CHEVREUIL ANTICOSTI

Par MAXIME DUBÉ

MARK RAYCROFT
Savoir tirer
son épingle du jeu en octobre
Pour le commun des chasseurs, Anticosti sera toujours la Mecque de la chasse aux chevreuils apportant maintes occasions de prélever de beaux mâles. Pour les habitués de la chasse à l’île, il est indéniable que cette facilité de récolte varie dans le temps et que le mois d’octobre constitue un très grand défi pour réussir à voir ces beaux spécimens.
Afin d’éclaircir la situation pour un néophyte et aider à augmenter les chances de récolte pour un beau mâle, je vous transmets certains détails primordiaux pour atteindre ce but.
D’entrée de jeu, lorsqu’on parle du mois d’octobre pour la chasse aux chevreuils, on doit tenir compte en réalité de la période qui s’étale de la dernière semaine de septembre jusqu’aux premiers jours de novembre. La caractéristique particulière de cette période est que les mâles matures se déplacent peu, demeurent sur une superficie réduite et s’exposent peu dans les ouvertures. Les chasseurs auront bien l’occasion de voir femelles, veaux et jeunes mâles parcourant les zones ouvertes mais les chances de croiser ce mâle bien panaché sont au minimum sur ce même terrain.
Qu’est-ce qui peut bien occasionner ce type de comportement qui ne favorise pas leurs rencontres? En fait, c’est un amalgame de plusieurs facteurs combinés. On peut débuter par le fait d’avoir son pelage d’hiver avec poils isolant combiné à de chaudes journées automnales qui constitue une première raison. Lorsque le thermomètre dépasse les 14 degrés Celsius, cette chaleur agit directement sur le comportement des chevreuils qui doivent trouver des moyens afin d’assouvir leurs thermorégulations. La réaction habituelle est de trouver les zones boisées plus denses qui offrent une protection contre les chauds rayons de soleil. Ces zones offrent souvent une réduction de la température de plusieurs degrés, ce qui leurs assureront le confort recherché.
Ensuite, cette période constitue le moment dans l’année où les mâles se dotent de leurs réserves adipeuses, très importantes afin de se préparer pour l’hiver mais souvent dilapidé lors de leurs nombreux déplacements pendant le rut. Cette période apporte un apport en fruits sauvages, champignons ainsi que le dernier feuillage disponible. Cette manne peut occasionner de très faibles déplacements de ces mâles à ce moment s’ils trouvent tout ce qu’ils recherchent dans un même endroit.
Finalement, les groupes de chasse précédents ont pu prélever une bonne part des mâles dans la périphérie des chemins du territoire. On doit savoir que les premières semaines de septembre constituent un excellent moment dans l’année pour prélever de beaux « bucks ». Cela favorise donc grandement la récolte de ce segment de population au détriment des groupes de chasseurs suivants. Pour bien prendre la mesure de ce paramètre, il est intéressant de connaître que le domaine vital d’un chevreuil à Anticosti est d’environ 0,4 km carré. Vous aurez donc peu de chance de croiser sur la route un chevreuil qui se tient à plus de 650 mètres de celui-ci. Étant donné que la majorité des récoltes s’effectuent à l’intérieur d’un km d’un chemin carrossable, il sera de plus en plus difficile de mettre la main sur un mâle décent dans la périphérie de ces routes au fur et à mesure que les groupes se succèdent. Si on considère une densité de 8 cerfs au km carré et qu’il y a un mâle mature (2.5 ans et +) sur 10 cerfs, on peut en venir à la conclusion qu’on peut espérer en croiser un à chaque 1.5 km de route. Pour les deux premiers séjours de la saison, j’estime une récolte à environ 75% de bucks matures. Cela représente donc 12 mâles recherchés en moins pour les groupes suivants. Juste en deux semaines, on peut dire que les premiers chasseurs « écrèment » au moins 18 km de chemin sur le territoire. Est-ce que cela est assez révélateur afin de vous convaincre d’entrer un peu plus loin en forêt?

