CHEVREUIL ANTICOSTI
L’attrait des plaines :
réalité ou exagération?
Texte et photos
Maxime Dubé
La première semaine d’octobre était déjà bien entamée et je parcourrais pour la quatrième semaine consécutive ce nouveau terrain pour moi. J’avais comme but de couvrir le plus possible l’ensemble du territoire composé de plaines immenses afin de prendre connaissance des structures, sentiers de VTT et toutes informations nécessaires aux chasseurs. Cela m’amenait régulièrement à parcourir de grande distance en VTT mais en gardant un œil ouvert afin de déceler les chevreuils avant que ceux-ci ne prennent connaissance de notre présence.
Faisant face régulièrement à du terrain inconnu, le visuel était très important afin de juger de ma vitesse de progression. Cette journée-là, à la vue de cette structure je réduisis ma vitesse de conduite de mon véhicule hors route de beaucoup… voire presqu’à pas de tortue. À peine trente secondes à cette vitesse et déjà un dos se dessinait à travers la végétation basse. Un regard rapide dans les binoculaires et j’avais la confirmation de la présence d’un beau buck. L’approche à pied et la récolte furent complétées assez rapidement par la suite (photo ci-contre).
La première semaine d’octobre était déjà bien entamée et je parcourrais pour la quatrième semaine consécutive ce nouveau terrain pour moi. J’avais comme but de couvrir le plus possible l’ensemble du territoire composé de plaines immenses afin de prendre connaissance des structures, sentiers de VTT et toutes informations nécessaires aux chasseurs. Cela m’amenait régulièrement à parcourir de grande distance en VTT mais en gardant un œil ouvert afin de déceler les chevreuils avant que ceux-ci ne prennent connaissance de notre présence.
Faisant face régulièrement à du terrain inconnu, le visuel était très important afin de juger de ma vitesse de progression. Cette journée-là, à la vue de cette structure je réduisis ma vitesse de conduite de mon véhicule hors route de beaucoup… voire presqu’à pas de tortue. À peine trente secondes à cette vitesse et déjà un dos se dessinait à travers la végétation basse. Un regard rapide dans les binoculaires et j’avais la confirmation de la présence d’un beau buck. L’approche à pied et la récolte furent complétées assez rapidement par la suite (photo ci-dessous).
L’auteur posant avec un beau buck récolté par son client dans un secteur truffé de nourriture intéressante en octobre pour le chevreuil. C’est d’ailleurs ce qui avait attiré son attention et l’avait incité à bien scruter l’endroit avec ses jumelles.
Quel a donc été l’élément qui m’a dicté de réduire drastiquement ma vitesse et de porter une attention particulière à ce secteur? Continuez votre lecture afin de connaitre les ingrédients de cette recette toute simple.
Avec les années de prospérité, Anticosti a toujours offert plusieurs occasions aux chasseurs d’effectuer leurs récoltes et à force d’arpenter les zones ouvertes, un chasseur pouvait capitaliser sur les rencontres avec le gibier dans ces belles années.
En période de reconstruction de la population de l’île, les chasseurs ne peuvent plus compter que sur le facteur chance, ils doivent user de stratégie afin de croiser la bête espérée. Malheureusement, le facteur beauté de l’endroit fait trop souvent office d’effet décisionnel dans le secteur chassé… le Hic, c’est que les chevreuils n’ont probablement aucun sens artistique afin d’apprécier au même titre que nous, les critères de beauté que nous priorisons dans nos choix.
Afin de mieux comprendre ce qui retient les chevreuils à un endroit précis, on se doit de revenir à la base de tout : les besoins fondamentaux. Un de ces aspects est de s’alimenter.
Dans un milieu hostile comme Anticosti, les chevreuils ont dû s’adapter à ce qui est présent. La surpopulation que l’île a connue par le passé a modifié le paysage arbustif et la flore, amenant une raréfaction des aliments préférentiels de l’espèce, les forçant à se tourner vers des espèces de disponibilité.
Dans un processus d’identification des sources alimentaires des chevreuils anticostiens, on doit tenir compte de deux facteurs très importants qui régulent l’endroit où ils s’alimenteront.
Le premier élément à considérer est la demande énergétique spécifique à certaines périodes de l’année. En fait, son alimentation s’ajuste selon les besoins particuliers et celle-ci évoluera vers d’autres besoins plus tard en saison. Un élément important à sa diète en début de saison est un apport protéinique d’importance afin de combler la demande autant pour la lactation, la croissance des juvéniles que pour la pousse des bois des mâles. Cet apport diminuera de beaucoup plus tard dans l’année, toutefois ce besoin en protéine doit être encore soutenu à un certain niveau lors de l’automne et l’hiver. Celui-ci doit demeurer présent afin d’augmenter l’efficacité des micro-organismes contenu dans le système digestif du chevreuil afin d’assimiler la nourriture qui sera plus difficile à digérer. Considérant l’habitat plus pauvre à Anticosti qu’ailleurs en province (où des apports de protéine peuvent être fournis en milieu agricole ou en milieu forestier offrant un meilleur apport en nourriture préférentielle), les chevreuils de l’île doivent trouver ces plantes miracles qui assureront cet apport de protéine lors de cette période automnale.
