DORÉ EN AOÛT

Texte et photos </br>RICHARD MONFETTE

Texte et photos
RICHARD MONFETTE

Oui, c'est possible!

En excluant l’ouverture de la saison de pêche en mai, si vous demandez à 100 pêcheurs quelle est la meilleure période pour planifier une voyage de pêche au doré, probablement que 99 d’entre eux vous répondront à la Saint-Jean Baptiste. S’agit-il vraiment de la meilleure période? Probablement. Toutefois dépendamment du printemps (tardif ou hâtif) et de la latitude où le séjour se déroule, cette « meilleure période » pourra parfois être décalée d’une semaine ou deux. Mais est-ce que cela signifie que le reste de l’été est à oublier pour le doré? Certainement pas et je l’ai découvert au fil du temps et de mes nombreuses sorties de pêche estivales. En fait pour avoir essayé autant en juillet qu’en août, je pourrais vous dire que les deux dernières semaines d’août sont souvent aussi prolifiques que la réputée période de la fin de juin. Et comme je prends toujours des vacances de pêche à cette période, disons que ça tombe drôlement bien…

Toutefois, il n’est pas ici question de pêche dans l’extrême sud de la province, mais disons plutôt dans le moyen nord. Personnellement j’ai réussi plusieurs pêches dignes de mention au mois d’août dans des secteurs éparpillés entre le réservoir Cabonga dans la réserve faunique La Vérendrye et le fameux lac Mistassini beaucoup plus au nord. Toute la zone comprise entre ces deux plans d’eau recèle d’excellents lacs à doré qui valent la peine d’être pêchés au cœur de l’été et particulièrement au mois d’août. Je vous dirais même qu’au nord de Chibougamau c’est pas mal toujours bon…

Dans les prochaines lignes je vais tenter de vous démontrer, à l’aide de plusieurs expériences vécues, pourquoi j’aime autant cette période de l’année trop souvent dénigrée par les amateurs de dorés

Dans l’herbe ou dans le fond?

La réserve faunique Ashuapmushuan, est probablement celle que j’ai visitée le plus souvent au mois d’août et je ne compte plus le nombre de fois où j’y ai réalisé des pêches presque gênantes… L’anecdote suivante s’est déroulée il y a près d’une quinzaine d’années. Nous pêchions à deux embarcations le long d’une longue ligne d’herbes à la sortie d’une rivière sur le bien connu lac Ashuapmushuan. Nous nous laissions dériver en pêchant à la dandinette au gré du vent léger qui soufflait lors de cette journée de la mi-août. Les captures et les remises à l’eau se suivaient à un rythme infernal dans une profondeur d’une vingtaine de pieds de profondeur. Tellement que j’en étais presque blasé de prendre des dorés d’une à deux livres. Le banc de poissons de cette taille semblait presque infini. Je dis alors à mon père, qui m’accompagnait, que nous allions essayer autre chose. Nous remontons vers l’amont pour refaire une passe, mais cette fois mon moteur électrique à l’avant allait me servir pour mieux contrôler ma dérive. En fait mon idée était de coller l’herbier de manière à faire passer ma dandinette tout près de la lisière. En procédant de la sorte, je me suis alors aperçu que la bordure de la ligne d’herbe formait un genre de marche d’escalier. Jusqu’à maintenant nous avions exploré le plateau au bas du talus et maintenant nous allions débuter l’exploration du dessus de la marche.