Les chemins aménagés comme celui-ci, qui ont été fortement chassés en septembre, sont de moins en moins propices à la récolte de beaux mâles au fur et à mesure que progresse le mois d’octobre.
Le portrait peut vous sembler pessimiste mais en connaissant son comportement, il suffit d’ajuster vos techniques de chasse afin d’augmenter vos chances de croiser le mâle tant recherché.
À moins que vous soyez à la recherche exclusivement de femelle ou veaux, la technique de couvrir du territoire en véhicule est à proscrire! Vous allez parcourir les mêmes chemins que les groupes précédents, n’oubliez pas que les abords de chemins sont les zones les plus chassés… Alors pourquoi y perdre de si précieuses heures? Si les chasseurs n’ont pu y trouver le mâle recherché, plusieurs prendront le choix de récolter une ou deux femelles sur ces mêmes chemins. La problématique qui se créé pour les groupes à venir, ce sont les erreurs d’identification et une augmentation des abattages de veaux en pensant que c’est une femelle. Lorsque le veau est seul, il n’y a aucun comparable afin de confirmer si c’est une bête adulte ou juvénile. Vous pouvez être sûr que lorsqu’un veau vous regarde de face, il est beaucoup plus difficile pour le chasseur de voir les attributs qui les distinguent des femelles. Plusieurs chasseurs d’expérience ont malheureusement été confondus dans cette situation.
En excluant cette technique, il est facile de faire le lien que votre meilleure option est donc de couvrir les zones boisées en mode chasse fine. Il se peut que j’en fasse sourciller certains mais votre meilleur atout pour augmenter votre succès sera les périodes de mauvaise météo. Ces journées où le vent soufflera à plus de 60 km/h ou bien lorsque la pluie vous détrempera en moins de 3 heures, vous serez en mesure d’attaquer ces zones forestières où les bucks se cachent. Sachez utiliser ces moments où la météo se déchainent afin de chasser ces secteurs car en temps normal, vous ne pourrez pas accéder à ces zones sans vous faire détecter par les 3 sens utilisés par les chevreuils pour leurs survies. Vous devez être conscient qu’il est essentiel d’avoir soit un gps et de connaitre son utilisation ou bien un téléphone bien protégé des intempéries en utilisant une application de positionnement comme Avenza pour assurer vos déplacements hors sentiers. Il est également très important d’effectuer l’exercice d’optimiser votre équipement comme décrit dans le dernier article du mois d’août car un deuxième ensemble d’imperméable sera très bénéfique pour ces journées moins « agréables » côté confort.

Image Google Earth avec une vue sur le territoire de Galiote à Anticosti. La zone encerclée de rouge représente les portions à exploiter lors des journées dites normales avec du beau temps. Ce sont les zones de forêts matures avec strates arbustives en sous-étage. Celle en bleu représente, les zones à exploiter lorsqu’il y a du mauvais temps et où on doit exploiter les zones sans arbres matures. On voit la différence de coloration pour ces différents secteurs.
Dans le cas où le vent se fait très discret, un des bons moyens d’accéder à des zones moins chassées est d’utiliser les petits ruisseaux ou les rivières pour parcourir les zones boisées où les mâles se tiendront en retrait. Il est très important de se munir de bottes de caoutchouc pour effectuer ce type de chasse car vous aurez à traverser régulièrement ou à marcher directement dans ces cours d’eau. Une botte haute en caoutchouc sera fortement plus appréciée qu’un bottillon de chasse en cuir ou tissus synthétique.
Si vous êtes un chasseur plus âgé, limité physiquement ou bien, vous n’êtes pas à l’aise pour vous lancer à l’aventure à l’extérieur des sentiers, sachez exploiter les sentiers qui longeront les cours d’eau ou bien traverseront des zones de perturbations dans le bois. Vous devez rechercher les zones offrant une diversité d’habitat afin d’offrir des sources différentes de nourriture. Ces zones de perturbations sont facilement détectables sur les cartes d’Avenza par leurs colorations en rose. Vous devez cependant faire la différence entre les zones de parterre de coupe et les perturbations naturelles. Ces derniers ne sont pas assujettis de plusieurs routes comme les zones de coupes forestières. Ces secteurs offriront la possibilité d’y trouver fruits sauvages et feuillage sur des arbustes qui demandent de la lumière et des champignons dans les zones en périphéries de ces perturbations. Vous devez toujours garder en tête les besoins primaires des cerfs en cette période.

