OIE BLANCHE
DE PRINTEMPS

Par MICHEL LA HAYE et</br>FRANÇOIS LÉVESQUE</br>Photos : </br>FRANÇOIS LÉVESQUE

Par MICHEL LA HAYE et
FRANÇOIS LÉVESQUE
Photos :
FRANÇOIS LÉVESQUE

Michel La Haye | Sauvaginemlh.com | Facebook

Les chasser avec une
« petite installation mixte »

Pour débuter avec notre nouveau magazine 100% CHASSE PÊCHE, laissez-nous vous présenter un article technique sur la chasse de printemps à l’oie blanche avec un nombre restreint d’appelants de bernaches et de blanches et des appels peu orthodoxes.  Une des nouvelles facettes du magazine est de favoriser des collaborations avec des gens passionnés de chasse et de pêche. C’est dans cette optique que je vous présente cet article réalisé en collaboration avec mon grand ami, collègue et presque frère, François Lévesque, un charismatique chasseur d’oie blanche dans la région de Québec.  Il est aussi le fondateur d’une page FB de plus en plus vue et appréciée : ‘‘Le Show de Plumes’’.

Mise en contexte, chasse à la grande oie des neiges, trop coûteuse ?

La chasse de la grande oie des neiges affecte le sauvaginier de plusieurs manières : poussées de fièvre au printemps, joies incommensurables dans les années fastes, inquiétudes lancinantes lors de la découverte d’un nouveau champ et, plus récemment, amputation importante de votre portefeuille pour ce qu’il convient d’appeler la fameuse taxe Covid. L’amaigrissement important du larfeuille en raison de la chasse n’est pas un phénomène nouveau, nous direz-vous, mais avouons que cette fois-ci, la hausse est cependant surprenante.

En effet, le prix des biens destinés à la chasse et aux loisirs en général a subi une augmentation foudroyante ces derniers mois. La pénurie de main-d’œuvre est souvent invoquée pour justifier cette arnaque, pourtant, les salaires ne montent pas, eux! Les entreprises chargées de transporter ces biens, généralement des appelants et autres utilités, s’en mettent plein les poches, en vidant bien sûr les vôtres. Il vous faut réagir et vous adapter à cette nouvelle réalité.

En conjonction avec les restrictions sur la bernache du Canada dans la plupart des zones de chasse au Québec, cette inflation galopante a poussé plusieurs amateurs de chasse à la sauvagine à vendre leurs appelants d’outarde pour dégager une somme devant suffire à l’achat de plusieurs centaines d’appelants de grande oie des neiges. Plusieurs facteurs ont favorisé cette situation, à commencer par le désintérêt des nemrods pour la bernache, vu la limite imposée par le nouveau plan de gestion au lieu des cinq oiseaux habituels, la limite de prises quotidiennes beaucoup plus généreuses pour l’oie combinée à une population imposante de blanches dont le nombre fait rêver.

L’article qui suit vous permettra, nous l’espérons, non seulement de garder vos appelants d’outarde le temps que la tempête passe, mais aussi de limiter le nombre d’appelants de grande oie des neiges que vous devrez vous procurer afin d’espérer connaître le succès.

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Groupes d’oies se jetant près des appelants près de la cache, quel spectacle enlevant!

Un phénomène encore méconnu

Au printemps, les bernaches du Canada font un arrêt par milliers dans les terres agricoles au Québec. Nous, sauvaginiers, ne pouvons pas nous lasser de les observer aux abords des routes lors de leur grand retour, sans pouvoir toutefois les chasser à cette période!

La présence des bernaches au champ signifie cependant nourriture et sécurité pour la grande oie des neiges qui, elle, peut être chassée à ce moment. L’oie exerce même une pression importante sur la bernache en s’accaparant littéralement les sites nourriciers et même en chassant l’outarde des champs que cette dernière occupe. Il n’est pas rare, comme je l’ai déjà souvent mentionné à d’autres occasions, de voir des oies aller occuper un champ l’après-midi dans lequel elles avaient aperçu de nombreuses bernaches en train de se nourrir. Il arrive même qu’elles se jettent le matin directement dans un champ occupé par les bernaches qui, invariablement, finissent toutes par quitter le site loin de ces intrus!

Ce phénomène, que nous nommerons phénomène de suivi, peut être mis à profit par le chasseur participant à la récolte de conservation printanière. Voici comment.

