ORIGNAL

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imitations visuelles

L’auteur aime bien porter un vêtement silencieux de couleur noire pour tromper la vision de l’orignal.

Texte, photos et vidéos
Marco Chabot

 

L’auteur aime bien porter un vêtement silencieux de couleur noire pour tromper la vision de l’orignal.

À l’approche d’un orignal, presque tous les chasseurs brandissent une corne ou un objet pour imiter un panache. On observe aussi de plus en plus de nemrods utiliser une casquette en forme de tête d’orignal. Selon l’auteur de cet article, il existe d’autres imitations visuelles, tout aussi efficaces, pour rassurer le roi de nos forêts.

Depuis plusieurs années, je sensibilise les chasseurs sur l’importance de convaincre le sens visuel de l’orignal que nous sommes un de leur congénère afin d’augmenter leurs chances de récolte. Toutefois, le défi pour les chasseurs est de recréer une ressemblance qui se rapproche le plus possible de la bête tout en transportant le moins d’équipement possible. Par exemple, un jour je me suis questionné si j’allais moi aussi porter une casquette en forme de tête d’orignal. Personnellement, l’idée de transporter une palette d’orignal, un cornet pour les appels, parfois un tripode, ainsi qu’une réplique d’une tête d’orignal ne m’enchantait guère. Ainsi, j’ai plutôt décidé de reproduire des imitations très simples sans devoir transporter d’accessoires supplémentaires.

Imiter la couleur de la fourrure

Depuis l’automne 2004, je porte une veste de couleur noire. Je suis ardemment convaincu que les vêtements noirs m’aident à imiter la fourrure d’un orignal. Ce qui rassure en partie l’animal et donc augmente nos chances de le récolter (voir photo en ouverture d’article).

Par-dessus tout, j’aime utiliser de façon « active » le noir de ma veste pour piquer la curiosité de l’orignal de façon à ce qu’il s’approche de côté pour mieux me distinguer. Je m’explique. Un orignal qui nous observe va s’enfuir s’il est convaincu du danger. Toutefois, avez-vous remarqué que généralement, une fois rassuré et si le relief ou la végétation le permet, l’orignal changera son parcours pour vous examiner d’un autre angle ? C’est là tout l’intérêt d’utiliser le noir de vos vêtements.

Lorsqu’un orignal n’est pas encore à portée de tir, qu’il soit en marche ou qu’il m’observe, je ne me découvre pas au complet. Évidemment, si j’étais habillé des pieds à la tête comme un orignal, je me montrerais entièrement. Étant donné que ce n’est pas le cas, je préfère solliciter sa curiosité en me cachant en bordure d’un arbre. Je montre partiellement mon corps vêtu d’une veste noire et fréquemment cela suscite l’intérêt de l’orignal pour qu’il se mette à marcher pour s’offrir un meilleur angle de vue. Généralement, l’orignal s’approche de côté pour me voir sous un autre angle. Or, quand est-ce qu’on souhaite tirer sur un orignal ? N’est-ce pas justement lorsqu’il est de côté et qu’il nous montre tout son flanc ?

Évidemment, la législation m’oblige, durant la période de chasse à l’arme à feu, à porter un dossard orange par-dessus ma veste noire. Pour y remédier, je me cache partiellement et je montre seulement mon épaule et mon bras détendu le long du corps pour le convaincre que c’est un orignal derrière l’arbre.

Il y a plusieurs années, je chassais à l’arc et j’étais accompagné de mon père qui filmait notre chasse. On progressait dans la forêt et j’émettais des appels. Comble de bonheur, un mâle s’est mis à me répondre et à s’approcher. J’ai réalisé qu’il allait se montrer le nez dans un long corridor naturel (presque sans aucun arbre). Je savais que, si j’étais à découvert, il allait s’arrêter de face dans ce corridor pour m’observer, ne me permettant aucune chance de tir. Je me suis donc caché partiellement derrière les branches d’une épinette. Le mâle s’est arrêté quelques secondes dans le corridor, mais, ne voyant qu’une partie de ma veste noire, il a poursuivi sa route directement vers moi et a bifurqué à environ 20 mètres pour s’offrir un angle de vision de côté. J’ai même décoché deux flèches avant qu’il n’ait le temps de réaliser qu’il était en danger.

Imiter les oreilles

Les orignaux ont de belles grandes oreilles leur permettant de détecter les moindres bruits de la forêt. Elles ont la faculté d’aller dans toutes les directions. Lorsque l’animal entend un son, il dirige une ou deux oreilles dans cette direction. Aussi, l’orignal peut se secouer vigoureusement les oreilles pour chasser les mouches.