En saison de croissance des végétaux, cet apport en protéine n’est pas une difficulté en soi avec la disponibilité de nourriture dans l’habitat. Cependant, à partir du mois d’août, plusieurs végétaux perdent beaucoup en contenu cellulaire facilement digestible et augmente en paroi cellulaire afin de solidifier cette tige de croissance annuelle. On doit tenir compte que ces parois renforcées, contiennent de la cellulose et de la lignine entre autres, éléments qui complexifient la digestion. Cela compose le deuxième élément à considérer dans la sélection des sources de nourriture des cerfs.
Je ne veux pas tomber trop dans les termes techniques, mais si on résume, certaines plantes comme les herbacées et carex qui sont très présentes dans les tourbières, seront très prisées pendant le printemps et l’été et auront encore un certain intérêt pour les chevreuils en début de saison de chasse mais perdront rapidement de l’attrait passé la première moitié du mois de septembre. En terme simple pour ceux qui sont familier avec le milieu agricole, on voit rarement du bétail manger de la paille. Le contenu n’est pas intéressant du tout en frais d’apport énergétique et en nutriments. L’effet sera le même concernant les chevreuils de l’île ou ailleurs sur le continent qui sont également des herbivores ruminants.
Sur la photo du haut, une zone de tourbière non productive en fin septembre et octobre et sur celle du bas une zone productive avec les « plantes miracles » pour la même période.
Deux types de tourbières
Résultat d’une chasse en début septembre. Mr Gilles Hébert a récolté ses deux bucks de 8 pointes à intervalle de deux minutes dans un secteur de Fen encore utilisé à cette période. On peut encore y voir plusieurs carex et graminées toujours vert en date du 10 septembre 2022.
Revenons à nos tourbières si présentes dans certains secteurs de l’île. Ces dernières doivent être séparées en deux grandes catégories : les minérotrophes et les ombrotrophes.
Afin de bien les distinguer une de l’autre, les minérotrophes sont connues aussi sous l’appellation Fen. Ces tourbières sont alimentées par un cours d’eau et des eaux de ruissellement qui amènent un apport en nutriments. En ce qui concerne les ombrotrophes, connues aussi sous le nom de Bog, ces dernières sont alimentées seulement par les eaux de pluie.
Les Fens seront souvent celles colonisées par plusieurs graminées et carex offrant un couvert végétal plus dense pendant la période estivale. Ce couvert amène souvent une diversité moindre concernant les autres espèces végétales n’ayant pas une forte résistance à la compétition pour la lumière. À ce point, j’imagine que vous voyez où je veux en venir avec cet article, ces magnifiques secteurs «de foin» si beaux à voir et facilement accessibles pour le chasseur, n’offrent qu’aux premiers groupes de chasseurs un certain intérêt à y trouver le chevreuil s’y alimentant. Une fois passée la mi-septembre, il y a peu d’intérêt à y chasser trop intensément sauf si celui-ci fait partie d’un goulot d’entonnoir canalisant les déplacements.
Cela m’amène ensuite aux Bogs, ces secteurs souvent couverts de tourbe rouge sur un tapis uniforme ou en buttons, peuvent aussi fournir certaines pochettes offrant une diversité de plantes très intéressantes qui offrent l’apport en protéine recherché en automne. Ces secteurs d’intérêt auront souvent de très petites épinettes rabougris au niveau du sol et certaines éricacées.
Parmi les plantes miracles qui peuplent ces secteurs, on peut encore y retrouver les bleuets, la chicoutai, le quatre-temps, la canneberge et des champignons. Certains de ceux-ci offrent un feuillage qui demeure vert plus longtemps que d’autres et certains offrent à l’occasion différents fruits très prisés par les chevreuils de l’île. La digestibilité de ces plantes ainsi que le taux protéinique en font des éléments clés alors que les conditions générales de leurs sources alimentaires s’appauvrissent avec l’approche de l’hiver.
Alors est-ce vrai que les plaines sont si productives pour la chasse? Vous pouvez alors comprendre qu’elles sont des endroits de prédilection en début de saison étant donné que la qualité de nourriture est généralement plus intéressante que ce qui est disponible en milieu forestier. Cet attrait décroit exponentiellement avec la venue du mois d’octobre étant donné que ce qui est de nature herbacée ou graminée n’a plus aucun attrait nutritionnel, il demeure par contre certaines pochettes des bogs où la qualité de la nourriture disponibles correspond à la demande du métabolisme du chevreuil anticostien. Une autre raison qui explique que le chevreuil demeure plus à couvert à ce temps de l’année, est la disponibilité de beaucoup de champignons en forêt. Prenez compte que 100 grammes de champignons crus amènent près de 2.5 grammes de protéines à l’organisme. Vous avez probablement une des principales sources de cet élément indispensable à la diète du chevreuil pour différentes raisons selon la période de l’année.