Imiter la nature

Un guide professionnel de la région de Montmagny très connu et ami de François, Marc Harvey, illustre cette technique avec l’expression suivante : imiter la nature. C’est un principe de base dans l’adaptation des techniques de chasse du fameux trio infernal que j’ai si souvent invoqué depuis près de 30 ans maintenant, soit les appelants, les appels et la cache. Chacun de notre côté, nous utilisons cette technique depuis très longtemps pour chasser la grande oie des neiges. Pour ma part, j’ai développé cette approche au début des années 2010 en Ontario au printemps exclusivement, car elles sont absentes de ma région à l’automne. Notez que je n’utilisais et n’utilise toujours pas d’appels électroniques pour chasser l’oie au printemps. Ce guide, spécialisé dans cette chasse, utilise une disposition d’appelants mixtes, bernache/oie blanche durant les deux saisons. Il est assurément un des premiers de notre guilde à avoir employé cette technique au Québec. Cette approche différente, lui a apporté et lui apporte toujours beaucoup de succès.

Le truc ? Il s’agit simplement de placer des appelants de bernache dans la zone de tir et d’imiter, au moyen d’une centaine d’appelants d’oie tout au plus, un groupe de blanches qui sont à la poursuite des brunes afin de leur dérober le champ.  Un portrait auquel les oies sont habituées et, disons-le, intéressées!

Appelants de bernache

Vue aérienne d’une disposition d’appelants mixtes bernache/oie blanche.

Mais cette technique est-elle légale?

Il fût longtemps interdit au Québec (et ailleurs au Canada) d’employer des appelants de bernache en même temps que des enregistrements d’oie des neiges ou vice versa. Certains biologistes du gouvernement fédéral, qui détient les compétences constitutionnelles pour légiférer sur les oiseaux migrateurs, pensaient que les outardes pouvaient être attirées par ces enregistrements et, ainsi, que le taux de prélèvement sur la bernache alors augmenté aurait mis en péril une espèce déjà fragile (nous parlons de la décennie 2010).

Une étude scientifique sérieuse et bien menée a cependant démontré qu’il n’en était rien[1]. Lors de cette recherche, les chercheurs ont utilisé et comparé l’efficacité de trois installations d’appelants différentes. Il s’agissait d’une installation composée uniquement d’appelants de bernaches, une deuxième composée uniquement d’appelants de grande oie des neiges et une troisième composée à parts égales d’appelants de bernaches et de grande oie des neiges. Résultats : les bernaches du Canada étaient 2,3 fois plus susceptibles de voler à portée de tir et le nombre moyen d’oiseaux tués par heure et par chasseur était 2,5 fois plus élevé pendant les périodes de contrôle où les chasseurs étaient silencieux ou utilisaient des méthodes d’appel traditionnelles (c’est-à-dire des appels vocaux ou au moyen d’appeaux) que lorsque les chasseurs utilisaient des appels électroniques d’oie des neiges. La réponse des troupeaux et le taux de mortalité des bernaches du Canada ont diminué à mesure que les proportions d’appelants de blanches augmentaient dans l’installation proposée.

Cette interdiction d’utiliser des appelants de bernache en même temps que des enregistrements de grande oie des neiges a donc été levée en 2013 pour le Québec et l’Ontario.

[1] Vulnerability of Nontarget Goose Species to Hunting with Electronic Snow Goose Calls, Jason H. Caswell, Alan D. Afton and F. Dale Caswell, Wildlife Society Bulletin (1973-2006), Vol. 31, No. 4 (Winter, 2003), pp. 1117-1125 (9 pages)

Quelques oies en approche finale de côté devant la cache.

Technique de disposition d’appelants mixtes bernache/oie blanche

L’étude mentionnée ci-dessus démontre donc non seulement l’inefficacité des enregistrements de cris de grande oie des neiges pour la chasse de la bernache du Canada, mais confirme, comme nous l’avons maintes fois observée, l’aversion de notre outarde pour ses congénères blanches!

C’est tout le contraire chez la grande oie des neiges qui, elle, est attirée par l’outarde. Voyons, avec plus de détails et à l’aide d’un schéma, comment mettre ce trait comportemental à profit. Dans la Figure 1 ci-bas, les lettres « o » et « x » représentent respectivement les bernaches (outardes) et les oies. Dans cet exemple, la cache est installée dans une ligne de végétation et avec le vent qui vient trois quarts arrière, afin que les oiseaux se présentent légèrement de côté à celle-ci, devant la ligne de feu.  Ils ont moins tendance à porter leur attention sur la cache avec cette approche.

