ORIGNAL À L’APPEL
Ajustez-vous!
En tant que guide de chasse aux gros gibiers, il est de mon devoir de provoquer des rencontres entre mes chasseurs et l’animal convoité, soit par des vocalises ou en reproduisant à la perfection des bruits émis quotidiennement par l’animal. En ce qui concerne l’orignal, ce n’est pas tout de bien maîtriser l’appel, il faut également savoir lequel utiliser et à quel moment.
Parler orignal, c’est un peu comme parler une autre langue que sa langue maternelle. Il faut souvent faire attention à la prononciation de certains mots et à l’intonation car les significations d’un même son peuvent différer de beaucoup. Mal formulées certaines phrases pourraient devenir carrément une insulte vis-à-vis notre hôte et le faire fuir!
Bon nombre de chasseurs lancent des cris d’orignaux sans vraiment savoir ce qu’ils disent. Ils exécutent au hasard l’appel de la femelle, la femelle réceptive ou l’appel du mâle. Il ne faut pas se surprendre que le résultat de leur chasse devient un coup de chance.
Ce que nous devons savoir
Premièrement, ce qui stimule la femelle orignal à s’accoupler est commandé par un phénomène hormonal appelé «oestrus». L’oestrus est l’ensemble des phénomènes physiologiques et comportementaux qui précèdent et accompagnent l’ovulation chez la femelle des mammifères.
Si la femelle n’est pas accouplée à sa première chaleur, elle pourra l’être dans son deuxième oestrus qui se produira quelque part entre la 21e et la 28e journée suivant la première chaleur. Les sujets plus âgés sont les premières à être en chaleur comparativement aux plus jeunes. C’est à l’approche des chaleurs que les femelles vocalisent le plus. L’ovulation ne dure que 2 à 3 jours et c’est dans cette période que la femelle est fécondée par le mâle. La maturité sexuelle chez l’élan femelle est de 1 ½ an, comparativement à 2 ½ ans pour le mâle
Élément déclencheur du rut
Chez ce gros cervidé, le rut est produit par la photopériode (rapport entre la durée du jour et de la nuit). Quand les journées commencent à raccourcir, les orignaux ressentent le besoin de procréer. La nature étant bien faite, une fois les femelles fécondées et le processus de gestation complété, la mise bas se déroulera à un moment idéal pour le nouveau-né, soit du début mai jusqu’à la fin juin.
Il y a plusieurs facteurs qui influencent les déplacements des orignaux. Entre autres, il y a la lune, qui à mon avis, désavantage le chasseur car elle permet aux orignaux de voyager facilement la nuit, donc les chances qu’ils soient actifs durant la période où vous chassez sont alors diminuées. La pleine lune apporte des nuits fraîches et les orignaux adorent effectuer des déplacements dans de telles conditions. C’est un peu la même chose lors des journées chaudes, où les orignaux semblent se mouvoir seulement la nuit donc ils seront moins actifs au lever du soleil.
PIERRE MÉTIVIER
Par journée chaude les orignaux vont souvent préférer se reposer dans un endroit frais et s’activer à la tombée du jour.
Cependant, il serait intéressant de connaitre les statistiques d’orignaux abattus en milieu de journée par période de pleine lune. Il est logique de penser qu’une fois le travail de rumination terminé, l’orignal éprouvera le besoin de s’alimenter de nouveau, l’obligeant ainsi à se déplacer pendant le jour si la température est plus fraîche. Par temps chaud, la stratégie à employer est de chercher l’orignal dans les endroits de repos contenant fraîcheur et nourriture à portée de dent.
Une fois le phénomène de la photopériode et le déclenchement du rut observés, nous pouvons déterminer, à quelques jours près et ce, année après année, le début du call dans notre secteur de chasse. Vous comprenez pourquoi certains chasseurs récoltent des bêtes à chaque année dans des secteurs de chasse qu’ils connaissent très bien!
Prenez des notes sur ces dates transitoires, vous pourrez constater que la première période d’activité de reproduction est plus intense et plus longue que la seconde. Cette première activité appelée communément «le gros call » s’échelonnera sur une dizaine de jours. Environ dix jours plus tard, l’orignal entrera dans une seconde période d’activité sexuelle appelée «le petit call», et qui durera de 4 à 5 jours environ.
