ORIGNAL

Par </br>JOËL DUBOIS

Par
JOËL DUBOIS

Quatre techniques de chasse évolutives

L’heureux chasseur, Guy Therrien démontre sa fierté suite à la récolte de ce beau mâle après une chasse statique à l’affût avec utilisation de différentes tactiques.

Quatre techniques de chasse évolutives

En tant que guide professionnel, je guide de septembre à décembre et je dois composer avec plusieurs facteurs atténuants les conditions de chasse, tels que la température, la pression de chasse, les conditions météorologiques. C’est pourquoi j’utilise ces quatre techniques de chasse évolutives afin de palier à ces facteurs et ainsi augmenter mes possibilités de faire récolter un orignal tant convoité par mes client(e)s/chasseu(ses)rs.

Initialement, une prospection printanière et automnale sont de mise afin d’orienter votre saison de chasse évolutive. 

La prospection printanière est propice pour un nouveau territoire afin de localiser les bonnes zones nourricières, de repos, de rut et tempérées de votre territoire de chasse. Ce type de prospection est primordial afin de bien connaître ces différents secteurs à exploiter tout au long de votre chasse évolutive.

La prospection automnale, vous permettra d’aiguiller votre zone dans laquelle vous débuterez votre chasse en fonction des indices trouvés sur votre territoire. Je n’élaborai pas davantage sur ce sujet cependant, je désirais simplement vous sensibiliser sur l’importance de la prospection qui est directement en lien avec la chasse évolutive.

La chasse évolutive se définie comme étant une chasse adaptative aux facteurs ainsi qu’aux indices détectés lors de vos prospections/expéditions de chasse. Peu importe les conditions météorologiques, vous serez en mesure de mettre en pratique une technique de chasse évolutive.

Un chasseur averti, suite à ses observations lors de ses prospections, sera en mesure de colliger, d’analyser et d’élaborer ses plans d’expéditions de chasse au quotidien. Cependant, il devra également tenir compte de plusieurs autres facteurs/éléments très importants dans sa prise de décision. Cela lui permettra de mieux sélectionner la technique de chasse évolutive à préconiser de même que son secteur de chasse.

Les facteurs/éléments à considérer

  • La période de chasse (pré-rut, rut, post-rut);
  • Les conditions météorologiques (rafales de vent, forte pluie, intempéries, température chaude etc.);
  • Absence totale de vent;
  • Absence de nourriture;
  • Nourriture encore active selon votre période de chasse (localiser les broutages frais de feuillus, ramilles et écorces);
  • Les indices récents (pistes, signes de rut, déplacements, vocalises femelles etc.);
  • La direction et force du vent;
  • La pression de chasse;
  • La superficie du territoire de chasse (privé, public, zec, réserve, pourvoirie et autres);
  • Le type d’habitat;
  • Le peuplement forestier;
  • Les obstacles naturels;

Les techniques de chasse évolutive

La chasse progressive (fine)

Une chasse progressive s’étant conclue avec succès grâce à l’utilisation de différents appels sociaux comme le démontre Francis Lagacé.

Il s’agit d’une technique de chasse en déplacement lente et contrôlée suivi de temps d’arrêts avec écoute très fréquents. Lors des déplacements, effectuez des appels judicieux et appropriés selon vos indices récents localisés (pistes, signes de rut, photos + vidéos de vos caméras de surveillance de votre territoire, présence de mâles matures, jeunes mâles, femelles, afin de mieux sélectionner vos types d’appels). Faite des arrêts très fréquents afin d’écouter et observer (craquements, vocalises, réponses, rattling, silhouette d’orignal etc.) et déplacez-vous toujours à bon vent (de face ou latéral). Cette technique permet de pénétrer dans l’habitat de l’orignal, là où il s’en attend le moins et d’avoir une approche plus efficiente.

Il est aussi primordial d’utiliser des vêtements et des bottes silencieux adaptés aux climats contemporains. Progressez à pas feutrés (à pas très léger avec le moins de bruit possible). Idéalement, vous devriez vous servir des conditions météorologiques, tels que les vents modérés à forts et les intempéries afin d’atténuer vos bruits de déplacements. Cela vous permettra de masquer vos erreurs (bruits de pas, frottements des vêtements dans les arbustes/branches).

Déplacez-vous si possible en binôme (guide/calleur accompagné d’un tireur/intercepteur). Toutefois, la technique peut aussi s’exercer seul ou en groupe. Se déplacer et agir comme un orignal le ferait (en zigzagant, en broutant, éviter les déplacements en ligne droite sur une longue distance). Enfin, utilisez de la vraie urine de mâle mature lors de l’approche finale.

