe était munie d’un radio fréquence ouvert en tout temps pour éviter tout risque de double abattage. Avec les signes que nous avions vus, il n’y avait vraiment pas de risque à prendre. Quand on va à la chasse, le côté chance joue un très grand rôle et nous avons été chanceux au niveau de la température. Imaginez lors de notre premier matin de chasse le 3 octobre, la température affichait -6 C sans aucun vent. Le genre de matin où tout devient possible. Alors que nos partenaires Richard et Daniel arpentaient le secteur où nous avions aperçu la femelle et son veau, moi et Mario nous nous sommes dirigés dans le secteur où nous avions eu des réponses la veille.

Dans le secteur 16A où le groupe de l’auteur a chassé, il y avait 5 salines où étaient érigées des caches qui permettaient aisément des tirs à l’arc ou arbalète. Des signes évidents de la présence récente des orignaux ont été découverts à ces endroits.
Rendus sur place, c’est avec une certaine excitation que j’ai lancé mon premier appel du séjour! Étonnamment la première réponse ne vint pas du secteur où on avait entendu les orignaux la veille mais d’un peu plus loin à notre gauche. Qu’à cela ne tienne, une femelle qui répond à une femelle, c’est la confirmation qu’un mâle a aussi répondu mais que nous ne l’avons tout simplement pas entendu. Nous avons donc décidé de nous rapprocher de cette femelle pour tenter d’entendre et localiser ce mâle. Après une trentaine de minutes et quelques réponses, nous nous sommes rendus compte que le couple s’éloignait et que nous étions loin de la coupe aux lèvres. J’ai donc décidé de tenter d’autres appels en direction de la petite swamp où les orignaux semblaient se trouver la veille. Quelques réponses timides s’en suivirent mais rien d’assez convaincant pour espérer voir un mâle sortir de ce trou et venir à portée d’arbalète. Il fallait prendre une décision et s’adapter à cette constatation et surtout corriger le tir.
Au cours des dernières années, la Sépaq a bonifié ses forfaits de chasse à l’orignal pour s’adapter aux besoins de sa clientèle. Ainsi, selon les disponibilités, chaque groupe peut avoir accès à un traîneau de transport ou un treuil portatif pour faciliter la sortie de la bête du bois. De plus, même s’il est possible de « palanter » votre animal à côté de votre chalet si la température est suffisamment fraîche, il est aussi possible d’aller le porter dans la chambre réfrigérée de la réserve et ce, sans frais.
Pendant ce temps, Richard et Daniel avaient changé de secteur et une première réponse franche de mâle avait retenti et le mâle était en direction des chasseurs mais le bois était trop dense à l’endroit où les chasseurs se trouvaient et bien qu’ils aient vu le mâle, aucune chance de tir ne leur a été offerte. Au même moment, Mario et moi avions décidé de pénétrer en forêt et de nous diriger vers cette fameuse swamp autour de laquelle il semblait y avoir de l’action. À peine après avoir mis le pied dans cette forêt mature, nous sommes tombés sur un véritable boulevard d’orignal que nous avons suivi, cherchant le meilleur endroit pour débuter nos appels. Cette forêt mature était tout simplement parfaite et après avoir parcouru à peine 150 mètres, je me suis retourné vers mon partenaire et je lui ai dit que c’est à cet endroit que nous ferions venir notre orignal. Plusieurs options de tir à 30 mètres s’offraient à nous et nous avions le vent pour nous. C’était tout ce que je voulais avant de débuter mes appels.

