PÊCHE TECHNIQUE
La bonne vitesse de traîne
pour nos principaux poissons sportifs


Texte et photos
Richard Monfette
Nous étions à la fin août et je pêchais le maskinongé en compagnie de ma conjointe sur le lac des Deux-Montagnes. Après avoir utilisé des Believer à vitesse moyenne (3 mph) durant une heure ou deux, je décide de changer de leurre et d’installer de gros spinnerbaits à la traîne rapide (+ de 5mph). Le résultat est instantané. Dans les deux heures qui suivent nous prenons rien de moins que 6 maskinongés d’une longueur de 42 à 51 po et un brochet géant (pour le lac des Deux-Montagnes) de 44 po. Ma meilleure pêche au maski à vie en termes de nombre de poissons.
Cette journée-là, outre le changement de leurre qui a certainement contribué à nos succès, l’augmentation de la vitesse de ce dernier a aussi été un facteur clé de notre réussite. En effet pour différentes raisons, dans différentes circonstances et bien sûr selon l’espèce visée, la vitesse du leurre sera bien souvent l’élément qui déclenchera l’attaque ou à l’inverse découragera un prédateur aquatique de passer à l’attaque. Voyons ceci de plus prêt.

Le gros spinnerbait utilisé à la pêche à la traîne à haute vitesse ayant permis à l’auteur et sa conjointe de prendre plusieurs gros maskinongés.
L’espèce
Ésocidés (brochets et maskinongés)
Certains poissons comme le maskinongé ou le brochet sont dotés de la faculté de nager à très grande vitesse sur de courtes distances. Pour ces ésocidés le chiffre de plus de 30 mph est généralement accepté alors que certains spécialistes avancent même que ces torpilles d’eau douce peuvent se lancer sur une proie à des vitesses atteignant 60 mph… Mais d’une façon ou d’une autre on comprend que le brochet et le maski sont des poissons ultra rapides et qu’il ne faut pas se gêner pour pêcher à des vitesses de 3 à 8 mph. Pour la pêche au lancer, vous imaginez bien que vous ne réussirez jamais à mouliner trop rapidement pour un ésocidé. D’ailleurs si vous apercevez un poisson suivre votre leurre, évitez comme bien des pêcheurs de ralentir et même pire d’arrêter de récupérer. Au contraire dans ce cas il faut accélérer en arrivant près du bateau et effectuer ce qu’on appelle des figures en 8 qui consiste littéralement à effectuer la forme d’un 8 avec le leurre dans l’eau. Souvent le poisson choisira ce moment pour passer à l’attaque.


Les brochets et maskinongés sont de véritables champions olympiques du sprint lorsque vient le moment d’attaquer une proie et on peut les pêcher la plupart du temps à bonne vitesse.
Les percidés (dorés jaune et noir)
Le doré, poisson populaire et succulent, n’est pas reconnu comme étant très rapide. C’est un poisson qui chasse habituellement en bande et contrairement aux ésocidés il se met rarement à l’affût de manière stationnaire pour capturer ses proies. Il n’a donc pas à effectuer de sprint de vitesse pour surprendre un petit poisson passant dans son champ de vision. Dans la littérature scientifique on mentionne qu’il peut atteindre une vitesse maximale de 7 mph, mais généralement ses déplacements sont lents et à proximité du fond. Dans la plupart des cas le mieux consiste donc à présenter son leurre lentement (0,5-1,5 mph) et près du fond. Par contre lorsqu’on pêche à la traîne avec des poissons nageurs à bavette et que les conditions de température si prête, on pourra alors augmenter sa vitesse de traîne jusqu’à 2,5 mph sans problème. Par condition favorable, le doré demeure un prédateur agressif qui sera parfois davantage agacé par une présentation relativement rapide que très lente et ce autant à la traîne qu’à la dandinette en utilisant une présentation avec de grands sauts agressifs. C’est souvent le poisson qui nous dira ce qu’il préfère et c’est au pêcheur de tenter différentes approches lorsque le poisson ne coopère pas autant que prévu avec les techniques lentes usuelles.