Je travaillais fort avec la pédale du moteur pour réussir à suivre précisément la bordure, pas toujours très droite, de la ligne d’herbe. Rajoutez à ceci le vent et le courant et vous imaginez bien que mon leurre se trouvait plus souvent enchevêtré dans l’herbe qu’au bon endroit. J’étais donc concentré à ma tâche les yeux rivés sur le sonar, indiquant une profondeur d’à peine 2,5 m (8 pi), lorsque tout à coup je ressens une vive secousse et ferre instinctivement. La canne arc-boutée je regarde mon père et lui dit que je dois être aux prises avec un gros brochet…

Après un combat typique des dorés de plus de 2,75 kg (6 lb), mon père passe le filet sous le gros percidé qui finit sa course gigotant au fond de l’embarcation. Un peu surpris, tous les deux, nous nous demandons s’il s’agit d’un simple coup de chance. Toutefois, les passes de dérive suivantes avec des résultats similaires nous permirent d’obtenir notre réponse. Quelle pêche ce fut!

Dans cet exemple, les gros dorés avaient pris position à l’affût prêt des herbes sur le dessus du talus (marche) à faible profondeur 2 à 3 m (6 à 10 pi), un peu comme les brochets le font, alors que les dorés de plus petite tailles se retrouvaient sur le plateau au bas de la pente dans une profondeur de 5,5 à 7 m (18 à 24 pi). Une leçon à retenir pour la pêche en août le long des lignes d’herbes.

Pour la pêche en août près des lignes d’herbes le long d’un talus, le contrôle de l’embarcation est primordial. Pour ce faire l’auteur aime bien utiliser le moteur à la renverse pour obtenir une dérive précise.

Dans la « bouette » et en suspension

Cette deuxième histoire de pêche s’est aussi déroulée il y a une quinzaine d’années à la mi-août. Je me retrouve cette fois en reportage de pêche dans le parc d’Aiguebelle en Abitibi plus précisément au lac Lois. En embarquant sur le lac la première chose qui nous frappe, pour ne pas dire qui nous choque…, c’est la couleur de l’eau. Même avec le temps sec et non venteux depuis plusieurs jours, le lac à l’apparence d’un bain de boue. Plus tard les gens du parc nous ont appris que les lacs aux eaux boueuses sont monnaies courantes dans cette région et qu’ils sont tout de même très propices à la capture du doré.

Humm! C’est quand même un peu décourageant de mouiller son leurre et de le voir disparaître après une descente d’à peine quelques cm… Face à cette situation, je me dis aussitôt que la meilleure stratégie sera certainement d’utiliser des poissons nageurs avec billes d’entrechoquement émettant de fortes vibrations lesquelles pouvant permettre au doré de les localiser grâce à leur ligne latérale. Tant qu’à y être la logique nous impose aussi d’utiliser des leurres aux teintes très contrastées étant plus visibles dans une eau très foncée.

C’est avec cette recette en tête que nous commençons à pêcher à la traîne le long de la rive en suivant la bordure du premier talus. Quelques captures intéressantes plus tard, nous nous apercevons que la plupart des prises sont réalisées alors que nos leurres sont en suspension dans une quinzaine de pieds de profondeur au-dessus d’une trentaine de pieds. Nous explorons donc davantage cette strate de profondeur, pour nous apercevoir que de grands nuages de petits poissons y évoluent en suspension et qu’à chaque fois qu’un de nos leurres s’y aventure, il subit aussitôt l’attaque. Le mystère est résolu rapidement lorsqu’une de nos prises bien gavée régurgite quelques petites perchaudes de l’année. Visiblement, ces dernières s’aventurent en grand nombre dans la colonne d’eau pour venir se nourrir de plancton, alors que les dorés profitent de cette manne du mois d’août pour chasser en suspension. Une découverte incroyable qui nous permit de faire une pêche mémorable alors que la plupart des pêcheurs locaux mordaient la poussière.

Parlant de mordre la poussière, je dois vous ajouter une dernière anecdote survenue lors de ce périple. Lors de la troisième journée du reportage, les responsables du parc m’avait invité à pêcher avec le champion pêcheur pro du dernier tournoi du Festival du doré de la Baie-James. Comme j’ai ma propre embarcation, j’invite le champion à monter à bord. Très gentil le jeune pêcheur m’explique d’entrée de jeux sa technique magique qui lui permet de connaître beaucoup de succès et qui lui a permis de gagner le réputé tournoi. Toujours à l’affût de nouvelles techniques pour prendre du doré, je l’écoute attentivement me décrire le type de harnais à ver spécial qu’il utilise avec un genre de petit gratteur de fond.