Le chasseur qui aura fait ses devoirs en prenant consciencieusement ses notes sera en mesure de bien planifier son horaire de chasse pour l’année qui vient. Lorsque la chasse est pratiquée durant une telle période, les appels des chasseurs sont très efficaces puisque les orignaux sont alors très réceptifs aux vocalises.
MARK RAYCROFT
En planifiant bien ses dates de chasse on a plus de chance de tomber sur des orignaux réceptifs à nos appels.
RICHARD MONFETTE
Par journée de grand vent il faut appeler plus fort et dans toutes les directions. Mais attention car un buck pourrait apparaître sans émettre un son.
Temps propice à l’appel
Il est évident que les situations de chasse ne se répètent pas dans les mêmes décors et aux mêmes heures. Il y a malgré tout des moments et des températures plus propices pour exécuter les vocalises de l’orignal.
Après une nuit de gelée, suivie d’un matin sans vent, la chasse sera excellente, les appels seront très efficaces du lever du jour jusqu’à 9h30. À cause de la nuit et de la température du matin, les orignaux continuent à se déplacer et s’alimenter sur une grande période de temps
Par jour de pluie, qui correspond au meilleur moment pour faire la chasse fine, déplacez-vous sans faire de bruit. L’orignal se déplace beaucoup dans de telles conditions. Produisez des appels durant vos déplacements afin de vous faire entendre sur une plus grande distance car les appels, les jours où le temps est pesant, portent moins loin. Donc, allez-y d’appels et de pauses fréquentes afin de se faire entendre des orignaux et pouvoir percevoir aussi leurs réponses.
Par journée de grands vents, dirigez vos appels dans des directions différentes et augmenter l’intensité de vos vocalises pour être entendu le plus possible. Quand il semble y avoir une légère accalmie, profitez-en pour lancer vos appels. La bête s’approche souvent sans répondre, donc soyez vigilant.
Quel appel dois-je faire?
Vous voilà assis dans votre cache en ce premier matin de chasse à l’orignal. Attendant que le jour se lève, la question que vous vous posez est : quel call vais-je faire pour mon premier appel de la saison?
S’il n’y a aucun indice sur le territoire, allez-y d’un cri de femelle (iann) court et de faible tonalité.
Si vous avez eu la chance de prospecter un peu votre territoire, la veille ou quelques jours auparavant, cherchez les indices qui peuvent vous éclairer sur la présence de femelles accompagnées d’un veau : traces de sabots, excréments; un secteur d’alimentations broutées généreusement où plusieurs petits arbustes semblent avoir été taillés aux ciseaux; de nombreuses têtes d’arbres fracturées, laissant les tiges pendre vers le bas; des traces d’orignaux se déplaçant en zigzag d’un arbuste à l’autre, etc.
Il sera réaliste d’effectuer des appels de femelles dans un secteur comme celui-là.
Les appels de prise de contact (euuuu) feront venir tous les orignaux qui fréquentent le secteur. Les sujets de même sexe seront aussi interpelés par ces appels.
Effectuez un petit cri de soumission (iiiannn), et ensuite passez à deux grand cris (hoooon….hooooon) si rien ne se produit. Prenez une période d’écoute et répétez votre rituel. Un orignal finira inévitablement par se faire prendre au jeu.
Il est à noter que, au début d’une séance de calls, il est conseillé de commencer par faire les appels avec les mains car le son portera moins loin dans l’éventualité où l’animal serait à proximité. S’il n’y a aucune réaction, on peut faire les appels suivants avec un cornet pour étendre sa portée.
LOUIS TURBIDE
Au début d’une séance de call il est préférable de commencer par appeler moins fort et avec les mains dans l’éventualité où une bête se trouverait à courte distance.
Vous devez identifier quel sont les orignaux qui fréquentent le secteur, âge et sexe confondu. Pour dicter précisément vos appels, vous devez savoir à qui vous avez affaire.
