CHRONIQUE
100% TROPHÉES
ENFIN LA CHASSE EST
OUVERTE
Le mâle trophée récolté par Jean-Guy Therrien et dont il est question dans cette chronique.
Par ANDRÉ BEAUDRY*
L’auteur est mesureur officiel pour B&C, P&Y, NBBC et Trophée Québec
Le mâle trophée récolté par Jean-Guy Therrien et dont il est question dans cette chronique.
*Propos recueillis de Jean-Guy Therrien
J’ai commencé à chasser en 1981 dans la région St-Chrysostome dans la zone 8 nord près de la frontière de l’état de New-York. Au début, je chassais le petit gibier et le canard, mais ce n’est qu’en 1985 que j’ai débuté la chasse au chevreuil. À l’époque, je n’avais pas de territoire et pas beaucoup de temps à consacrer à la prospection; à ce moment je me joignais à un groupe de chasseurs et les résultats étaient que je ne voyais pas beaucoup de gibiers, quelques femelles et pas de buck.
En 1998, enfin un premier buck, pas un gros mais la glace est cassée. En 1999, je trouve un territoire sur une terre privée à environ 30 minutes de route et j’ai maintenant un endroit à moi et surtout plus de temps à consacrer à la prospection. Et après deux saisons, enfin un premier 8 pointes. Je parle avec d’autres chasseurs, écoute les conseils, donc je prends de l’expérience et j’ai récolté quelques beaux 6 et 8 pointes et même un beau 9 pointes à la course que j’ai réussi à faire arrêter. J’ai débuté en chassant à la carabine et à la poudre noire mais mon arme préférée est l’arbalète.
En 2012, je fais l’achat d’un terrain et je débute la construction de ma maison à Saint-Michel-des-Saints, un endroit magnifique, situé à environ 3 heures au nord de Montréal. Un endroit où la chasse au chevreuil n’a jamais été permise car il y en avait très peu dû à notre localisation géographique située plus au nord qui est plus propice à la chasse à l’ours et à l’orignal. Avec les changements climatiques des dernières décennies, le cheptel de chevreuil s’est de plus en plus déplacé et adapté aux conditions hivernales moins rigoureuses qu’autrefois augmentant la population de chevreuil.
Ce n’est qu’en 2017 que l’on commence à entendre parler d’une ouverture possible de notre zone soit la 15 Est pour la chasse au chevreuil. Il y a des terres de la couronne à volonté et on se dit qu’on n’aura pas à chercher une place très longtemps car il y a du territoire en masse. Je débute la prospection et découvre deux endroits avec du potentiel et aménage deux salines et on laisse aller les choses. Je vois un buck incroyable sur mes caméras seulement à partir de la mi-octobre et il reste dans mon secteur jusqu’au mois de janvier, il devient mon target. En fin de compte pas de chasse en 2017 ni en 2018, mais en décembre 2019 la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs annonce l’ouverture de la chasse au chevreuil pour la zone 15 Est pour novembre 2020. Seulement 9 jours de chasse: 6 jours à l’arc et arbalète et 3 jours au fusil et arme à chargement par la bouche. Je vois toujours mon target à partir du milieu octobre il est régulier. Février 2020, catastrophe! Il y a plein de ruban rouge un peu partout dans la forêt et en mars la machinerie qui arrive fait une coupe forestière dans les 2 secteurs où j’avais fait mes salines. Retour à la case départ, chercher 2 places, refaire 2 salines un peu plus loin sans savoir comment les chevreuils vont se comporter.
2017
2018
2019
Images croquées par caméras de surveillance du mâle trophée dans les années précédant sa récolte.
Durant l’été je ne vois pratiquement plus de femelles qui viennent manger sur le terrain, je suis quand même chanceux de voir quelques bucks potables sur mes 2 caméras, début octobre, on installe le distributeur de maïs et met des carottes à un spot et des carottes seulement à l’autre. Je fais un faux grattage, mets du gel pré-orbital sur la branche au-dessus et je n’installe pas de caméra à cet endroit. Mon target se pointe sur les 2 sites fidèles à ses habitudes mi-octobre mais 3 jours avant la chasse, il disparaît des 2 caméras. Un copain à moi vient me rendre visite le vendredi, veille de l’ouverture de la chasse, et me dit: Jean Guy, je viens de voir ton target, il a traversé la route devant moi. Il suivait 2 femelles à environ 1 mille de mon site que je veux chasser le lendemain mais et il y a beaucoup de chasseurs au pied carré dans le secteur.
Le gros buck trophée de Jean-Guy Therrien croqué par sa caméra de surveillance le 25 octobre 2020.