Évidemment la pêche au harnais à ver est généralement excellente au doré et je l’utilise aussi de temps à autre, mais je dois lui dire que malheureusement son leurre lui sera totalement inefficace pour pêcher sur le lac Lois. Il me regarde complètement hébété et m’assure que sa technique fonctionne partout où il y a du doré. Je lui explique alors la situation que nous avons découverte avec les poissons en suspension se nourrissant de perchaudes, mais il ne semble tout simplement pas me croire. Il insiste donc pour utiliser sa méthode.

J’accepte alors par courtoisie en sachant bien que ce sera une perte de temps. Je suis alors ses conseils à la lettre en effectuant des passes ultra lentes à la traîne en grattant le fond dans des secteurs qui semblent propices. Après une heure à tourner en rond sans succès, je lui dis que nous allons utiliser ma méthode pour une petite demi-heure. Je lui dis que nous allons pêcher à la traîne avec des poissons nageurs à bavette remplis de billes dans une quinzaine de pieds de profondeur au-dessus d’une fosse de 9 m (30 pi).

Comme son coffre de leurres à doré ne comprend que des harnais à ver de différentes sortes, je lui offre un de mes poissons nageurs. Il part à rire et me dit que jamais il ne va pêcher le doré avec ça. J’insiste car je lui dis que ma vitesse de traîne sera trop rapide pour son gratteur de fond, mais il ne veut rien savoir et il garde son harnais. « Comme tu veux » lui dis-je. Je me souviens alors comme si c’était hier de son visage lorsqu’après avoir traîné mon leurre sur une distance d’à peine quelques mètres ma canne s’arc-bouc sous le poids d’une grosse prise. Il me lance alors aussitôt que j’ai attrapé un gros brochet. Sans dire un mot je continue à combattre la prise trophée sachant très bien, de par son comportement, que ce n’était pas un gros brochet que j’avais au bout de la ligne…

Lorsque le poisson apparaît enfin à la surface après un combat épique, mon comparse tombe littéralement à la renverse complètement estomaqué. Tout près de l’embarcation git un doré trophée de plus de 4 kg (9 lb) et tout ce qu’il trouve à faire consiste à se hocher la tête de gauche à droite en se disant que c’était impossible. C’est donc sans son aide que je passe le gros percidé, format familial, dans le filet. Mon compagnon ne dit pas un mot. Il est littéralement sous le choc… Pour lui, pêcheur au ver convaincu et disons-le unidimensionnel, c’était impossible de pêcher le doré avec des « patentes » en plastique aux couleurs criardes et par-dessus le marché entre deux eaux…  La suite fut de courte durée, car même en insistant il refusa de « s’abaisser » à utiliser mes poissons nageurs. Je pris quelques dorés supplémentaires de la même manière et il me demanda, l’air écœuré, de le ramener à la rampe de mise à l’eau. La morale de l’histoire : les meilleurs pêcheurs ont l’esprit ouvert…

Lorsque l’eau est très teintée ou brouillée de particules en suspension, l’utilisation d’un leurre très voyant aux couleurs contrastées comprenant une chambre de résonance avec billes, augmente énormément les chances que les dorés puissent le repérer et l’attaquer.