Si lors de votre prospection vous avez remarqué des indices vous révélant la présence de mâles, tel que des frottages, des souilles, des cornages (buissons fracassés), tous les appels énumérés ci-haut seront de mise. Accompagnés par des appels de mâle mâture (ouoff), il sera possible de provoquer le dominant du secteur. Un buck agressif ne devrait généralement pas être difficile à récolter.
Savoir décoder les appels des orignaux
Les orignaux répondent de différentes façons selon les situations. Ils communiquent et chaque réponse veut dire quelque chose. Il faut décoder rapidement qui nous répond, ce qu’il veut et ce qu’il est prêt à faire pour obtenir ce qu’il veut.
Le type de réponse entendue peut révéler beaucoup d’informations au chasseur. La réponse peut venir d’un mâle dominant (accompagné ou non), d’un buck solitaire passant dans le secteur, d’un jeune mâle de 2 ½ et moins accompagné d’une ou plusieurs femelles, etc. Le mâle ne répondra pas et n’agira pas de la même façon s’il est seul ou accompagné.
Le buck vous répond « (ouof) », il avance vers vous puis arrête, se retourne et s’enfonce dans la forêt : cela signifie qu’il n’est pas seul, une femelle le retient. L’orignal ne courtise qu’une seule femelle à la fois et si elle est en chaleur et qu’elle répond à ses avances, il restera près d’elle. La femelle lui lancera des appels courts (iiiaan,iiiaan) pour le garder avec elle.
Il serait intéressant, à ce moment, de faire une vocalise de mâle pour provoquer le buck. Les mâles dominants savent se faire respecter et sont très possessifs.
MARK RAYCROFT
Un mâle accompagné d’une femelle ne réagira pas de la même façon à nos appels car sa compagne fera tout pour le garder avec lui. Il sera alors de mise de s’approcher du couple et de tenter de provoquer le mâle avec des appels de buck.
Si le chasseur persiste à faire la femelle, cet entêtement diminuera les chances de faire sortir le buck. Le mâle ne percevra aucun risque à se faire voler sa belle. Provoquez-le, il ne verra que du feu et son instinct de mâle possessif lui fera perdre toute notion de prudence.
La femelle, seule ou accompagnée d’un jeune mâle de 2 ½ et moins, n’aura pas le même langage que si elle est accompagnée d’un mâle adulte.
Les femelles qui sont seules vocalisent beaucoup à l’approche de l’oestrus. Elles lancent de grand cris sourds et langoureux (hooooon,hooooooon) presque sans arrêt, tôt le matin et en fin de journée pour attirer l’attention du plus grand nombre de bucks mâtures possible. Même accompagnée d’un jeune mâle elle vocalisera de la même façon.
Personnellement, j’utilise les grands cris après avoir effectué plusieurs séries de courts appels pour imiter une femelle qui cherche un mâle mâture. J’aime effectuer trois séries de courts appels aux 10 minutes, pour ensuite faire 2 grands cris et je reviens ensuite avec un appel court et plaintif.
Cependant, si rien de significatif ne s’est produit de toute la journée, je ne quitte jamais mon site de chasse sans avoir vocalisé un mâle.
Conclusion
En résumé, même le meilleur « calleur » ne réussira pas à faire sortir un orignal à portée de tir s’il ne sait pas décortiquer l’information que son vis-à-vis lui transmet. Les indices sur le terrain sont révélateurs de ceux qui y habitent. Déterminez à qui vous avez affaire et agissez en conséquence avec des appels plausibles et réalistes. Vous éprouverez un plaisir fou à dialoguer avec ce gros cervidé qu’est l’orignal. Analysez le comportement de votre gibier afin de savoir s’il est seul ou accompagné et ajustez vos vocalises.
Soyez attentif, créatif, actif et tentez des choses, c’est de cette façon que l’on devient un bon chasseur d’orignal. On apprend de ses erreurs mais encore plus de ses réussites.
Bonne chasse!
PAUL-ANDRÉ HOULD
L’auteur (à droite) et son compagnon de chasse Alain Giguère posent fièrement avec ce beau mâle récolté à l’arbalète.