Au préalable, avoir préparé son tracé d’avance sur GPS en fonction des habitats recherchés et obstacles à contourner ou à éviter vous fera sauver beaucoup de temps. Évitez ou limitez aussi l’utilisation de cette technique sur les territoires « restreints » tels que les terres privées, durant l‘absence totale ou partielle de vent et/ou d’intempéries. Favorisez plutôt l’utilisation des sentiers sur votre territoire de chasse. Si vous n’avez aucun sentier, il serait bénéfique d’en concevoir dans des endroits stratégiques.

La chasse statique (à l’affût)

Mâle mature photographié par une caméra de surveillance de l’auteur et ayant mené à la récolte du beau mâle apparaissant en ouverture de cet article. Un parfait exemple de la chasse évolutive. En effet, suite à cet indice important  l’auteur a décidé d’exploiter l’information pour établir une stratégie afin de cerner le secteur où le « buck » a été aperçu avec le résultat qu’on connaît…

Il s’agit ici d’une technique de chasse statique (immobile) soit à l’affût ou au sol avec camouflage très commune et prisée par les chasseurs particulièrement efficace lorsque l’emplacement a été judicieusement sélectionné de façon stratégique en fonction des critères suivants : 

  • Localiser un ou des passages naturels (sentiers d’orignaux)
  • Toujours tenir compte des vents dominants en fonction de votre site ciblé et votre position
  • Localiser des endroits stratégiques tels qu’un site nourricier, un séparateur de coupe forestière, un petit plan d’eau, la proximité d’un site de repos, un bûcher de 6 pi de hauteur et plus, à proximité d’un site de rut, etc.

Évitez les endroits à grandes surfaces dénudées (lacs, grands bûchers à blancs, grandes tourbières, champs etc.). Évitez aussi les périodes statiques de longue durée, car cela pourra avoir comme effet de contaminer la région où le vent a propagé votre cône d’odeur humaine. Ainsi, plus le vent est fort moins grand sera votre cône d’odeur mais par contre, plus celle-ci sera propagée à longue portée (ex : corridor d’odeur plus étroit).  À vent faible, le cône d’odeur s’élargit, mais se propage à plus courte portée et dans ces conditions je ne vous recommande pas plus de 2 à 3 heures d’affût en continu dans votre journée.

En l’absence totale ou partielle de vent, cette technique de chasse statique est favorisée ou du moins conseillée fortement. En tenant compte de la direction du vent, placez-vous des tampons d’odeur d’urine naturelle afin d’ériger un corridor d’odeur dans votre secteur visé. Cela aura pour effet de dissimuler votre odeur humaine, d’enlever un doute dans l’esprit de l’orignal et ainsi le fera venir en direction des effluves convoitées.

Placez-vous toujours en fonction des vents dominants afin d’obtenir un ou des corridors de tir selon votre type d’arme utilisée.

Si vous chassez dans un mirador ou une cache en hauteur, commencez par effectuer des scénarios d’appels au sol et débutez à faible intensité. N’oubliez pas aussi que le rattling est souvent très avantageux pour démarrer votre séance d’appel pour par la suite, y ajouter des vocalises.

Prenez soin d’aménager un ou des sentiers « piétonniers » afin de vous diriger à vos postes à l’affût le plus silencieusement possible. En ce qui concerne le choix de vêtements pour cette technique, cela demeure à votre convenance cependant, je privilégie toujours un vêtement « silencieux » le plus possible.

Je ne recommande pas une chasse à l’affût à proximité (en visuel) d’une saline, mais plutôt en périphérie. Nos orignaux du Québec sont de plus en plus éduqués et savent très bien que cela provient des humains prédateurs et représente un danger imminent pour eux.  Servez-vous plutôt des salines avec caméras de surveillance afin de répertorier votre cheptel d’orignaux gravitant dans votre secteur ciblé. Cela vous permettra de bien connaître vos individus satellites près de votre secteur et ainsi utiliser une meilleure tactique d’approche afin de déjouer la bête convoitée.

La chasse évolutive avec station(s) d'appels

Pour cette technique il s’agit ici de considérer un ou des sites d’intérêts localisés lors de vos expéditions de chasse évolutive et/ou prospections avec des indices détectés représentant de fortes présences d’orignaux. Il peut s’agir soit d’un « nid d’amour » ou d’un habitat de rut comprenant une ou des souilles fraiches et/ou des frottages frais, et/ou un poteau de communication frais et/ou un amalgame de ces indices.