Il s’agit donc d’installer vos appelants de bernache en haut du vent, dans la plage de pose supposée des oies et à l’intérieur de la limite acceptable de votre arme, dans le cas présent soit environ 27 m (90 pi) ou 30 verges si vous préférez. Cette distance peut varier selon votre matériel et votre expérience. Les cercles bleus indiquent les endroits où les oies voudront venir se poser donc prévoyez un espace bien dégagé à ces endroits.

Formez d’abord une installation de bernache en haut du vent, à l’extrémité droite de votre installation si vous préférez, telle qu’illustrée sur la Figure 1. Composez votre installation de petits paquets de deux ou trois individus, d’autres de cinq ou six, de manière à imiter un regroupement de familles. N’ayez pas peur d’avoir trop de sentinelles (cous levés) parmi vos appelants de bernaches, car vous voulez imiter un groupe qui se fait bousculer.

FIGURE 1 – Illustration d’une des nombreuses manières d’imiter une bande de bernaches du Canada subissant l’attaque de la grande oie des neiges.

Prenez soin de laisser une plage de pose circulaire d’au moins 9 m (30 pi) de diamètre derrière la formation de bernaches. Cette section de l’installation, représentée par le petit cercle sur la Figure 1 permettra aux petits groupes d’oies (5 à 15 individus) d’atterrir aisément parmi les appelants de bernache.

L’autre plage de pose, représentée sur la Figure 1 par le grand cercle bleu devra faire au minimum 18 m (60 pi) de diamètre afin d’y laisser entrer les plus grands groupes d’oiseaux. Si votre installation est trop serrée et ne comporte pas de plages de pose suffisamment grandes, les oiseaux iront se poser hors de la zone de tir efficace ou pire, dans un champ voisin. Ce dernier scénario signe souvent la fin de la récréation pour les chasseurs, car un champ voisin qui se remplit d’oies devient un véritable aimant qui rend rapidement votre installation obsolète.

Disposition d’appelants mixtes, notez l’emplacement de la cache en arrière-plan de côté à la formation.

Une fois les appelants de bernache installés, descendez le long de la ligne de végétation jusqu’à 150 m (500 pi), ou selon le nombre d’appelants de blanches que vous possédez, de l’installation de bernaches tout en disposant chemin faisant des appelants de grande oie des neiges. Vous procéderez de la même manière qu’avec les bernaches c’est-à-dire que vous tenterez de composer de petits groupes de quelques individus afin d’imiter de petites familles.

Les véritables concentrations d’oiseaux au printemps ressemblent à un tapis blanc vue du sol, mais du point de vue de l’oiseau, il n’en est rien. Ainsi, vu la faible quantité de nourriture au sol à ce moment de l’année, les oiseaux se regroupent aux abords des champs et non au centre. La raison en est fort simple : les restes de récoltes se retrouvent la plupart du temps au printemps sur le pourtour des champs. La photo aérienne du camp d’oies ci-bas est éloquente à ce propos.  Vu du sol ou d’une route, le champ à l’air plein, mais, vu du ciel, le même champ montre bien que les oies sont concentrées sur les bords. D’où l’idée de cette ligne de 150 m (500 pi) le long de la ligne de végétation qui imite, non seulement la disposition naturelle des oies au printemps, mais sert aussi de guide pour les oies, qui la remonteront tout en regardant vers les outardes, vous offrant leur flanc au passage.

Un point très important : assurez-vous de ne pas disposer les appelants trop près les uns des autres.  En effet, les oies ont tendance à interpréter une concentration d’oiseaux comme une indication qu’il y a de la nourriture et donc d’aller se poser à cet endroit. Il y aura par conséquent un risque que les blanches aillent se poser à cet endroit plutôt que dans la zone de tir.  Par la suite, installez des appelants de blanche derrière les appelants d’outarde de manière à imiter des oies qui harassent les outardes. Pour terminer, installez une branche d’appelants se dirigeant vers la gauche. Cette branche doit avoir environ 30 m (100 pi) de long (Figure 1). L’installation terminée ressemblera à un hameçon de type kirby. Il ne vous reste plus qu’à installer les haut-parleurs de votre appeau électronique dans la première plage de pose afin que les oiseaux aient tendance à s’y poser.

