ÉDITORIAL

Par
Louis Turbide

Orignal: une tradition à oublier

Comme tout le monde le sait la chasse à l’orignal est une véritable passion pour la majorité des adeptes de chasse. Et cette passion vient avec des traditions qui peuvent varier d’une région à l’autre du Québec. Parmi ces traditions, je veux m’attarder sur la façon qu’un orignal, qui vient d’être récolté, est sorti du bois et par la suite suspendu pour refroidir sa carcasse. En Gaspésie et au Bas Saint-Laurent par exemple, un orignal ça se sort généralement rond alors qu’en Mauricie les chasseurs le sortent majoritairement en quartiers. Étant natif de la Gaspésie et ayant chassé l’orignal durant plusieurs années dans cette région, sortir un orignal rond a toujours été la façon de faire car à l’époque les températures fraîches le permettaient ce qui est beaucoup moins souvent le cas surtout lors de la saison arc/arbalète. Je me rappelle comme si c’était hier de ma seule chasse à l’orignal à la réserve faunique de Matane. Le service d’accès compris à une chambre froide dans les forfaits sur la réserve n’était pas encore implanté. À la fin de notre séjour, nous attendions à l’accueil pour enregistrer notre orignal en même temps que d’autres groupes. Au loin, j’avais vu une remorque avec deux superbes orignaux coiffés chacun d’un panache de plus de 40 pouces. Impressionné, je m’étais rapproché jusqu’à ce qu’une odeur de putréfaction me vienne au nez. J’en avais mal au cœur. Un des chasseurs de ce groupe était près de son camion et je lui avais demandé quand ils avaient tué leurs orignaux. Très fier, il m’avait dit dès le premier matin les deux bucks étaient à terre! Je lui avais alors demandé à quel dépotoir ils allaient porter ces deux orignaux. Insulté, il m’avait demandé pourquoi je lui disais cela. Je ne vous dirai pas en détails ce que je lui ai dit mais j’étais excessivement fâché de voir d’aussi belles bêtes gaspillées ainsi par ignorance ou négligence. Comme je vous le disais, j’ai chassé plusieurs années en Gaspésie lors de la période arc/arbalète donc tôt à l’automne. J’avais récolté mon buck et on l’avait sorti rond. Malgré le travail que représente la sortie d’une aussi grosse bête du bois, l’atmosphère était à la fête et après quelques heures de travail l’orignal était palanté à l’ombre à côté de notre campement. Lorsque nous l’avions palanté il restait environ deux heures avant que le soleil ne se couche. Selon nous, la fraîcheur de la nuit allait faire le travail mais le lendemain matin une journée très chaude s’amorçait. Ainsi, la décision d’aller porter la bête dans une chambre froide de la région fut rapidement prise.  En arrivant chez le boucher, ce dernier nous avait demandé quand la bête avait été tuée et il nous avait immédiatement fait une suggestion d’ouvrir le plus rapidement possible la bosse de l’animal si on tenait à le conserver rond. Que c’était un des endroits dans la carcasse d’un orignal qui refroidissait très lentement si cette opération n’était pas pratiquée. Il m’avait même fait toucher la viande à l’intérieur de la bosse. Il n’y a rien comme le constater de visu pour comprendre. On était très loin du 4 degrés Celsius que la viande doit atteindre le plus rapidement possible pour éviter toute perte.

Avec la réalité des changements climatiques qui nous confrontent de plus en plus, il est évident que nous connaîtrons des automnes de plus en plus chauds. En tant que chasseur, nous devons nous adapter à cette réalité pour mettre toutes les chances de notre côté de préserver notre venaison du mieux qu’on le peut.  Malheureusement, même si sortir, palanter et ramener à la maison  un orignal entier fait partie des traditions de bien de chasseurs, celle-ci ne devrait plus être envisagée en 2023 si votre chasse se déroule à des températures anormalement plus élevées. Ainsi, un orignal devrait être découpé en quartiers immédiatement après son éviscération. Si le groupe veut absolument sortir l’orignal rond, l’utilisation d’un traîneau de transport est primordiale pour ne pas endommager inutilement la venaison mais la mise en quartiers doit se faire immédiatement après être rendu au lieu où la bête sera palantée. Les chasseurs devraient conserver la peau sur les quartiers et recouvrir ces derniers de coton fromage. Par la suite, il est primordial que les quartiers soient palantés au minimum dans un endroit ombragé et que lors du transport dans un camion ou une remorque ils soient surélevés du sol pour assurer une circulation d’air. En agissant ainsi, on met toutes les chances de notre côté. Mais encore là, si la température est trop chaude, l’entreposage des quartiers nécessitera une chambre froide le plus rapidement possible mais au moins la carcasse refroidira plus rapidement que si elle est encore ronde. Heureusement en réserve faunique et dans bien des pourvoiries, les clients ont accès à une chambre froide. Pour les autres chasseurs qui chassent sur une zec, en territoire public ou sur une terre privée, il peut être envisagé d’acheter une chambre froide portative. J’ai la chance d’en posséder une et quand je pars pour ma chasse à l’orignal j’ai vraiment l’esprit tranquille. Puisqu’on chasse l’orignal en groupe, l’investissement peut être réparti entre les membres du groupe.

Je garde des souvenirs impérissables des orignaux que mon groupe a sortis du bois en entier et les lendemains matins où j’allais admirer ces magnifiques bêtes palantées. L’atmosphère était magique mais par respect pour la bête que nous venons de récolter, tout doit être fait pour préserver le mieux possible cette venaison unique. Comme on dit, autre temps autre mœurs. Nous sommes rendus ailleurs! Bonne saison de chasse!

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