ÉDITORIAL

Par
Louis Turbide

La chasse à l’orignal
dans une classe à part

Je me rappelle encore au début des années 2000 lorsque j’ai commencé ma carrière de rédacteur au magazine Aventure CHASSE PÊCHE. Étant déjà un véritable passionné de chasse à l’orignal, j’avais eu une discussion avec mon patron de l’époque Denis Lapointe. Je lui avais alors expliqué que l’orignal était et serait toujours dans une classe à part, que le fait de pouvoir dialoguer avec ce mastodonte rendait cette chasse unique et que les chasseurs d’orignaux ne se lasseraient jamais d’en apprendre au sujet de ce gibier. Je lui avais alors suggéré d’inclure au moins un article sur l’orignal dans chacune des éditions du magazine tout au long de l’année ce qui n’était pas le cas à l’époque. Étant lui-même un passionné d’orignal, Denis avait accueilli favorablement ma recommandation et je suis convaincu qu’il ne l’a jamais regretté.

Chaque année, ce sont plus de 160 000 chasseurs qui pénètrent en forêt dans l’espoir de récolter leur orignal. De ce nombre, plus de 20 000 réussissent cet exploit. Que le cheptel soit à la baisse comme c’est le cas présentement dans quelques zones ou pas, le nombre de chasseurs varie très peu contrairement au cerf de Virginie. Pourquoi? Parce que la chasse à l’orignal est une véritable religion et que le fait de pouvoir dialoguer avec les mâles de toutes strates d’âge en période de rut rend cette chasse unique. Ainsi, alors que pour certains chasseurs de cerf de Virginie, le summum de défi est de déjouer un mâle mature, il en est tout autrement pour l’orignal pour la très grande majorité de chasseurs. Personnellement, je peux vous confirmer qu’ayant récolté à l’appel des mâles de 1,5 ans à 10,5 ans, ce ne sont pas nécessairement les plus gros qui m’ont fait vibrer le plus. En fait, chaque rencontre est unique au point que je pourrais vous raconter comment j’ai déjoué chacun de mes mâles.

Je vous avouerais que mon plus beau souvenir de chasse à l’orignal est survenu avec un mâle de 2,5 ans. Ce dernier était accompagné d’une femelle qui le retenait constamment. J’avais décidé que je serais plus convaincant que cette vraie femelle et je m’étais ajusté à chacune de ses vocalises pour en faire toujours un peu plus. La scène avait duré plus de 30 minutes. J’étais exténué mais quelle récompense j’ai eue quand j’ai entendu et vu ce mâle quitter sa femelle pour venir me rejoindre et passer à quelques mètres de mon beau-père! C’est pour ce genre de moment qu’on compte les jours quasi un an avant la prochaine saison! Il n’y a que le dindon sauvage qui permet de vivre de tels moments privilégiés de dialogue. Mais encore là, la magie est différente car les possibilités de dialogue sont beaucoup plus fréquentes au dindon qu’à l’orignal où un seul mâle peut être réceptif dans une saison entière. Quand ce moment survient et ce, quand on a la chance que ça arrive, on sait qu’on ne doit pas faire d’erreur sinon la saison peut être foutue! C’est là qu’il faut totalement se faire confiance et surtout ne pas douter de nous!  Ce mélange de stress et d’adrénaline est indescriptible. Il faut le vivre pour comprendre mais quand on l’a vécu une seule fois, c’est la piqûre assurée pour ce type de chasse et rien ne peut égaler ça et ce, qu’on ait réussi à récolter son orignal ou pas!  

De plus, les gens sont attachés à leur territoire et malgré que la chasse soit moins bonne certaines années, il n’est pas question pour eux de délaisser leur petit coin de paradis. La chasse à l’orignal, c’est aussi une notion d’expédition et de groupe tissé serré réuni avec un seul objectif! On ne décide pas de partir à l’orignal la veille. C’est une planification de longue haleine qui demande beaucoup d’énergie mais on en retire autant de plaisir que lors de la chasse elle-même. Ainsi, la confection des salines, l’installation des caméras, l’entretien des sentiers pour accéder à des endroits à meilleur potentiel, l’analyse approfondie de notre territoire et les innombrables discussions stratégiques avec nos partenaires de chasse occupent un temps important pour nous mais j’ai rarement entendu un chasseur se plaindre d’avoir tout ça à préparer avant la chasse!

Selon moi par contre, cette passion incroyable pour la chasse à l’orignal a un tendant négatif qui me titille de plus en plus et qui survient quand le cheptel est abondant. C’est de vouloir chasser tant que tous les permis n’ont pas été utilisés. Quand je vois par exemple des groupes de 10 chasseurs rester en forêt tant que leur 5 orignaux ne sont pas tués, j’ai de la difficulté avec ça. Surtout quand j’entends ces mêmes chasseurs critiquer la gestion du ministère quand les cheptels diminuent alors qu’ils ne sont pas capables de puiser dans la ressource de façon responsable. Je comprends très bien que c’est une passion pour tous ces adeptes et que chacun veut avoir sa chance de récolter son orignal. J’ai déjà fait partie d’un tel groupe il y a plusieurs années et j’agissais exactement comme cela. Ce n’est pas évident je sais mais je voulais simplement conscientiser les gens à ce sujet. À l’aube de cette saison de chasse 2023, je vous souhaite d’engranger des souvenirs impérissables dont vous pourrez parler durant des années! Bonne chasse!

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