L’APPEL DE LA BERNACHE

Appels bienveillants!

DEUXIÈME PARTIE

L’APPEL DE LA BERNACHE

Appels bienveillants!

DEUXIÈME PARTIE

Texte et photos :
Michel La Haye

Vidéos : prise et montage,
François Lévesque

Mise en contexte

Comme je l’ai expliqué dans le premier article, il existe de multiples façons d’appeler les outardes, et elles diffèrent en matière de vitesse, de vocalise et de sonorité. Pour rendre le tout plus clair et simple à interpréter, je les divise en deux grandes catégories d’appels, soit bienveillantes et territoriales.

Observez les bernaches, lorsqu’une bande étrangère s’approche de leur lieu de repos ou d’alimentation sans permission, les bernaches passent en mode territorial pour affirmer leur position. J’ai souvent observé ce comportement chez des groupes composés principalement de jeunes ou d’oiseaux âgés et célibataires, surtout en fin de saison (les bernaches forment rarement de nouveaux couples après la perte d’un ou une partenaire). Il en sera plus amplement question dans le troisième article sur les appels de la bernache.  Concentrons-nous ici sur les appels de bienvenue, plus connus et utilisés la majeure partie du temps, autant par les bernaches elles-mêmes que les chasseurs.

Appels de bienvenue ou de longue distance

Ce sont les appels clairs, aigus et sans trop de consonances gutturales, c’est-à-dire sans note profonde, lourde et très nasillarde (sauf chez les jeunes bernaches qui ne savent pas encore très bien appeler). Ce sont les cris qu’on retrouve dans la plupart des DVD ou vidéos d’instruction sur l’appel de la bernache. En plus des noms français, j’utiliserai les termes anglais, mieux connus, pour les présenter.  En résumé, et tel que mentionné dans le premier article, il s’agit des sons de base que les outardes produisent couramment quand vous les observez et qui comprennent des appels courts et vifs, des appels de bienvenue longue distance, des gloussements (clucks) des doubles gloussements (double clucks), les plaintes de questionnement (nommées « bougonnage à Michel » par mon ami François) et les appels de retour (come back call), des termes que la plupart des gens connaissent déjà.  Allons-y appel par appel !

Appel de bienvenue longue distance

C’est l’appel qui initie le premier contact entre les chasseurs et les oiseaux.  On commence presque toujours par ces appels, il s’agit de produire le fameux « Thouu-WhiT », mais on prendra garde de répéter les sons avec une régularité et une tonalité constante, car il s’agira alors d’un appel d’avertissement ou de danger. Vous n’arriverez certainement pas à appeler les bernaches de cette manière non? Une image (ou encore mieux des images) valant mille mots, je vous invite à visionner la vidéo 1 de la série qui résume très bien ces principes.  

Ces appels doivent souvent être produits avec beaucoup de volume, il faudra alors appliquer moins de pression de retour avec les mains et projeter le son avec celles-ci tout en compensant cette perte de facilitation d’appel. Pour y arriver, il faut insister sur le premier et le dernier « T » du mot clef de base.

Vidéo 1 : appels de bienvenue.

Le gloussement simple

Le gloussement simple est produit de la même manière que l’appel longue distance, mais en diminuant la première partie et en utilisant un autre mot clef « TwhiT » qui produit le fameux « cluck ». Pour arriver à le produire, commencez avec l’appel longue distance et diminuez progressivement la première partie du mot clef. N’oubliez pas que le passage entre les deux sons de base, le « Thouuu » et le « Whit », soit le saut de l’anche entre un mode oscillatoire lent et un vibrato est tout simplement le « cluck ». Toutefois, en réduisant la longueur de deux mots clefs, on obtient le ou les deux sons de base qui se confondent. Il faut alors compenser en insistant surtout sur le premier « T », puis, lorsque vous aurez maîtrisé cette technique, sur le second pour empêcher l’appeau de glisser et produire un son discordant à la fin de l’appel. Ce cri est celui que produisent le plus souvent les bernaches en vol et au sol.  Visionnez la vidéo 2 pour voir comment utiliser cet appel et comment faire une transition avec les appels de bienvenue.

Vidéo 2 : le gloussement simple « cluck ».

Une petite parenthèse au sujet de l’utilisation de la gorge

Avant de vous parler des doubles gloussements, il importe de porter une attention sur l’utilisation de la gorge, car la maîtrise de cette technique vous servira pour produire des variations de ces appels et imiter plusieurs bernaches à la fois. En effet, il s’agit d’une autre façon de faire varier le son de ces appeaux en utilisant la partie haute de la gorge. Il ne suffit pas de grogner comme on le ferait avec une flûte, mais plutôt de produire un vrombissement ou un bourdonnement qui permettra de faire descendre la note émise. Revenons à la base, la syllabe « Thouu » est le mot clef traditionnel pour débuter un appel à l’aide d’un petit appeau. Pour obtenir l’effet bourdonnant, ce mot clef est remplacé par le mot « Ghouu » au début de l’appel en exagérant le « G » que vous émettez en faisant vibrer la partie basse de votre gorge de chaque côté de la pomme d’Adam. Cette technique pourrait faire l’objet d’un article à elle seule!  Elle ajoute une consonance naturelle au son de l’appeau tout en vous aidant à descendre la tonalité des appels. C’est aussi le secret le mieux gardé des champions nord-américains qui utilisent les petits appeaux! Vous pouvez produire le son de plusieurs bernaches simplement en utilisant ou non cette partie de votre gorge, vous aurez une meilleure idée en visionnant la vidéo 3. La maîtrise de cette technique vous sera très utile pour produire les grognements de questionnement dont il sera question en fin d’article. D’un autre côté, il ne faut pas si fier pour faire vrombir l’appeau dans les basses fréquences, sinon vous vous enlèverez 50% de vos possibilités sonores en utilisant votre gorge constamment.