A

B
Règle générale les dorés se tiennent près du fond et ils aiment bien les leurres qui progressent lentement près de celui-ci comme ce harnais à vers (A). Toutefois dans d’autres circonstances lorsque l’eau se situe près de la température préférentielle du doré (environ 68 F) et que les poissons sont en chasse, une présentation avec des poissons nageurs à bavette à la traîne relativement rapide (2 à 2,5 mph) légèrement au-dessus du fond pourrait être encore plus efficace (B).
Les ombles (mouchetée et touladi)
L’omble de fontaine, que l’on appelle familièrement la truite mouchetée, n’est pas un poisson qui a l’habitude de poursuivre ses proies sur de grandes distances. Rappelons que sa nourriture se compose principalement de larves d’insectes et de différentes proies (gamares, sangsues etc.) qu’elle trouve en fouillant la surface du substrat au fond des lacs et rivières. Par contre avec sa queue carré et son corps trapu elle est tout de même capable de s’élancer à grande vitesse sur une proie comme un insecte à la surface de l’eau qui prend son envol ou encore un petit méné qui prend la fuite devant elle. Règle générale c’est un poisson que l’on pêche lentement (0,5 à 2 mph) avec des leurres conçus pour être traînés lentement comme les cuillères ondulantes plutôt trapues du genre Lake Clear Wabler. Toutefois lorsque l’eau atteint la température préférentielle de l’espèce (+-14 ℃), peu de pêcheurs savent que la mouchetée répond très bien à une présentation rapide de 2,5 mph et parfois même plus. À ce chapitre je ne compte plus le nombre de fois où j’ai capturé nombre de mouchetées en pêchant avec des mini poissons nageurs présentés rapidement et non loin derrière l’embarcation. Il ne faut pas oublier que la mouchetée demeure un poisson prédateur agressif et particulièrement lorsqu’elle atteint une taille respectable. Encore une fois lorsque les techniques usuelles ne donnent pas les résultats attendus c’est au pêcheur de faire preuve d’audace et d’essayer des méthodes inhabituelles.

La mouchetée se pêche généralement à une vitesse de traîne plutôt lente qui convient bien aux cuillères ondulantes utilisées comme attracteur.
Le touladi ou si vous préférez la truite grise est habituellement considéré comme un poisson lent que l’on doit pêcher lentement. Et c’est vrai la plupart du temps. En effet la grise est définitivement un poisson d’eau très froide qui se plait dans une eau de moins de 52 F. Durant l’été et une bonne partie de l’automne elle doit donc descendre en profondeur sous la thermocline pour retrouver cette zone de confort. Même si le touladi est une créature d’eau froide, il n’en demeure pas moins qu’à grande profondeur dans une eau glaciale ses mouvements sont plus lents qui si elle évoluait dans une eau plus chaude. Il ne faut pas oublier également que plus la profondeur est grande, plus la densité de l’eau augmente de même que la pression ce qui contribue à ralentir la vitesse de déplacement des touladis et des autres poissons aussi. Bref lorsque les grises se retrouvent en profondeur en eau très froide, il est tout à fait logique de traîner nos leurres à basse vitesse (0,5 à 1,5 mph). Par contre au printemps lorsque l’eau de surface atteint la température préférée de la grise celle-ci pourra être capturée à relativement faible profondeur. Gardez à l’esprit que dans ces conditions l’omble gris pourra également être très agacé par un leurre se déplaçant à plus grande vitesse (2 à 3,5 mph). Encore une fois ce sera au pêcheur de faire preuve de polyvalence et de s’ajuster à ce que les poissons préfèrent.

