BROCHET D’ÉTÉ​

Chercher les

DORÉS

pour prendre de
gros requins d’eau douce…

Textes et photos
Richard Monfette

Belle prise réalisée par William Dubuc, le neveu de l’auteur, lors d’une pêche au doré à la dandinette il y a quelques années.

L’idée de cet article m’est venue en jasant pêche avec un de mes amis. Martin l’ami en question adore pêcher le brochet car il s’agit d’un poisson habituellement agressif qui boude rarement les offrandes des pêcheurs. Il me racontait ses nombreuses expériences à leur camp en Abitibi au cours desquelles il a capturé et remis à l’eau des quantités presque incroyables de petits brochets lors de ses périples de pêche annuels durant les vacances de la construction. Toutefois Martin n’a jamais pris de gros brochet à cette période de l’année; que de petits spécimens de une à quatre livres. Il me pose alors la question à cent piastres, POURQUOI… Voici donc ma réponse pour le bénéfice des lecteurs de 100% CHASSE PÊCHE ayant un peu moins d’expérience en matière de pêche au brochet.

Une question de température de l’eau

Les gros brochets (disons plus de 8 lb pour les besoins de l’article) et les petits brochets ont des besoins très différents côté température préférentielle. En effet les poissons plus jeunes et de faible taille peuvent se retrouver dans des baies ou des zones peu profondes à tout moment de l’année. Ils tolèrent très bien les températures d’eau dépassant largement les 21 ℃ (70 ℉) et peuvent donc facilement être capturés avec des leurres de surface ou évoluant à très faible profondeur même durant la période la plus chaude de l’été.

Par contre il en est tout autrement des gros brochets et particulièrement lorsqu’on cherche de vrais spécimens trophées. Contrairement à leurs congénères plus petits, en grandissant et en prenant de l’âge les gros brochets se transforment en poisson d’eau fraîche et deviennent de plus en plus intolérant à l’eau chaude dépassant les 21 ℃ (70 ℉). Ils se sentent alors beaucoup plus à leur aise dans une eau avoisinant les 15,5 ℃ (60  ℉) et parfois même moins dans le cas de certains spécimens. On comprend alors que pour réussir à les capturer régulièrement au cœur de l’été il faudra souvent quitter les secteurs très peu profond et se diriger vers les zones plus creuses habituellement situées dans la partie plus centrale du plan d’eau à l’extérieur des grandes baies.

Les petits brochets demeurent à faible profondeur tout l’été et peuvent facilement être déjoués avec des leurres récupérés près de la surface.

Là où se trouvent les dorés…

Combien de fois avez-vous déjà ferré de gros brochets ou entendu parler de pêcheur ayant capturé d’énormes ésocidés en pêchant le doré? Personnellement j’aurais besoin de plusieurs mains pour pouvoir compter le nombre de beaux brochets que mes accompagnateurs ou moi-même avons ferrés en ciblant des bancs de dorés. Quand on y pense c’est loin d’être surprenant car les bons secteurs à doré du milieu de l’été conviennent parfaitement aux exigences thermiques des gros brochets. Et non seulement peuvent-ils satisfaire leur préférence côté température fraîche, mais en plus ils ont accès à un immense garde-manger rempli de beaux dorés bien dodus. Les captures accidentelles de gros brochets en pêchant le doré ne sont donc pas si accidentelle finalement car lorsqu’on découvre un groupe important de doré sur une belle structure sous-marine dans une vingtaine de pieds de profondeur, sans le savoir on vient aussi de découvrir un super terrain de chasse pour les plus gros prédateurs du plan d’eau.

Comment prendre ces gros brochets d’été

Ces captures accidentelles de brochets trophées sont souvent réalisées en pêchant le doré avec des dandinettes destinées à cette espèce. Bien sûr ces petits leurres permettent parfois d’attirer l’attention de ces grands prédateurs opportunistes, mais pour réellement mettre toutes les chances de notre côté pour prendre un de ces ogres, il faut utiliser des leurres à la hauteur de la gloutonnerie de ces derniers. N’oubliez pas que les grands brochets n’hésitent pas une seconde à s’attaquer à un doré de 1 à 2 lb et parfois même plus.

Donc si vous visez vraiment les gros brochets, je vous conseille sans hésiter  d’utiliser des poissons nageurs plongeants de 5 à 8 po de longueur. Toutefois pour utiliser ces énormes leurres à bavette qui ont beaucoup de tirant d’eau vous devrez vous procurer aussi une canne suffisamment rigide et puissante pour supporter une telle résistance. Vous pourrez alors choisir des leurres à bavettes qui vous permettront de descendre facilement entre 15 et 25 pieds comme par exemple de Rapala le Down Deep Husky Jerk de 5 ½ po ou encore le Depth Raider de 6 ou 8 po de Joe Butcher. Ces leurres vous permettront de faire évoluer une imitation de proie dans la zone payante pour les gros brochets. Vous pouvez les traîner le long des talus (si il y a de l’herbe dans la portion supérieure c’est encore mieux) ou les faire nager au-dessus des structures utilisées par les dorés. Comme les gros brochets se tiennent aussi souvent en suspension tout juste en retrait de leurs proies attendant le bon moment pour attaquer, on peut aussi faire des parcours de traîne en retrait des zones propices pour déjouer ces poissons. Vous remarquerez d’ailleurs souvent des gros signaux de poissons en suspension sur votre sonar et dans la majorité des cas ce sera de gros brochets.

Deux poissons nageurs à bavette plongeants efficaces pour les gros brochets en été.