Image provenant du site internet de Sépaq Anticosti (section information et onglet cartes de territoire) illustrant en bleu les zones de perturbations naturelles, majoritairement des zones de chablis avec régénération arbustives, et en rouge, les zones de perturbations humaines, soit les coupes forestières.

Illustration d’un milieu ayant subi un chablis (perturbation naturelle sans chemin) causé par des grands vents. On y retrouve les vestiges des arbres tombés ainsi qu’une repousse majoritairement en épinette blanche.
Comme vous pouvez le voir, je ne recommande pas nécessairement d’utiliser les grandes zones ouvertes car celles-ci ne constituent pas les zones prolifiques à ce temps de l’année. Pour un chasseur qui ne désire pas nécessairement s’attaquer seulement à ces grands mâles, ça peut toujours constituer en de bons choix de sentiers et il y aura toujours une infime possibilité de croiser un beau spécimen dans la zone de transition avec la forêt. Un de mes 5 plus gros « bucks » de l’île a été récolté en début octobre dans ces circonstances. Il suffit d’espérer que la chance sera de votre bord en ces lieux.

Exemple d’un milieu semi-humide en forêt. Ce type de milieu facilite les déplacements silencieux lors des journées normales avec vent moyen. C’est le type d’endroit à privilégier en octobre plutôt que les grandes plaines.
Une question qui revient régulièrement aussi est celle de l’utilisation de cache pour y faire le guet. En considérant tous les éléments énumérés précédemment, ce ne sera pas le meilleur moment pendant l’automne pour cette technique. L’utilisation des caches est beaucoup plus optimale lors des périodes de fort déplacement, soit en début septembre, pendant le rut ou en post-rut. Je réitère qu’il sera plus rentable de marcher un seul kilomètre dans un sentier boisé que de rester en bordure de chemin forestier. Rien ne vous empêche d’effectuer des pauses régulières de 15 à 30 minutes pendant votre progression afin de profiter des légères ouvertures qui s’offrent à vous sur votre sentier. Je suis convaincu que vous y gagnerez au final.
Maintenant, en quoi consiste un boisé idéal pour y retrouver un mâle mature? En temps normal, celui-ci devra être constitué d’une forêt avec différents étages de végétation et une densité de moins de 100 pieds de visibilité. Vous devrez alors trouver ces zones sur le terrain, rien ne sert de parcourir les zones avec moins de 20 pieds de visibilité, vos chances sont très faibles d’y surprendre un cerf dans votre progression et rien ne sert de parcourir les zones trop uniformes permettant une visibilité de plus de 150 pieds, ces secteurs n’offrent que très peu de protection et nourriture.

Cette photo représente un milieu de forêt mature avec régénération arbustive en sous-étage. C’est l’endroit-type à privilégier lors des journées d’octobre par beau temps.
Et si la météo se déchaine? Sachez utiliser les zones à l’abri du vent et les zones d’épinettes de moins de 30 pieds de hauteur. La visibilité y sera moindre mais les éléments météorologiques vous permettront de passer inaperçu des sens des cerfs. Vous devez éviter à tout pris les zones d’arbres matures. Ces derniers sont sujet à émettre d’innombrables bruits, de constants mouvements de branches et sont sujet à casser ou se faire déraciner. Rien de rassurant pour les cerfs qui éviteront inévitablement ces secteurs pendant ces « mauvaises journées ».

Cette image illustre le type de boisé à chasser lors des journées de grands vents ou de pluie intense. La visibilité y est très réduite et on y note l’absence d’arbres matures.

L’auteur avec un grand mâle récolté dans un endroit typique de la fin d’octobre.
Vous êtes maintenant en mesure de relever un très beau défi que de récolter un mâle mature pendant cette période tant redoutée! Le succès n’y sera jamais garanti mais du moins, ne faites pas l’erreur de concentrer tout vos espoirs sur des chemins qui sont trop souvent surexploités.
L’auteur avec un grand mâle récolté dans un endroit typique de la fin d’octobre.