ORIGNAL

Bien préparer
sa chasse

MARK RAYCROFT

Texte, photos et vidéos
Pier-Alexandre Tremblay

J’entends souvent les gens me parler de chance, que je suis chanceux dans mes chasses, que je suis chanceux de voir des beaux mâles. La chasse est selon moi un sport où nous avons la chance de manipuler les probabilités et de devenir à notre tour « chanceux ». Pour être honnête, je ne me suis jamais vraiment considéré chanceux, je me considère plutôt comme une personne qui passe beaucoup de temps sur le terrain. D’ailleurs, j’y passe depuis plusieurs années un grand nombre d’heures afin de mieux comprendre comment l’orignal interagit avec divers types de peuplements écoforestiers. Ça m’a permis au fil du temps de cibler des lieux stratégiques pour bien réussir mes chasses. Ma philosophie de travail est relativement simple, le succès passe avant tout par la préparation et les connaissances. C’est pour cette raison que dans cet article, je vous présenterai mon chemin pour bien préparer sa chasse à l’orignal. Vous serez en mesure par la suite de bien comprendre mes différentes stratégies de travail du printemps jusqu’à l’automne pour localiser les bêtes sur le terrain et ainsi, vous pourrez les appliquer à votre tour.

L'analyse
d'une carte

Nous avons aujourd’hui la chance d’avoir un outil indispensable, les cartes. Il est inimaginable pour moi maintenant d’entrer dans un secteur sans regarder l’organisation du territoire. Pour maximiser votre temps, je vous invite à débuter l’analyse de votre secteur en hiver. Dès le printemps arrivé, vous serez en mesure de marcher votre zone de chasse.

Les besoins essentiels des orignaux sont relativement simples. Ils ont besoin de zones nourricières, de points d’eau et d’aires de repos. Il est important de se mettre dans leur peau. C’est pour cette raison que je cible des points chauds, c’est à dire, des secteurs qui regroupent tous les besoins principaux des orignaux dans la plus petite superficie possible. La raison est simple, plus les besoins essentiels sont regroupés, plus il y a de chance que ses endroits soient propices à y trouver des signes. Je vous fais un parallèle simple, imaginez-vous dans une maison. La maison « A » est de 3 étages, vous avez votre réfrigérateur (nourriture) qui est au rez-de-chaussée, vous avez votre source d’eau au deuxième étage et vous avez votre chambre au troisième étage. La maison « B », vous permet d’avoir ces trois besoins au même étage. Il est clair que la maison « B » sera de loin la préférée pour la grande majorité des gens. C’est le même principe pour l’orignal.

Dès que nous avons identifié les critères importants sur notre carte, je cible les potentiels points chauds. Je vous présente un exemple concret du secteur en question dans la photo aérienne plus bas. Cette photo couvre une superficie approximative de 5,5 km2. Dans ce cas, les zones nourricières sont principalement les coupes forestières. Nous pouvons également changer les coupes forestières en forêt mature, si vous n’avez pas la chance d’en avoir dans votre secteur. Imaginons dans ce cas que les flancs de montagnes sont composés de BPPTSB 75 % de densité. La dominance de l’essence est en ordre dans le code écoforestier alors dans le cas suivant, ce serait Bouleau à papier, peuplier faux-tremble et sapin baumier. Nous aurions dans un cas une forêt mixte à dominance feuillue en flanc de montagne avec une occupation de 75 % d’essences sur la superficie calculée, on pourrait aussi imaginer qu’il y aurait une exposition suffisante au soleil pour y avoir de la repousse en sous-étage (prendre note qu’il est important de valider sur le terrain, il y a toujours une marge d’erreur sur les données écoforestières). Les points nommés « Aire de repos » sont des peuplements écoforestiers composés en dominance ou en totalité d’épinettes noires, nous pouvons les considérer également comme des points de fraîcheurs. Les aires de repos 1 et 2 sont des dénudés humides avec des potentiels points d’eau. L’aire de repos 3 est en totalité composée de résineux (épinette noire). Je l’ai surnommé « la cuve », j’y ferai référence un peu plus tard. D’ailleurs, il y a fort probablement des sources d’eau par la topographie du secteur qui permettent à l’eau de ruisseler entre les deux grandes montagnes. De plus, j’ai identifié l’aire de repos 1, 2 et 3 comme des sites potentiels pour y trouver des signes de rut (frottés/souilles). Les fonds « mouilleux » ou humides en hauteur/coulée avec une topographie planche (plateau) en transition entre divers peuplements nourriciers sont souvent des lieux très fréquentés par les orignaux (sentiers) et par le fait même, des secteurs de prédilections pour trouver des signes automnaux (frottés/souilles).

Petite précision importante concernant vos préparatifs sur vos cartes, c’est très important à ne pas négliger. L’âge moyen de mon équipe est relativement jeune donc je peux me permettre des excursions plus éloignées des chemins. Je vous invite à profiter de vos sorties de prospection pour déjà commencer à localiser des endroits potentiels pour effectuer vos sentiers dans l’éventualité que vous y récolteriez votre orignal. De mon côté, je regarde toujours la topographie des montagnes et je planifie des scénarios pour sortir mes bêtes. Maintenant que nous avons ciblé les chemins d’accès ainsi que les plateaux potentiels pour trouver des vestiges de rut, il est l’heure de passer à l’étape la plus divertissante, le terrain!

