Par LOUIS GAGNON
100% CHEVREUIL
Depuis 2001, j’ai accueilli plus de 2000 chasseurs en formation sur le terrain. Lorsque les chasseurs-étudiants arrivent, je les soumets à un petit questionnaire pour leur faire réaliser certains points faibles de leurs stratégies de chasse. Trois de ces questions sont les suivantes : combien de postes d’affût (caches, miradors, chaises, etc.) disposez-vous dans votre territoire? Combien de fois par jour observez-vous la direction du vent et sa trajectoire? Portez-vous attention au vent qui souffle à l’endroit où vous accédez à votre affût?
Depuis 2001, j’ai accueilli plus de 2000 chasseurs en formation sur le terrain. Lorsque les chasseurs-étudiants arrivent, je les soumets à un petit questionnaire pour leur faire réaliser certains points faibles de leurs stratégies de chasse. Trois de ces questions sont les suivantes : combien de postes d’affût (caches, miradors, chaises, etc.) disposez-vous dans votre territoire? Combien de fois par jour observez-vous la direction du vent et sa trajectoire? Portez-vous attention au vent qui souffle à l’endroit où vous accédez à votre affût?
PHOTO : RICHARD MONFETTE
Plus votre territoire de chasse est petit, plus vous devez disposer d’endroits variés pour passer des heures de chasse tranquille sans «annoncer» votre présence.
À la première question, la réponse est d’environ deux secteurs d’affût par chasseur. Pour la deuxième, à peu près 75 % des chasseurs du groupe ont habituellement pris connaissance de la direction du vent avant de partir le matin vers leur secteur d’affût, mais peu (moins de 20 %) ont changé leur trajectoire d’accès ou leur destination finale en raison du mauvais vent. On croirait que le vent est toujours bon ou que les chevreuils s’en foutent! Pour ce qui est d’accéder au poste d’affût, le pourcentage de ceux qui s’en soucient est en chute libre et avoisine les 5 % seulement.
Revenons au nombre de postes d’affût utilisés par le chasseur moyen. N’est-il pas plus facile, pour un chevreuil, d’éviter un chasseur si celui-ci se limite à un ou deux sites précis durant la période de chasse? N’est-il pas encore plus facile de rester vivant si ce chasseur prend aussi la peine d’annoncer sa présence en installant un buffet de fruits et légumes généralement assaisonnés de senteur humaine? Et quoi de mieux, pour vous éviter, qu’un vent qui pousse vos odeurs dans la direction présumée d’arrivée de l’animal chaque fois que vous entrez et sortez de votre affût?
Il faut donc prévoir beaucoup de sites d’affût différents, et plus votre territoire est petit, plus vous devez disposer d’endroits variés pour passer des heures de chasse tranquille sans «annoncer» votre présence. Vous n’avez pas besoin d’investir beaucoup de temps et d’argent pour en avoir une multitude. Une simple bûche, un seau de 5 gallons retourné, une vieille chaise droite, un mirador portatif, une chaise pliante sont autant de façons de s’asseoir pour tirer avantage d’un bon secteur de chasse.
PHOTO : LOUIS GAGNON
Durant l’été, vous pouvez enlever quelques branches et arbustes nuisibles pour accroître votre vision limitée et ainsi tirer avantage des chevreuils qui quitteront la terre de votre voisin pour venir se cacher dans la vôtre.
Un autre exemple : si votre territoire inclut une forêt de hêtres. Ces arbres produisent des faînes une année sur deux, fruit qui est très recherché par les chevreuils. Dans un peuplement semblable, j’opterais plus pour un affût en hauteur, car souvent la repousse est constituée de petits hêtres de 5 à 8 pi qui ne perdent leurs feuilles qu’en hiver. Les gros bucks s’y aventurent de jour pour tirer avantage de ces noix, se sentant bien protégés dans le sous-bois de jeunes hêtres. Ce type d’habitat vaut la peine d’y installer un petit mirador qui restera là toute l’année.