Devant ces constatations, je mets immédiatement en priorité (chasse évolutive) ce site comme station d’appel à ma prochaine sortie de chasse. Par exemple, si je découvre ce site en matinée, je prends un point GPS pour m’y rediriger à la fin de la journée, soit une heure et demie avant la fin de l’heure légale de chasse. Je vous recommande de travailler en binôme, un tireur embusqué et l’autre effectuant des scénarios d’appels judicieux en fonction de vos indices trouvés. Toutefois, si je découvre ce site en fin d’après-midi, je vais débuter ma chasse à cet endroit le lendemain matin jusqu’à environ une heure et demie après le début de l’heure légale.

Le chasseur/tireur embusqué se doit d’être le plus furtif possible (dissimule bien sa silhouette derrière un ou des arbustes), et ne pas bouger sauf lorsqu’il est prêt à tirer sur sa cible.  Il est aussi très avantageux d’avoir avec soi de l’urine naturelle d’orignal (mâle mature en période de rut idéalement) puis d’en vaporiser dans les airs lorsqu’une réponse se fait entendre. Au préalable, dans la mesure du possible, le chasseur/tireur s’assure d’avoir choisi un endroit avec un bon corridor de tir.

Lorsque je trouve un site où il y a présence d’un mâle mature, dans mes scénarios d’appels je favorise la provocation afin de faire réagir le mâle pouvant se trouver à proximité. Voici un exemple de scénario à envisager : rattling pour débuter et enchaînement avec des appels de « buck » mature agressif s’il n’y a pas de réaction.

Frottage d’un mâle mature agressif localisé en fin de journée. La découverte de cet indice important a permis la mise en place d’une station d’appels le lendemain matin à la première heure.

L’auteur avec des clients satisfait, suite à une chasse évolutive fructueuse incluant différentes stations d’appels.

La chasse furtive

Jeremy Lalonde est bien content de son « buck » récolté suite à une chasse furtive en couvert dense lors d’une journée de fortes rafales de vent.

Il s’agit d’une technique de chasse en déplacement, très lente et contrôlée suivi de temps d’arrêt avec écoute très fréquents; (idem à la chasse progressive). La différence avec la technique de chasse progressive, c’est l’intrusion furtive dans l’habitat de l’orignal par sournoiserie, c’est-à-dire, sans vous annoncer. Donc, aucun appel ni bruit afin de le surprendre dans son habitat où il sera en mode repos (debout ou couché).

Au préalable, il faut bien connaître les bons habitats sur son territoire de chasse afin de sélectionner le secteur approprié selon les conditions météorologiques. J’utilise d’ailleurs cette technique de chasse évolutive lorsque les conditions météorologiques sont exécrables. C’est-à-dire, avec de fortes rafales de vent et/ou de fortes pluies. Même chose lorsque la température est très chaude.

Vous devez alors aller faire de la chasse furtive dans un habitat comprenant une forêt de conifères mature avec une bonne couverture faisant en sorte autant de réduire l’emprise du vent et de la pluie que d’atténuer la pénétration des rayons de soleil au sol.  D’ailleurs, ces conditions favorisent souvent le développement de la mousse verdâtre (Bryophyta) dans les endroits ombrageux et humides couvrant le sol. Ce genre d’habitat tempéré est prisé par les orignaux de par la fraîcheur que l’on y retrouve. L’orignal, étant un mammifère nordique, il n’apprécie guère la chaleur et demeure sédentaire dans ce type d’habitat. De plus, si vous découvrez un petit cours d’eau accompagné d’un site nourricier à proximité, cela viendra bonifier l’habitat recherché en période de chaleur.

Toujours effectuer vos déplacements à bon vent (de face et/ou latéral). Une pluie ainsi que les grands vents feront en sorte de couvrir vos bruits de déplacement et autres et cela favorisera vos approches auprès des orignaux. Lors de l’approche finale, vaporisez de l’urine naturelle de mâle mature même si vous êtes à bon vent, car souvent ces derniers tourbillonnent dû à la géographie du terrain et cela pourrait faire en sorte de vous faire détecter (s’applique à toutes les techniques de chasse évolutive). Enfin, lorsque vous avez un visuel sur l’orignal, soyez patient et attendez d’avoir un bon plateau de tir en direction de la bête (vital dégagé). Effectuez un appel d’arrêt au besoin, si l’orignal est en mouvement en utilisant un corridor naturel de tir si possible (s’applique à toutes les techniques de chasse évolutive).

Conclusion

Ces quatre techniques de chasse évolutives démontrées, vous permettront de chasser à bon escient, selon les différents facteurs et éléments dont vous ferez face lors de vos expéditions de chasse. Vous serez ainsi en mesure d’effectuer une sélection appropriée de la bonne technique de chasse afin de maximiser votre succès.

Bonne chasse à tous!

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