
Par CHRISTIAN DE BEAUMONT
DINDON SAUVAGE Quand rien ne va plus
PHOTO : CHRISTIAN DE BEAUMONT
L’auteur avec le dindon récolté après avoir rampé au-delà de la zone de confort de celui-ci.
S’il est un gibier imprévisible, c’est bien le dindon sauvage. Les grandes fluctuations dans son comportement nous place très souvent dans une situation où nous nous sentons coincés entre « l’urgence d’agir et l’urgence d’attendre ». Quand rien ne va plus, miser sur l’action est bien souvent une alternative gagnante. Cet article vous présentera trois stratégies à utiliser lorsque vous serez confronté à ce dilemme.
DINDON SAUVAGE
Quand rien ne va plus

Par
CHRISTIAN DE BEAUMONT
PHOTO : CHRISTIAN DE BEAUMONT
L’auteur avec le dindon récolté après avoir rampé au-delà de la zone de confort de celui-ci.
S’il est un gibier imprévisible, c’est bien le dindon sauvage. Les grandes fluctuations dans son comportement nous place très souvent dans une situation où nous nous sentons coincés entre « l’urgence d’agir et l’urgence d’attendre ». Quand rien ne va plus, miser sur l’action est bien souvent une alternative gagnante. Cet article vous présentera trois stratégies à utiliser lorsque vous serez confronté à ce dilemme.
Parfois rusé comme un vieux mâle chevreuil ou d’une déconcertante imprudence, parfois passif et très méfiant ou d’une étonnante agressivité, le dindon est pour le moins un animal au comportement très variable. Au lever du jour d’un matin parfait, ils sont bien là, mais ne répondent pas. Soudainement, le lendemain, ces mêmes dindons inondent la forêt de leurs glougloussements du tonnerre et vous défient avec une étonnante agressivité. Qui dit gibier imprévisible, dit chasseurs opportunistes, capables de s’adapter aux changements. Au cours des années, j’ai constaté qu’adopter une approche proactive est bien souvent une solution gagnante. Je vous propose donc ici, à travers de courts récits de chasses, trois stratégies d’action qui m’ont souvent permis de connaître le succès.
La technique de la cohue de dindon
Assied au pied de l’arbre en cette belle matinée ensoleillée, nous sommes enthousiasmés par la chasse sur cette nouvelle terre au Québec. La veille, une prospection en véhicule, a confirmé la présence d’un bon nombre de dindons incluant quelques mâles matures dans un champ avoisinant. Cela fait maintenant plus d’une heure qu’ils nous répondent. Nous ne pouvons malheureusement approcher davantage car nous n’avons pas accès à cette parcelle de terrain qui nous sépare du champ. Nous avons jusqu’alors essayé un grand nombre d’astuces en variant les types d’appels, leur tonalité, leur intensité les appeaux et même le chasseur qui les exécute. Les dindons approchent fréquemment mais restent toutefois à quelques centaines de pieds. Juste au moment de me lever pour quitter, je me dis soudainement que je n’ai rien à perdre. Je vais essayer de nouveau cette technique inusitée qui m’a souvent sauvé. Je sors ma boîte qui a la meilleure portée, mon diaphragme préféré et mon appeau de mâle.
Précédent
Suivant
Pour reproduire la cohue d’un groupe de dindons qui s’agitent, l’auteur n’hésite pas à utiliser sa boîte qui a la meilleure portée (A), son diaphragme préféré (B) et son appeau de mâle (C).
Mon partenaire comprend vite mon intention pour avoir déjà joué avec moi dans cette même mise en scène. Je débute avec quelques petits YELPS pour me confirmer que les dindons sont toujours à bonne distance. Je poursuis en produisant des sons de YELPS très agressifs avec mon diaphragme. J’enchaine immédiatement en exécutant des séries de CUTS très agressifs à un rythme très rapide avec ma boite qui se terminent par un enchainement de YELPS exagérément forts. Une véritable cohue quoi! Le tout, en réalisant les sons les plus forts que peuvent produire mes appeaux. Lorsque je réussis à travers tout ce tintamarre à entendre deux réponses au loin, je poursuis avec l’utilisation agressive et répétée de mon appeau imitant le glouglou du mâle avant d’enchainer de nouveau avec des CUTS et des YELPS agressifs sur ma boite et mon diaphragme pour finalement m’interrompre. Les deux mâles se rapprochent à grande vitesse tout en me relançant de leur glouglou agressif. Je diminue l’intensité de mes appels et termine par de très faibles PURS sur mon ardoise pour finaliser le scénario et conclure cette récolte. Voir la vidéo ci-dessous pour savoir comment reproduire la cohue comme expliqué dans le texte.
Quand rien ne va plus, miser sur le caractère grégaire des dindons pour susciter leur attention peut devenir une stratégie de premier plan. Face à leur hésitation prolongée, imiter le son produit par un groupe de dindons très agités peut engendrer une telle fébrilité chez les mâles qui deviennent obnubilés par leur curiosité. Toute cette effervescence sonore stimule leur sens inné à se regrouper. Cela les pousse très souvent, et bien malgré eux, à se compromettre, faisant ainsi de cette technique une arme redoutable afin de récolter les plus récalcitrants.
Entrez dans la Zone
Le fait de simuler l’appel d’un dindon crée une interaction avec le dindon qui l’amène systématiquement à porter son attention en direction de la provenance exacte des appels. Dès lors, une forme de zone tampon aux dimensions variables s’établie entre vous et le dindon. Le succès arrive quand le dindon ou vous-même franchissez cette frontière critique qui est généralement formée par la rencontre de l’espace représentant la portée efficace de votre fusil et la zone de confort du dindon.