C’est dans cette forêt mature que s’est déroulée la récolte de l’orignal de notre groupe de chasseurs. Dans un tel environnement, il est assez facile de faire venir un orignal suffisamment près pour le récolter à l’arc ou à l’arbalète.
Si vous faites des séances d’appels à des endroits précis, je vous suggère fortement de procéder ainsi. De cette façon, si vous avez une réponse, vous savez que vous risquez fortement d’avoir une chance de récolter votre orignal. Je lançai donc alors mon type d’appel fétiche, le fameux Maheu avec lequel j’ai régulièrement du succès. Il ne s’est pas écoulé plus de deux minutes avant que la première réponse survienne. Mario et moi, nous nous sommes regardés pour confirmer ce que nous avions entendu et quelques instants plus tard, le buck apparaissait devant nous à environ soixante mètres. Très déterminé, il continua sa progression en notre direction jusqu’à environ quarante mètres pour s’immobiliser face à nous dans l’attente d’une confirmation de ma part. Ayant déterminé qu’il s’agissait d’un mâle de 2,5 ans et qu’il répondait aux critères du groupe, la décision a été prise de le récolter si bien entendu, il venait à portée de tir. Mario était déjà agenouillé l’arbalète pointé sur le mâle, je lui ai alors chuchoté que j’allais faire passer le mâle entre deux arbres précis en callant en sens opposé et que c’est à cet endroit que nous allions décocher chacun nos flèches en même temps! Je débutai alors mes appels et le mâle ne bronchait pas et faisait aller sa langue dans tous les sens pour tenter d’humer la moindre particule d’odeurs de cette femelle qu’il entendait mais qu’il ne voyait pas. C’était très beau à voir mais j’avais hâte qu’il se décide à avancer. Après environ deux minutes qui me parurent une éternité, le stratagème fonctionna et le mâle se dirigea exactement à l’endroit prévu.

Depuis quelques années en réserve faunique, même si le groupe de chasseurs ayant droit à un orignal peut être composé d’un maximum de 4 chasseurs, il n’est pas nécessaire d’apposer plus de deux coupons de transport sur la bête.
Dès qu’il arriva entre les deux arbres, je lui lançai un appel de mâle et il arrêta instantanément. Je donnai alors le signal et les deux flèches atteignirent l’orignal mortellement. Celui-ci fit à peine 40 mètres et c’est sans surprise que nous l’avons entendu s’effondrer au sol! Wow! Quel scénario exceptionnel! Après quelques secondes de cris de joie et avant de nous diriger vers notre orignal, l’appel par radio fréquence à Richard et Daniel fut effectué tant que nous n’avions pas de confirmation de leur côté qu’ils savaient que l’orignal était récolté. Il n’était pas question de gâcher ce moment magique avec un double abattage. Heureusement, ces derniers nous ont rapidement répondu et c’est dans un climat festif que nous avons pu sortir la bête du bois.
Pendant que nous nous apprêtions à éviscérer notre orignal, je n’ai pu m’empêcher de dresser un parallèle entre cette chasse qui dura à peine deux heures et les chasses très difficiles vécues en Mauricie. Juste pour vous donner une petite idée, en incluant les réponses lors de la journée de prospection et les deux heures de chasse, j’ai personnellement eu beaucoup plus d’action dans ces quelques heures qu’en minimum cinq ans en Mauricie. De plus, j’ai découvert plus de frottages et de souilles lors de ce voyage que dans mes 10 années de chasse en Mauricie…
Le groupe de l’auteur n’a eu aucune difficulté à trouver des signes frais comme des souilles ou des frottages qui confirmaient de la présence de mâles dans le secteur.
Imaginez! Quand on est habitué de chasser dans une densité de moins de 2 orignaux par 10 km2 et qu’on a la chance d’arpenter un territoire qui avoisine au moins 15 orignaux par 10 km2, on est comme un poisson dans l’eau. C’est tout à fait incroyable! Apparemment que le cheptel d’orignaux a baissé dans la réserve de Rimouski et que la chasse est plus difficile! En tout cas dans la zone 16A, cela ne paraissait pas du tout et je peux vous confirmer que cette réserve demeure sans contredit un paradis pour la chasse à l’orignal et que j’y retournerais n’importe quand si Dame chance me sourit à nouveau! Comme je le dis souvent, ces territoires exclusifs demeurent les meilleures écoles pour en apprendre rapidement sur le roi de nos forêts québécoises!

Lors du séjour de l’auteur son groupe était hébergé en chalet Modik au bord du lac Sifroi qui peut accueillir jusqu’à 4 chasseurs.