J’aime imiter une oreille qui bouge sur ma tête. J’accote mon poignet sur le côté supérieur de ma tête et je déploie ma main complètement ouverte vers le haut. Ensuite, je peux utiliser mon poignet pour faire des rotations dans tous les sens. Je maintiens ma main de façon statistique quelques secondes, puis je l’oriente dans une autre direction. Parfois, je la secoue vigoureusement sur ma tête. Exactement comme le font les orignaux. De plus, l’intérieur des oreilles des orignaux sont généralement beiges l’automne, sensiblement la même couleur que la paume de notre main.

Cette supercherie visuelle est très simple, mais extrêmement efficace lorsqu’un orignal m’observe. Généralement, elle convainc l’animal de rester plus longtemps à proximité et même de s’approcher. Par exemple, elle peut me permettre de capter l’intérêt d’une femelle pendant que je vérifie si son courtisan est à proximité. Il m’est déjà arrivé quelquefois de me servir de la pointe d’un cornet de bouleau pour imiter la forme d’une oreille, mais maintenant je préfère la mobilité de ma main (voir vidéo ci-dessous).

Comment imiter les oreilles d’un orignal.

Imiter un orignal qui mange

L’imitation d’un orignal qui mange est l’une de mes préférées, elle m’a permis de vivre toutes sortes d’histoires invraisemblables au fil des années. Une fois, je guidais un client à travers un sous-bois composé de feuillus variant de un à trois pieds de hauteur. Je reproduisais l’imitation sonore d’un orignal qui mange des feuilles (voir l’article sur les 3 meilleurs sons de septembre 2022)  tout en marchant tranquillement. Puis, nous avons entendu du mouvement devant nous. Nous avons continué notre progression lentement et quelques minutes plus tard, nous avons aperçu une femelle qui nous épiait à 50 mètres. J’ai alors pris soin de lui montrer l’imitation visuelle de « manger » des feuilles en faisant du sur place. Après quelques minutes, confiante, elle s’est remise à manger. Puis, une deuxième femelle s’est approchée et quelques minutes plus tard une troisième femelle s’est jointe à nous. Les 3 femelles mangeaient autour de nous et étaient situées entre 10 mètres et  30 mètres. Bien sûr, je n’ai jamais cessé de leur montrer que je mangeais moi également. C’est comme si nous étions à table et que j’étais un membre de leur famille. À un moment donné, 2 coyotes sont passés en marchant à 30 mètres de nous. Jamais ils n’ont eu connaissance qu’il y avait deux humains qui accompagnaient ces trois orignaux. Soit dit en passant, ni les orignaux ni les coyotes n’ont réagi par rapport à la présence de l’un ou l’autre à proximité. Quelques minutes plus tard, l’une des femelles, persuadée que nous étions un orignal, est venue manger et uriner devant nous à environ 5 mètres. Je peux vous dire que le client était émerveillé de ce que la vie venait de lui offrir comme aventure.

L’auteur en train d’imiter un orignal qui mange des feuilles

Imiter un orignal qui mange est très simple. Lorsqu’un orignal m’observe, il me suffit de me pencher et de prendre des petites branches dans ma main, de la fermer légèrement et de déplacer celle-ci vers l’extrémité de la branche. Ainsi, ma main va « dénuder » et recueillir les feuilles de la branche. Ensuite, je monte ma main pleine de feuilles à la hauteur de ma bouche (environ 6-8 pouces devant) et je broie les feuilles avec mes doigts à plusieurs reprises. L’orignal aura tendance à croire qu’il s’agit d’un animal herbivore qui se penche le cou et la tête pour récupérer des feuilles et qu’il les broie dans sa bouche. Je n’hésite pas à saisir beaucoup de feuilles, car l’orignal va davantage les apercevoir dans ma main pendant que je les broie devant mon visage. Si l’automne est bien avancé et qu’il n’y a plus de feuilles sur les branches, je reproduis la même manœuvre avec des plantes au sol ou en faisant semblant de manger des bourgeons. Cette imitation visuelle est extrêmement efficace puisqu’elle reproduit l’une des activités quotidiennes les plus importantes chez ce cervidé : manger. Elle peut être utile à la fois pour progresser lentement mais sûrement vers un orignal qui est en train de manger ou de convaincre un orignal de continuer de vous approcher (voir vidéo ci-dessous).

Comment imiter un orignal qui mange des feuilles.

Imiter la forme d’un museau

Je ne vous apprends rien sur le fait que le museau de l’orignal est nettement plus long que le « nôtre ». Notre tête est plutôt ronde alors que celle du cervidé est davantage allongée. C’est pourquoi je n’hésite pas à reproduire un faux museau avec mon bras.