A : le Down Deep Husky Jerk de Rapala

B : le Depth Raider de Joe Bucher

Si jamais vous ne désirez pas vous procurer l’équipement suffisamment puissant pour utiliser ce genre de gros leurre à bavette, je vous propose un compromis intéressant. De mon côté comme je suis avant tout un pêcheur de doré, j’aime bien pouvoir malgré tout offrir un leurre qui intéressera autant les gros percidés que les grands brochets. En effet, même si je ne suis pas vraiment un fervent des captures nombreuses de petits brochets que l’on appelle affectueusement « fouettes » ou « manches de marteau », je ne dis jamais non à l’opportunité de croiser le fer avec un brochet monstre qui me rappelle la capture d’un beau maski. Mon compromis consiste donc à traîner des poissons nageurs flottants ou de suspensions d’une longueur de 4  à  5 po derrière un gratteur de fond de 1 ½ à 2 oz selon la profondeur.

À ce chapitre un de mes leurres préférés demeure le Ripplin Redfin de Cotton Cordell de couleur or avec le ventre orange. Vous allez me dire que ce leurre n’est pas tellement gros, mais sa forme trapue et ondulée et sa large action frénétique donne probablement l’impression au brochet que la proie qui défile rapidement devant lui est plus imposante que la réalité. Derrière le gratteur de fond j’ajoute un bas de ligne en fluorocarbone de 12 lb d’une longueur d’au moins 48 à 60 po et une attache sans émerillon du genre Crosslock. Certains trouveront le bas de ligne un peu long, mais plus il est court et que votre leurre est proche du gratteur, moins ce dernier aura d’action. Vous remarquerez aussi que je n’utilise pas de bas de ligne d’acier. Il faut dire que je suis littéralement allergique à ce genre d’ajout qui ne fait que ruiner l’action du leurre. Évidemment un gros brochet pourrait réussir à couper le fil, mais c’est la chance que je préfère prendre plutôt que d’utiliser un leurre sans action. Évidemment si vous décidez de changer le poisson nageur pour une grosse cuillère ondulante du genre Williams Whitefish (ce qui ne serait pas une mauvaise idée), alors je vous conseillerais fortement d’ajouter un bas de ligne d’acier car ce dernier nuit très peu à l’action d’une telle cuillère ondulante. 

Deux bons montages pour le brochet en profondeur durant l’été.

Donc avec votre montage vous grattez le fond à la traîne dans les zones où vous prenez habituellement du doré en longeant les talus ou les structures propices. N’oubliez pas qu’au cœur de l’été le pourtour des hauts fonds situés loin des berges parfois au beau milieu du lac sont d’excellents endroits pour retrouver les dorés et par ricochet les brochets format familial.

Un bel exemple!

Je me retrouve dans la réserve faunique Ashuapmushuan au nord-ouest du lac Saint-Jean dans le cadre de mes vacances de pêche familiales annuelles. Cette journée-là c’est sur le lac Aigremont que nous tentons notre chance pour le doré. Connaissant bien le lac je me dirige dans une grande baie profonde m’ayant souvent réservé de belle surprise en été. Nous pêchons à la dandinette en bordure d’un beau talus et nous capturons quelques dorés juste assez gros pour le souper. Puis tout à coup mon comparse Jean me dit qu’il vient de se faire couper son fil par ce qui semble être un gros brochet. Pendant qu’il s’affaire à attacher une dandinette je sens une forte touche qui se résulte en un ferrage dans le vide… Je viens de subir le même sort que mon camarade. D’un commun accord nous sortons nos cannes pour la traîne et les gratteurs de fond. Comme c’est mon habitude j’attache mon Ripplin Redfin or au bout de mon bas de ligne alors que Jean choisit un leurre Rapala Original noir et argent F11. Des leurres assez costauds pour les gros brochets, mais qui pourront intéresser les dorés. À la première passe, là où nous nous sommes fait couper nos fils, Jean ferre un doré respectable. Je mets le moteur au point mort, mais au même moment mon leurre semble s’accrocher au fond. Je mentionne le problème à mon acolyte, mais rapidement je me rends compte que le fond se déplace et commence à secouer le bout de ma canne…

Pendant que je combats quelque chose de gros, Jean passe lui-même son doré dans le filet et il se prépare à faire de même avec ma prise. Je lui dis que c’est vraiment gros et qu’on est loin de la coupe aux lèvres avec ce gros brochet. Le mastodonte demeure en profondeur pendant plusieurs minutes. Puis comme je tente de lui mettre de la pression pour le faire bouger un peu il décide de remonter vers la surface et de partir en flèche vers le large en vidant une partie de mon moulinet. Une joute de souque à la corde s’ensuit jusqu’à ce que fatigué le gros brochet finisse par se laisser approcher du bateau. En le voyant nous sommes surpris de sa longueur. Rien à faire avec le filet que nous utilisons et qui est destiné à la pêche au doré. Je mentionne à mon ami que je vais le hisser à bord avec les mains. Il me regarde alors d’un air incrédule… À la première occasion en approchant mes mains de la queue du grand prédateur ce dernier part en trombe et je suis quitte pour une bonne douche. Mais la deuxième occasion est la bonne et je réussis à saisir le brochet par la queue. Je le laisse gigoter un peu et quand il se calme je passe mon autre main sous son ventre pour être en mesure de le soulever non sans peine. Jean a la caméra en main et il s’empresse de prendre quelques belles photos du trophée avant que je le retourne doucement dans son élément pour qu’il puisse à nouveau faire le plaisir d’un autre pêcheur chanceux !

La morale de l’histoire, si vous connaissez quelques bons coins à doré sur votre lac durant l’été vous n’avez pas à chercher beaucoup plus loin pour espérer croiser le fer avec un de ces géants d’eau douce lors de vos prochaines vacances estivales!

Le gros brochet, dont il est question dans le récit de fin d’article, capturé en profondeur avec un gros poisson nageur derrière un gratteur de fond de 2 oz.

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