Un point très important : assurez-vous de ne pas disposer les appelants trop près les uns des autres.  En effet, les oies ont tendance à interpréter une concentration d’oiseaux comme une indication qu’il y a de la nourriture et donc d’aller se poser à cet endroit. Il y aura par conséquent un risque que les blanches aillent se poser à cet endroit plutôt que dans la zone de tir.  Par la suite, installez des appelants de blanche derrière les appelants d’outarde de manière à imiter des oies qui harassent les outardes. Pour terminer, installez une branche d’appelants se dirigeant vers la gauche. Cette branche doit avoir environ 30 m (100 pi) de long (Figure 1). L’installation terminée ressemblera à un hameçon de type kirby. Il ne vous reste plus qu’à installer les haut-parleurs de votre appeau électronique dans la première plage de pose afin que les oiseaux aient tendance à s’y poser.

Vue aérienne d’un groupe d’oies blanches se nourrissant en bordure d’un champ au printemps.

Des appels peu orthodoxes

Un beau matin, François découvrit un camp d’oies très volumineux, mais extrêmement mal situé. En effet, le champ représentait un gros surplomb et ne laissait qu’une possibilité d’embuscade : un fossé qui m’obligerait à chasser avec le soleil dans les yeux.

C’était en octobre et le même champ comportait un beau troupeau d’environ 120 outardes.

Une fois installé le lendemain, il a cru voir arriver au loin une belle bande de bernaches et il s’est mis à faire des appels longue distance. N’obtenant pas de réaction, il a demandé à ses amis de sortir leurs appeaux et de lancer des cris d’outarde autant qu’ils pouvaient. Les oiseaux se mirent alors à courber les ailes et entamer leur descente dans les appelants. Au moment de crier GO!, François, très étonné, se rendit compte qu’il s’agissait d’une belle bande d’oies blanches, le soleil l’ayant aveuglé! Ainsi, les oies avaient répondu aux appels frénétiques des bernaches! Étonnant n’est-ce pas? Il s’agit donc d’une technique à essayer en combinaison avec une installation mixte. Je vous garantis que vous serez très surpris des résultats!

Pour conclure

Un peu d’histoire si vous permettez. J’ai réussi de très beaux tableaux de chasse dans ma région avec cette approche au printemps. La raison principale qui a justifié ce choix à l’époque est que je ne guide pas la grande oie des neiges. En effet, elle est présente bien plus à l’ouest que les territoires que je couvre et mes nombreuses autres occupations professionnelles ne me laissent pas assez de temps pour faire de longues prospections au printemps.  L’utilisation sporadique d’appelants d’oie blanche m’a poussé à développer cette approche pour m’éviter d’acheter, à grands frais, plusieurs centaines d’appelants pour quelques sorties au printemps.  Toutefois, mon parc d’appelants de bernache est lui très bien garni. Par conséquent, en installant seulement sept et trois douzaines d’appelants de bernache et d’oie blanche respectivement, j’arrivais à me tirer d’affaire. Il faut que je mentionne que la pression de chasse sur cette espèce dans l’Est de l’Ontario est bien moins élevée que dans plusieurs régions du Québec ce qui m’a sans doute facilité la tâche.  Cependant, elle fonctionne aussi au Québec malgré tout, mais avec une disposition un peu plus costaude, comme en font foi les succès répétés rapportés par François et ses amis sauvaginiers et guides. 

En passant, un bon truc que nous avions développé est d’aller s’installer, pour la passe du soir, dans des champs très occupés par les bernaches le matin.  Nous avions remarqué que les oies envahissaient systématiquement les champs où elles avaient aperçu une bonne concentration de bernaches durant la matinée, étonnant non?  Nous allions nous y installer même si aucune oie ne s’y était posée avec un succès assez régulier.

Pour terminer, je dirai que j’apprécie beaucoup la nouvelle approche collaborative préconisée par 100% CHASSE PÊCHE. J’espère qu’elle vous plaira tout autant.  Dans le cas du présent article, elle m’a permis de constater que des techniques convergentes ont été développées indépendamment l’une de l’autre pour des raisons différentes, mais avec le même souci de la part de deux guides; soit de maximiser les chances de succès à la chasse à la sauvagine pour leurs clients! 

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