Sur le sable

Cette troisième aventure s’est déroulée il y a 7 ou 8 ans encore une fois après la mi-août. Je suis en compagnie de mon père sur le lac Lacroix de la pourvoirie du même nom et nous sommes en mode exploration. Je passe alors le plus clair de mon temps à regarder l’écran du sonar en me déplaçant avec le moteur à mi-régime à la recherche de structures propices. Tout à coup en pénétrant dans une baie de bonne dimension, je découvre un talus de sable comme je les aime. Il passe d’un plateau de 8 à 10 pieds à une profondeur de 35 pieds par petits paliers  comme un escalier abrupte. Je longe cette structure qui s’étire sur plus d’une centaine de mètres les yeux rivés sur l’écran du sonar et je lance alors à mon père un regard satisfait jumelé d’un grand sourire en lui disant: « c’est ici qu’on pêche »…

Pour faire une histoire courte, ce fut une de mes meilleures pêches au doré en pourvoirie. À chaque fois que nous descendions nos dandinettes de 3 po à l’allure de petits ménés le long du banc de sable nous subissions des attaques agressives de dorés dodus d’un poids variant de 1 à 2,7 kg (2 à 6 lb). Nous nous laissions simplement dériver au gré du vent en suivant la bordure du talus à l’aide du moteur à la renverse qui nous permettait de bien contrôler nos déplacements (voir vidéo ci-dessous pour en connaître plus sur le contrôle de l’embarcation). La profondeur de 6 à 7,5 m (20 à 25 pi) était la plus productive et lorsque nos leurres passaient au bon endroit c’était presque invariablement des doublés.

C’est lors d’un voyage de pêche au lac Lacroix au nord du réservoir Gouin que l’auteur a  connu beaucoup de succès en utilisant des dandinettes avec corps de plastique souple imitant un petit méné le long d’un talus sableux.

Dans la roche

Cette dernière anecdote s’est déroulée beaucoup plus récemment dans le cadre de mon traditionnel voyage de pêche familial au doré à la mi-août en compagnie de nos amis Jean et Véro. Encore une fois à la recherche de nouvelles structures propices à l’aide de mon sonar, j’ai les yeux rivés sur ce dernier. Sur le réservoir Dozois, les zones rocheuses sont abondantes, et en août j’aime bien dénicher des îlots sous-marins de ce type. C’est d’ailleurs exactement ce que mes yeux recherchent sur l’écran. Pour qu’ils soient vraiment propices en août, j’aime bien les monticules qui culminent dans une profondeur de 15 à 18 pieds et qui sont entourés de zones plus profondes (25 à 40 pi). Idéalement, les pentes sur le pourtour de la structure devraient avoir des paliers et être irrégulières offrant des cachettes aux dorés. Les structures avec des pentes très abruptes (formant un mur) sont beaucoup moins propices.  

Après quelques heures de recherches, je déniche enfin le type de structure mentionnée précédemment. Je dis bien quelques heures, car lorsque je suis en mode recherche/exploration il n’est pas rare que je passe beaucoup de temps à me déplacer en pêchant très peu. Bien des pêcheurs considèrent qu’il s’agit d’une perte de temps. La réalité est tout autre car lorsqu’on découvre un bon « spot » on pourra prendre notre lot de poissons en quelques minutes de pêche et tout le temps précédemment consacré prendra soudainement tout son sens… 

L’écran du sondeur de fond m’affiche aussi de nombreux signes de la présence de poissons entre 6 et 7,5 m (20 et 25 pi) de profondeur et nous laissons finalement descendre nos dandinettes, à l’apparence de petits poissons fourrages, en plein dans la zone ciblée. Bang et rebang!… Les poissons sont en chasse et c’est la fête dans l’embarcation. Il faut dire aussi que la température est parfaite pour la pêche au doré. 25 degrés Celsius avec ciel partiellement nuageux et vent de léger à moyen en provenance de l’ouest. La même structure, par vent nul et soleil de plomb, n’aurait certainement pas été aussi productive; expérience à l’appui…

Au mois d’août dans certains réservoirs, l’auteur  aime bien pêcher sur les îlots rocheux souvent situés loin des rives. Pour les repérer, il n’hésite pas à consacrer plusieurs heures à explorer le plan d’eau les yeux rivés sur sa carte et son écran de sonar.

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