Si votre territoire a l’avantage de comporter une petite cédrière marécageuse de quelques acres, il vous faut un secteur d’affût de chaque côté pour en surveiller les bordures par bon vent. Pourquoi pas une vieille chaise ou une autre souche? Cela peut aussi s’appliquer dans un secteur humide couvert d’une repousse d’aulnes; un petit banc rustique en plein milieu et le tour est joué. Les chevreuils aiment se réfugier dans une aulnaie quand la pression de chasse augmente, parce que cet habitat a plusieurs qualités importantes. Le sol humide produit une nourriture à chevreuil de haute qualité, l’enchevêtrement des aulnes repousse les chasseurs et la visibilité est réduite. Bref, un «trou» à gros bucks.
De cette façon, lorsque la saison de chasse arrivera, vous disposerez d’une grande variété d’endroits pour pratiquer votre affût. Ces simples préparations auront-elles des conséquences sur votre saison de chasse? Tout dépendra de la suite.
Gérer le vent
La suite, c’est le vent. Après 20 ans d’efforts à comprendre comment les mâles utilisent l’habitat et comment ils se déplacent au cours des saisons, la gestion du vent dans de petits territoires en forêt plus dense est souvent la partie la plus difficile à accomplir. Il existe des produits servant à diminuer vos odeurs qui peuvent vous aider, mais sans jamais les couvrir entièrement. Et comme ils nécessitent une discipline de premier plan, j’aime mieux m’en tenir à comprendre les mouvements du vent. D’autant plus que rien ne fait mieux le travail qu’avoir le vent en plein visage durant vos heures de chasse.
PHOTO : LOUIS GAGNON
Bien gérer le vent sur son territoire est la clé pour espérer y déjouer régulièrement les bucks qui s’y cachent.
Voici le seul moyen de bien comprendre l’effet du vent sur chacun de vos postes de chasse. Faites cet exercice avec soin et vous en sortirez gagnant. Disons que vous avez finalement une quinzaine de «spots» au potentiel varié selon la température, la pression de chasse, la saison et même vos appâts. Pourquoi ne pas travailler un peu avant la saison de chasse, soit à la fin août lorsque les mouches sont moins voraces?
Un samedi matin, les postes sont prêts et le vent s’annonce d’ouest. Vous étant procuré quelques bâtons d’encens, vous retournez dans vos secteurs d’affût que vous considérez valables par vent d’ouest et vous vous assoyez une bonne quinzaine de minutes dans chacun d’eux. Vous allumez un bâton d’encens que vous placez environ 4 m derrière vous. Si durant ce quart d’heure vous ne sentez jamais l’odeur de l’encens, ce secteur est un excellent site de chasse par vent ouest.
Vous évaluez ainsi chacun de vos affûts en fonction du vent idéal que vous avez choisi pour cet endroit donné. Au verso de votre carte de territoire, dressez une colonne pour chaque vent observé, comme ouest, nord-ouest, chaud à tendance sud et vents est de mauvais temps. Ce n’est qu’après avoir vérifié vos postes d’affût avec de l’encens que vous les inscrivez dans la ou les colonnes appropriées.
Se rendre à l'affût
Le travail préparatoire ne sera pas terminé avant d’avoir considéré la manière de vous y rendre. La plupart des chasseurs négligent la première question à se poser avant de s’embusquer. D’où partent les chevreuils et où vont-ils? À moins de n’avoir aucune autre option, vous ne devez jamais couper les sentiers qu’empruntent possiblement les chevreuils pour avoir accès à leurs zones alimentaires ou leurs secteurs de repos (si c’est une chasse du matin ou du soir).
Je suis absolument convaincu que plus de mâles matures meurent à chaque saison sous le feu de chasseurs sans grande préparation (du genre grosse cache, site appâté, etc.), ou encore de chasseurs ne sachant plus quoi faire et se camouflant dans le premier secteur de bois franc à bon vent. La seule explication de ces succès est leur caractère imprévisible. Soudain, vous brisez la régularité et le chevreuil ne peut plus vous débusquer.
Pousser vos odeurs dans la direction où vous prévoyez voir arriver le chevreuil n’est certes pas à votre avantage. Ce qui veut dire que vous avez besoin de voies d’accès de toutes les directions possibles pour atteindre très discrètement votre seau de 5 gallons, votre souche, votre mirador ou la roche derrière laquelle vous prévoyez vous cacher pendant quelques heures. Cet été, pourquoi ne pas aller faire brûler quelques petits lampions en forêt plutôt qu’à l’église?