Je ne sais pas pourquoi mais je n’ai pas eu besoin de cadran pour me réveiller le lendemain, une petite douche, une petite bouchée, je me prépare et je sors de la maison. Pas de vent, je me dirige vers ma trail derrière la maison avec mon sac à dos et l’arbalète en bandoulière et un morceau de tissu que je traîne derrière moi aspergé d’urine de femelle et je marche environ 1/2 mille. Arrivé à destination j’attache mon morceau de tissu à une branche et je brasse le faux grattage. Je m’assois dans ma tente et le compte à rebours est commencé: l’heure légale de la chasse a sonné, je bande mon arbalète, mets une flèche et j’observe la nature. Quelques femelles et un beau 8 que je laisse passer, c’est pas le target et il y a surtout beaucoup de chasseurs qui callent, je récupère la carte de la caméra et vais dîner à la maison, regarde les photos: rien que des femelles et petits bucks, pas de trace de mon gros buck. En après-midi, je vais à l’autre site, même stratégie: ligne d’odeur et tampon sur une branche, maïs et carottes. 5 femelles passent l’après-midi avec moi mais aucun buck, autant de chasseurs dans ce secteur, je récupère la carte de la caméra: un beau mature durant la nuit et en avant-midi. Souper, douche, dodo et la tête trotte: où aller demain matin!!!
Toujours pas besoin de cadran et je refais ma routine du matin. Ils annoncent très chaud environ 20 degrés Celsius, et je décide d’aller encore une fois derrière la maison, même stratégie: ligne d’odeur, rafraîchir le grattage, maïs et carottes. Le soleil se lève, je fais du rattling léger, je vois 1 femelle et un petit spike en avant-midi, je récupère la carte de la caméra et vais dîner à la maison. En traversant le bûcher, je me rends compte qu’il y a un chasseur installé à environ 100 pieds derrière ma tente, je jase avec lui et lui explique qu’il est très proche de moi et lui demande de faire très attention vu notre proximité, il me dit qu’il surveille un petit sentier devant lui et que c’est seulement ça sa zone de tir et ne tirera pas dans ma direction; je lui souhaite bonne chance et je vais dîner. Je regarde les photos de la cam: mon target était là hier à 4 heures pm et une partie de la nuit. Le choix n’est pas difficile à faire pour l’après-midi, dîner rapide et je retourne à la tente et je rafraichis ma station d’odeur avec urine de femelle. L’après-midi avance, il fait très chaud, je recommence du rattling léger: 4 femelles passent l’après-midi avec moi. Vers 3 heures et demi, ça brasse solide derrière ma tente, je regarde par le coin du châssis mon target est là environ 6 pieds derrière moi, il est énorme, et ne bouge pas, le nez dans les airs et la bouche entrouverte; aucune possibilité de tir pour moi, il reste là un bon 5 minutes, prend la trail qui se dirige vers la maison le nez au sol et là, je panique, il va passer à côté de l’autre chasseur, je dois faire quelque chose et vite même très vite, je fais un petit son de femelle il arrête net, les oreilles bougent, la bouche entrouverte. Il fait demi-tour, emprunte ma trail: yes il va passer à portée de tir, je le suis au travers des branches: allez, allez, avance; mon cœur roule à 100 milles à l’heure, je vois le nez, les yeux les oreilles et un bout du panache. Il va arriver à un endroit où j’aurai une chance de tir, mais tout à coup il s’immobilise. Cinq minutes passent et il ne bouge toujours pas, l’arbalète est bien appuyée sur mon trépied, je le regarde dans le télescope, il est à moins de 40 pieds de moi toujours immobile. Je fais alors un son de femelle et là il part d’un pas décidé. Je siffle et il arrête à 30 pieds de moi environ. Mon tir est parfait il décolle comme une fusée, il se dirige dans le bois plus dense, au deuxième saut il arrête net et se met à trembler puis tombe par terre. Il a fait moins de 100 pieds, le « shake me pogne », je le surveille, il ne bouge pas, je texte mon épouse qui est à l’extérieur, et aussi les copains de chasse.
Je sors de la tente environ 10 minutes plus tard et je me dirige vers lui tranquillement. Rendu près de lui je lui touche le corps: aucune réaction. Je le prends par le panache pour le déplacer, oups c’est pas léger cette bête-là… L’éviscération complétée, je vais à la maison chercher le VTT je croise l’autre chasseur et on jase de cette chasse. Je ne me souviens pas de son nom mais une chose que je peux dire, c’est un chasseur de parole. Il m’explique que de l’endroit où il était, il a tout vu et entendu et n’a rien fait pour me nuire et a profité du beau spectacle. Le poids de cette bête est de 230 lb après éviscération.
Note de l’auteur :
Pour une première saison de chasse à vie dans la zone 15, Jean-Guy Therrien a récolté rien de moins que le record Québécois dans la catégorie Arc, Arbalète pour un chevreuil atypique avec un score de 197 2/8 brut et un score de 193 6/8 net.
Saviez-vous que?
Bruno Ouelette de Mansonville a récolté un morse de l’Atlantique au Nunavut en 2013 qui a obtenu un pointage de 102 6/8 net ce qui le classe # 7 au monde.
Vous avez des questions concernant le mesurage de trophées (orignal, chevreuil, ours, caribou)?
Écrivez-moi à : beaudrybuck@hotmail.com et je me ferai un plaisir d’y répondre dans une prochaine édition.