Vidéo 3 : utilisation de la gorge.

Le double gloussement

Cet appel correspond à un chant produit par deux bernaches, habituellement un couple, un mâle, avec une tonalité plus basse, et une femelle qui appelle de manière plus aiguë, qui expriment la satisfaction d’avoir trouvé de la nourriture, un bon couvert, un lieu de repos paisible ou simplement un membre de la famille ou du clan qu’elles avaient perdu de vue. Il s’agit de deux cris courts, vifs et clairs produits l’un à la suite de l’autre, soit une petite plainte de tonalité moyenne provenant du mâle suivi d’un « cluck » complet ou raccourci émis par la femelle. Il faut émettre les appels en couple et amorcer un crescendo en vitesse et en force, suivi d’un décrescendo et de quelques « cluck » plus doux, parfois des grognements courts émis à la fin de la suite. Vous verrez différentes manières de produire cet appel sur la vidéo 4 ainsi que les effets sonores qu’il faut chercher à produire au moyen de nouveaux mots clefs.

Les outardes produisent également des sons en duo lorsqu’elles sont en colère ou que quelque chose les indispose, mais ceux-ci sont beaucoup plus agressifs et ont une consonance tragique ou très alarmante, comme on le verra dans le dernier article.

Vidéo 4 : le double gloussement « double cluck ».

Cri de rappel

On utilise cet appel soit pour regagner la confiance de bernaches qui ont été effarouchées, soit pour attirer leur attention de loin quand il vente beaucoup. En passant, le cône d’émission d’un appeau n’est pas très large. Pour lancer des appels éloignés, il faut donc viser le voilier avec précision. Au contraire, si on veut atténuer les appels et les rendre moins perceptibles par les bernaches, on peut pointer l’appeau vers le fond de la cache ou vers le sol lorsque les bernaches sont plus rapprochées du plan.

Tel que résumé dans le premier article, le cri de rappel, est une extension de l’appel de bienvenue dans lequel on allonge la note finale en projetant le son avec la main libre, soit en allongeant la seconde note l’appel de bienvenue comme ceci : « Thouu-WhitttttttT » , ou bien en utilisant une tout autre technique. Pour ce second type de cri de rappel, on émet un « cluck » suivi d’un long jet d’air, sans effet, dans l’appeau avec les mots clefs suivants : « Twi_Hhaaaaaaaa ».  Il est possible d’émettre cet appel à deux niveaux d’intensité (voir la vidéo 5 pour saisir la différence entre ces trois cris de rappel). Pour les voiliers très éloignés ou par temps venteux, on pousse dans l’appeau avec un maximum de volume d’air sans appliquer de pression de retour. Ce son est très strident et il porte loin. Il faut revenir tout de suite au son de base, moins sonore, dès que vous avez l’attention des oiseaux.

Ces appels sont parfois émis par une bernache seule qui cherche un compagnon. Dans les situations désespérées où rien ne fonctionne, c’est souvent le seul cri qui attirera les bernaches près de votre installation, surtout par temps maussade. Il ne faut pas en abuser, dès que vous avez repris l’attention des bernaches, revenez aux appels mentionnés ci-dessus.

Vidéo 5 : le cri de rappel.

Cris d’étonnement ou de « bougonnage »

Dans la vidéo 6, ce cri a été nommé « train » par mon ami François, certaines personnes utilisent ce terme pour nommer cet appel, d’autres pour mentionner un appel de colère très territorial dont il sera question dans le dernier article sur les appels de la bernache. Ici, il s’agit d’un son que les bernaches émettent souvent avant de commencer à appeler des oiseaux qui passent au loin ou bien après qu’ils se soient posés ou sortis de leur champ de vision et d’audition. C’est comme un cri de questionnement, carrément de mémérage et parfois d’étonnement. En effet, souvent je m’amuse à lancer un ballon parmi mes bernaches en captivité, et elles se mettent toutes à grogner de la sorte en le regardant, puis elles continuent de vaquer à leurs occupations. Vous allez vous en servir pour terminer un voilier qui entre au plan, mais qui semble hésiter à la toute dernière seconde. Cela vous donnera parfois un 5 ou 6 mètres de tir moins éloigné, car les bernaches auront continué de planer un peu plus longtemps dans votre direction avant de se poser.

Pour le produire, il faut appliquer beaucoup de pression de retour au bout de l’appeau et s’en servir comme un gazou en émettant un « Ghouuu-hou –hou » guttural et nasillard sans beaucoup d’air avec la partie basse de la gorge tel qu’expliqué ci-dessus. Vous aurez de plus amples explications sur cette technique en visionnant la vidéo 6.

Vidéo 6 : cris d’étonnement ou de « bougonnage ».

En conclusion

Je conseille toujours aux sauvaginiers de passer du temps à regarder et à écouter les bernaches au champ et en vol pour se faire une bonne oreille. Dès que vous commencez à maîtriser les techniques décrites dans cet article, il faut tout de suite s’efforcer à rendre les sons émis le plus naturels possible, sauf, bien entendu, pour les cris de rappels émis en pleine puissance pour attirer l’attention des bernaches au loin.

Je vous conseille également de bien suivre les principes d’apprentissages décrits dans le premier article de vous pratiquer en petit groupe, vos amis auront tôt fait de repérer vos mauvaises techniques ou habitudes de soufflerie et ils vous aideront à les corriger. Dans le dernier article, il sera question des techniques avancées pour émettre les appels territoriaux et les principes gérant les transitions et l’utilisation des deux types d’appel.

Une belle récolte de bernaches par des clients de l’auteur. Comme quoi une bonne technique d’appel fera souvent toute la différence!

Retour en haut