L’auteur reproduisant le museau d’un orignal.

Je place mon bras horizontalement jusqu’à mon menton, ensuite je plie mon avant-bras et j’amène ma main jusque sur le côté supérieur de ma tête. Ainsi, mon bras replié forme un triangle et « rallonge » ma tête alors que mon coude devient l’extrémité du museau. De plus, pour plus de réalisme, mon faux museau est de couleur foncée puisque je porte une veste noire (voir vidéo ci-dessous).

L’auteur reproduisant le museau d’un orignal.

Par-dessus tout, j’en profite pour utiliser la main sur le côté de ma tête pour imiter le mouvement d’une oreille ou pour exposer ma corne. Ce qui fait une excellente combinaison d’une imitation museau-oreille ou museau-panache. En plus, je peux également « manger » des feuilles avec mon autre main, devant mon coude replié, pour augmenter ma mise en scène à 3 imitations simultanées (voir vidéo ci-dessous).

Comment combiner plusieurs imitations- le museau, l’oreille qui bouge et l’orignal qui mastique des feuilles.

Ces imitations me permettent de conserver l’orignal plus longtemps à proximité, de les approcher ou même de les convaincre de venir plus près. Évidemment, lorsque la meilleure option de tir sur la bête est sur le point de s’offrir, je réduis mes combinaisons d’imitations pour récupérer l’usage d’au moins une main qui s’occupe de mon arme. Puis, lorsque la cible est bien placée, je prends mon arme à deux mains. Généralement, la mise en scène rassure suffisamment l’orignal pour nous accorder le temps nécessaire pour saisir notre arme et effectuer un bon tir précis.

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Appelant à un site d’affût

Toutes les imitations visuelles précédentes sont moins utiles pour les chasseurs qui sont à l’affût ou dans un mirador. Heureusement, l’utilisation d’un appelant en forme d’orignal demeure l’imitation la plus efficace à utiliser à mon avis pour la chasse à l’affût. Que ce soit un appelant gonflable, une pancarte, une forme dans un contreplaqué, je vous encourage à vous en procurer ou à vous en fabriquer un.

Un appelant d’orignal pourra être d’une aide précieuse pour le chasseur à l’affût qui veut inciter une bête à sortir de la forêt et s’approcher suffisamment pour un tir.

Je ne chasse presque plus à l’affût, mais dans les derniers moments où je l’ai fait, j’utilisais un appelant. Lorsque j’arrivais à ma saline, je déployais mon appelant et je m’assoyais dans mon mirador. Lorsque je quittais les lieux, je cachais mon appelant. J’avais vu des images d’appelants détruits par des mâles durant la nuit alors j’aimais mieux le mettre à l’abri.

Une fois, je dormais dans mon mirador. Oui, oui, vous avez bien lu… Je dormais. Mon père, qui était mon caméraman, a vu un orignal s’approcher à 125 pieds de la saline. L’orignal a examiné l’appelant plusieurs minutes sans bouger. Puis il s’est mis à s’avancer tranquillement. C’est à ce moment que mon père a lâché un siffle pour me soutirer des bras de morphée et il m’a pointé en direction de l’orignal. Il s’agissait d’un petit mâle. Nous avions de plus gros spécimens sur le terrain alors nous avons plutôt saisi l’occasion pour le filmer et l’observer. Pendant 45 minutes, l’orignal est resté dans les environs. Marchant d’un côté puis de l’autre. J’aurais pu le tirer cent fois. En fait, c’était notre voisin de chasse qui m’avait convaincu de l’efficacité des appelants. Car lui-même, il chasse uniquement dans un mirador, situé à une saline, pendant 2 heures le matin et 2 heures le soir en effectuant des appels. Son appelant visuel complète sa mise en scène sonore à la perfection. Les orignaux sont convaincus qu’il s’agit d’un congénère et s’approchent suffisamment pour s’offrir en cible. Notre voisin obtient du succès presque toutes les années.

De nos jours, les orignaux ont gagné de l’expérience et sont plus méfiants. La pression de chasse sur le gibier convoité est plus forte. Conséquemment, le nemrod doit raffiner ses techniques pour espérer connaître un succès constant. Il ne fait aucun doute à mon esprit que l’ajout d’imitations visuelles doit dorénavant faire partie de l’arsenal du chasseur.

Un beau mâle mature récolté par l’auteur et son groupe de chasse dans la zone 2. De gauche à droite  l’auteur Marco Chabot, Yvon Pinault, Jean-Yves Pinault, Raymond Charest et Robert Chabot.

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