Au printemps lorsque la température de l’eau en surface est encore froide, la truite grise peut se retrouver partout dans la colonne d’eau et il est alors possible de la capturer à relativement faible profondeur avec des leurres trainés à bonne vitesse (2 à 3,5 mph).
Le temps de l’année
Évidemment la vitesse de traîne idéale pour une espèce donnée varie en fonction du temps de l’année. La règle est simple au printemps en eau très froide on ralentit la cadence et plus l’eau se réchauffe, plus on pourra augmenter notre vitesse de traîne. Attention toutefois car cette règle a ses limites et particulièrement pour une espèce comme la mouchetée. Lorsque l’eau devient trop chaude pour ses besoins au milieu de l’été, elle aura alors tendance à se réfugier en profondeur et à littéralement se coller au substrat devenant presque amorphe. Évidement pour la capturer il faudrait alors laisser tomber la traîne, lui présenter un appât stationnaire à courte distance et avoir beaucoup de patience…
Les conditions climatiques
L’arrivée d’un front froid en plein milieu de l’été suite à plusieurs journées consécutives de chaleur représente aussi une autre situation qui obligera habituellement les pêcheurs à réduire leur vitesse de traîne. En effet quelques journées de temps froid bien en dessous des normales saisonnières ont le don de ralentir énormément l’activité des poissons qui peuvent même cesser momentanément de se nourrir activement. Présentation lente et près du fond sont alors de mise pour débuter la journée de pêche. Toutefois si l’action demeure limitée ou nulle rien ne vous empêche d’ajouter des pointes de vitesse à votre parcours de traîne. Le comportement des poissons ne suit pas toujours la logique du moment comme le démontre l’exemple qui suit. J’avais prévu pêcher le doré sur le lac des Deux-Montagnes le lendemain, mais un énorme front froid fait son entrée et je me demande si je ne vais pas canceller la sortie de pêche. En me levant le matin de cette fin de juin le temps est presque froid et déjà à 5 h 30 le vent souffle de l’Est. De quoi décourager n’importe quel pêcheur… Mais comme on dit mieux vaut une mauvaise journée de pêche qu’une bonne journée au travail et je décide d’attacher la remorque à bateau pour me diriger vers la descente de bateau (qui était gratuite à cette époque…). En arrivant sur le site de pêche le vent de l’est contraire au déplacement du courant risque de rendre le contrôle de l’embarcation difficile. Vous dire que mes attentes ne sont pas très élevées serait un euphémisme. Pourtant à la première passe de traîne avec des poissons nageurs à bavette dans le chenal de navigation je suis surpris de capturer un beau doré de plus de 4 lb. Un peu incrédule je me reprends pour effectuer un nouveau passage de traine au même endroit. Cette fois c’est un doublé de poissons de belle taille et ainsi de suite pour les heures qui suivent. Prendre de beaux dorés en traîne rapide avec des poissons nageurs par un front froid mordant au cœur de l’été, qui l’eut cru… Je ne veux pas ici vous faire croire que ce genre de situation est habituel, mais comme la pêche n’est pas une science exacte, il est parfois payant de défier la logique du moment. Et de toute façon quand les poissons refusent nos leurres qu’avons-nous à perdre…
La traîne rapide : une technique redoutable à votre service
Quelle que soit l’espèce recherchée vous devez toujours garder à l’esprit que la pêche en traîne rapide avec de nombreux changements de directions demeurent une option à votre portée. Évidemment traîne rapide ne signifie pas la même chose pour toutes les espèces comme nous l’avons vu précédemment, mais il n’en demeure pas moins qu’un leurre bougeant rapidement émet plus de vibrations dans l’eau et c’est là tout l’intérêt de cette méthode. En effet tous les poissons possèdent une ligne latérale. Évidemment cet attribut est plus efficace chez certaines espèces que d’autres. On a qu’à penser au maskinongé qui peut sentir le déplacement d’eau provoqué par le passage d’un leurre à quelques mètres de lui grâce à sa ligne latérale. Mais puisque tous les poissons que nous pêchons possèdent cette ligne latérale, le passage rapide d’un leurre qui émet beaucoup de vibration près d’eux a de bonne chance de titiller leur instinct de prédateur. Ces attaques instinctives sont courantes chez les poissons prédateurs et c’est à nous d’en profiter en utilisant la traîne rapide à bon escient.

L’auteur utilisant la traîne rapide pour déjouer les salmonidés au printemps.
Les leurres avec des billes
Que ce soit pour une traîne rapide et agressive ou à une vitesse plus normale, l’utilisation de leurres dotés de billes enfermées dans une chambre de résonnance augmente indéniablement la capacité des poissons à le localiser. En effet les poissons sportifs qui nous intéressent sont dotés d’un bon sens de l’audition ce qui leur permet de détecter les bruits sur une grande distance. Toutefois attention car en condition d’eau claire et calme le bruit supplémentaire apporté par les billes pourrait davantage faire fuir le poisson que l’inciter à s’approcher chez certaines espèces plus méfiantes comme les salmonidés. Par contre pour une pêche ultra rapide au maskinongé un leurre très bruyant ne pourra qu’augmenter les chances qu’il soit détecté par le grand prédateur. La pêche dans les herbiers denses, les conditions d’eau brouillée ou encore les forts vents produisant un important brassage de l’eau sont des conditions idéales pour employer un leurre avec billes.

Les leurres avec billes sont particulièrement efficaces pour les poissons agressifs comme les achigans
Complément vidéo : pomper la canne et gratter le fond.