C’est le premier matin de la chasse, en Ontario, nous nous déplaçons dans un secteur où nous avons localisé un mâle adulte avec un groupe de femelles. Nous sommes encore loin lorsqu’il répond pour une première fois à mes appels. Il est exactement au même endroit où nous l’avons localisé la veille lors de la prospection. Terrain ouvert devant (bûché), champ nous exposant à gauche, terrain bruyant et à découvert à droite, nous sommes dans une mauvaise position et le dindon a déjà identifié la provenance exacte de mes appels. Nous débutons des appels. Cela fait maintenant plus de 20 minutes qu’il avance et repart dans le buché. Il tente désespéramment de localiser cette femelle en pleine lamentation tout en gardant à l’œil ses femelles derrière lui. Chaque fois, il frôle la zone critique se situant à la limite de sa zone de confort et celle de la portée effective de mon fusil. Il vient et repart à nouveau! C’est rappelant ce proverbe qui dit qu’il faut être idiot pour penser que de faire toujours un peu plus de la même chose apportera un résultat différent que je me décide finalement. Je regarde mon compagnon de chasse et lui dis que je vais aller récolter ce TOM. Je rampe sur près de 30 mètres et me cache derrière un billot. J’appelle à nouveau, il est là et se pavane, mon télémètre me confirme un peu plus de 36 m (40 verges). Connaissant bien mon arme, je fais feux et récolte ce beau mâle sous le regard de mon partenaire de chasse qui a immortalisé mon approche (voir photo ci-dessous).
L’auteur à l’œuvre tentant de franchir en rampant la zone de confort du dindon.
PHOTO : CHRISTIAN DE BEAUMONT
L’expérience m’a appris que ce n’est pas toujours au dindon de franchir le premier cette frontière magique si l’on veut connaître le succès. Dans certaines circonstances, passer en mode attaque est une solution qu’il faut rapidement envisager. La fenêtre d’opportunité pour ce type de stratégie est bien souvent de courte durée et il importe de la saisir au bon moment. Quand rien ne vas plus, il faut parfois se résoudre à entrer délibérément dans la zone de confort de celui-ci. Osez franchir cette frontière est parfois non seulement une bonne solution mais la seule qui vous permettra de récolter un dindon rébarbatif!
L'attrait du combat
C’est le dernier matin de chasse de notre séjour d’une durée de 4 jours en Ontario, nous avons récolté trois dindons sur une possibilité de quatre. Nous devons entreprendre le voyage du retour vers notre territoire de chasse au Québec dans quelques heures, ce qui me laisse juste le temps de passer devant une autre terre où nous avons la permission. Super! Un grand mâle est là et se faufile vers le fond du champ. D’autres dindons sont à l’orée de la forêt. Je décide de contourner les dindons. Malgré l’aide du cultivateur et une rocambolesque balade en camion dans les labours, lorsque j’arrive enfin au sommet, ils sont tous déjà regroupés à la lisière de la forêt. Je me positionne et réalise rapidement quelques appels. Certains dindons lèvent la tête au loin, d’autres traversent le fossé. Une jeune dinde en particulier se détache du groupe. Elle semble plus curieuse que les autres. Tout est fichu me dis-je alors lorsque quelques dindons commencent à entrer dans la forêt en direction opposée de ma position. La jeune dinde reste là avec quelques dindes et de jeunes mâles, ils font pratiquement du surplace. Un grand mâle sort de temps à autre de la forêt. Ce stratagème qui se répète à plusieurs reprises dure plus d’une vingtaine de minutes. Finalement, lorsqu’ils disparaissent tous dans la forêt à nouveau, je me dis que c’est terminé.
La jeune dinde qui ferme la marche est sur le point d’entrer à nouveau dans la forêt. Je la relance de plus belle à l’aide de mes appels. Incroyable, ils ressortent tous dans le champ en suivant cette dinde qui cette fois semble se diriger vers ma position. Au moment où ils sont à franchir la moitié du parcours, le groupe de dindes à l’arrière de la parade fait défection et retourne à nouveau en sens opposé.
Maintenant, sans autres alternatives, je sors mon arme ultime, l’aile de dinde que je traine dans le dos de ma veste. À l’instar d’une scène que j’ai observé dans un épisode de chasse américain à la télévision, je me mets, sans trop y croire, à frapper l’aile au sol et dans les branches environnantes. Avec mon diaphragme, j’émets des sons agressifs imitant des appels de femelles se chamaillant (fighting purr) en exposant à quelques reprises l’aile à la vue des dindons. Vous devinez la suite… la curiosité a eu le dessus sur la jeune femelle qui a entrainé à sa perte le mâle qui s’est finalement décidé à suivre le groupe! Voir la vidéo ci-dessous pour des trucs d’appels de combats.
Chez bien des espèces, les manifestations d’agressivité et les combats sont une grande source de curiosité. Les dindons n’échappent pas à cette règle. Quand rien ne vas plus, la simulation d’un combat de dindons peut s’avérer une technique très efficace pour stimuler leur instinct agressif et leur curiosité.

PHOTO : MARK RAYCROFT
Les querelles sont monnaies courantes autant entre les dindes qu’entre les dindons.

PHOTO : CHRISTIAN DE BEAUMONT
L’auteur reproduit une scène de combat sur les lieux même ou s’est déroulée l’action, l’année précédente.
Conclusion
La chasse au dindon nous place très souvent dans une situation où nous nous sentons coincés entre la nécessité d’agir ou la prudence d’attendre. Lorsque vous êtes confronté à ce dilemme, votre meilleure arme restera toujours votre intuition. N’hésitez pas à vous y fier! Lorsque vous déciderez de miser sur l’action, rappelez-vous qu’oser des stratégies inusitées génère souvent des opportunités inattendues! Bonne chasse!