Résultat d’une chasse en début septembre. Mr Gilles Hébert a récolté ses deux bucks de 8 pointes à intervalle de deux minutes dans un secteur de Fen encore utilisé à cette période. On peut encore y voir plusieurs carex et graminées toujours vert en date du 10 septembre 2022.
Utilisation des plaines pendant le rut
J’espère avoir fait la lumière sur le grand potentiel qu’offre les plaines tout en tenant compte des besoins des chevreuils et de l’évolution des sources de nourriture pendant la période de la chasse.
Pour clore le dossier des tourbières, outre le besoin alimentaire qui explique l’occupation de ces zones par les chevreuils, on doit aussi considérer un autre besoin fondamental qui est celui de se reproduire. Ces secteurs ouverts sont des endroits de prédilection pour les mâles à la recherche visuelle des femelles potentiellement en période d’œstrus. L’odorat est régulièrement utilisé afin de suivre à distance mais l’observation visuelle compte énormément afin de localiser les autres individus. Pour ceux qui me suive depuis un bout dans mes écrits, vous savez que je suis un grand fervent d’être visible aux yeux des mâles en recherche de femelles pendant la période du rut, sinon, j’essaie d’attirer leur attention par différentes manières. Une fois que je suis un sujet de curiosité, il ne reste qu’à les travailler avec un objet blanc qui imite la queue du chevreuil. J’aime bien l’utilisation du « scott towel » à cause de la versatilité de celui-ci pour différentes utilisations. Ces secteurs représentent donc des endroits de choix afin de berner les mâles pendant cette période de chasse où ils sont très vulnérables.
On passe d’une utilisation presque exclusivement de nature alimentaire en début de saison à une utilisation segmentaire et très spécifique en milieu de saison toujours en relation avec la nourriture. Finalement, en fin de saison, ces endroits se définissent principalement comme zones de déplacements.
Sachez utiliser ces endroits particuliers à bon escient et vous serez gagnant dans vos recherches de la bête espérée. Pour répondre à la question du début, j’ai réduit ma vitesse tout simplement parce que j’ai ciblé visuellement une zone de nourriture pour la période du début octobre. Je misais sur ces végétaux toujours verts à cette période de l’année et qui rapportent gros lors des périodes plus difficiles.
Sachez trouver ce que l’île a de mieux à vous offrir lors de votre passage.
Pour clore le dossier des tourbières, outre le besoin alimentaire qui explique l’occupation de ces zones par les chevreuils, on doit aussi considérer un autre besoin fondamental qui est celui de se reproduire. Ces secteurs ouverts sont des endroits de prédilection pour les mâles à la recherche visuelle des femelles potentiellement en période d’œstrus. L’odorat est régulièrement utilisé afin de suivre à distance mais l’observation visuelle compte énormément afin de localiser les autres individus. Pour ceux qui me suive depuis un bout dans mes écrits, vous savez que je suis un grand fervent d’être visible aux yeux des mâles en recherche de femelles pendant la période du rut, sinon, j’essaie d’attirer leur attention par différentes manières. Une fois que je suis un sujet de curiosité, il ne reste qu’à les travailler avec un objet blanc qui imite la queue du chevreuil. J’aime bien l’utilisation du « scott towel » à cause de la versatilité de celui-ci pour différentes utilisations. Ces secteurs représentent donc des endroits de choix afin de berner les mâles pendant cette période de chasse où ils sont très vulnérables.
J’espère avoir fait la lumière sur le grand potentiel qu’offre les plaines tout en tenant compte des besoins des chevreuils et de l’évolution des sources de nourriture pendant la période de la chasse.
On passe d’une utilisation presque exclusivement de nature alimentaire en début de saison à une utilisation segmentaire et très spécifique en milieu de saison toujours en relation avec la nourriture. Finalement, en fin de saison, ces endroits se définissent principalement comme zones de déplacements.
Sachez utiliser ces endroits particuliers à bon escient et vous serez gagnant dans vos recherches de la bête espérée. Pour répondre à la question du début, j’ai réduit ma vitesse tout simplement parce que j’ai ciblé visuellement une zone de nourriture pour la période du début octobre. Je misais sur ces végétaux toujours verts à cette période de l’année et qui rapportent gros lors des périodes plus difficiles.
Sachez trouver ce que l’île a de mieux à vous offrir lors de votre passage.