Les sites de repos 1-2 et 3 tels que ciblés sur la carte par l’auteur. Des endroits potentiels pour y trouver des signes de rut, hypothèse d’ailleurs vérifiée sur le terrain.

Le temps des devoirs...

Neige fondue, bottes bien attachées, il est l’heure de prendre le bois! Enfin, nous sommes prêts à partir à l’aventure. Je vous recommande très fortement de marcher dans les bandes de bois matures entre les coupes forestières (si vous avez des coupes forestières), les raisons sont multiples. En fait, il sera beaucoup plus facile de marcher sur un sol moins accidenté, vous pourrez également faire la découverte de sentiers qui font la transition entre les différentes coupes forestières. Vous pourrez également trouver à l’occasion divers signes tels que des frottés de panache, des couches et j’en passe. D’ailleurs, je tiens à préciser que lorsque je fais ma prospection, je me dirige toujours en premier vers les endroits de fraîcheurs ou les aires de repos, car dans mon cas, je trouve la majorité du temps les signes de rut dans ces endroits. Je vais valider la qualité des aires nourricières par la suite. Je vais vous montrer sur la carte par où j’ai passé pour visiter mon aire de repos 1, vous pourrez observer quelques signes que j’ai localisés. J’ai fait l’ascension de la montagne en partant du point noir jusqu’à l’aire de repos 1. Le tracé jaune est tout le chemin que j’ai fait lors de ma prospection, les points rouges sont des secteurs où j’ai trouvé des souilles ou bien des frottés de panaches (plus d’un signe).

Trajet de l’auteur lors de la prospection de la zone de chasse sur la carte satellite.

Signes de rut trouvés par l’auteur lors de son parcours de prospection printanier.

Voici quelques vidéos, du départ de mon excursion jusqu’aux signes trouvés.

Maintenant que j’ai localisé les signes, en me basant sur les critères de mon article Orignal : bien localiser ses salines (voir édition avril 2022), j’ai fait une saline dans « L’aire de repos 1 » et j’ai également installé une caméra dans « L’aire de repos 3 » (voir photo en début d’article pour la localisation des aires de repos). Dans la superficie du 5,5 km2, les peuplements sont majoritairement à dominances feuillues alors que les peuplements résineux se font plutôt rares, ce qui va faire en sorte que les plateaux en dominance résineuses seront très fréquentés.

Saline installée par l’auteur dans un petit dénudé humide découvert dans l’aire de repos 1.

De mon côté, j’installe des caméras et je laisse les secteurs où j’ai placé des caméras relativement tranquilles. Ma saline, j’y retourne une à deux fois maximum durant l’été selon l’achalandage, puis mes caméras sur les passes naturelles, j’y retourne une fois pour m’assurer que tout se déroule bien. La raison est relativement simple, ce sont des endroits très utilisés par les orignaux, j’essaie le moins possible de laisser des odeurs dans ces lieux précis. Toutefois, je vous recommande de faire votre saline en périphérie des lieux de rut, vous pourrez aller voir vos caméras plus souvent sans déranger vos points chauds.

L'automne à notre porte!

À cette étape, la prospection est terminée. Nous avons une bonne idée de ce qui se passe sur le terrain, nous avons quelques relevés d’images de nos caméras. J’adapte maintenant mes trajets et la manière que je vais chasser le secteur selon la période de mon séjour. Je me fais des trajets et différentes façons d’aborder le secteur selon les différentes conditions météorologiques. Dans le cas actuel, ma période de chasse se déroulait dans la première période de vulnérabilité (15 au 20 sept) (voir article Orignal : les deux périodes de grande vulnérabilité dans l’édition d’août 2022). J’avais deux sujets matures dans le secteur ainsi que quelques mâles adultes. Je savais que dans cette période, ce serait principalement les individus matures qui seraient mes interlocuteurs. En considérant le facteur que les grands mâles sont très actifs dans les lieux névralgiques de leur secteur (souilles, frottés) ainsi qu’à la recherche de partenaires, je savais que l’aire de repos 1, 2 et 3 seraient des secteurs de choix pour effectuer des vocalises à des moments stratégiques. Je tiens à préciser qu’il est important de maximiser les trajets en fonction des vents à notre avantage. Toutefois, dans le secteur en exemple, c’était excessivement montagneux, le vent changeait de direction en permanence. Dans ce type de situation, j’utilise différents caches-odeurs environ aux 15 à 30 minutes pour minimiser le plus possible les odeurs. Voici en photo ci-dessous une reproduction approximative d’un trajet que j’ai fait. Le tracé noir est ce que nous avons fait, les points blancs sont des endroits où j’ai fait des stations d’appels. Le matin tôt et le soir, je priorise mes marches le long des secteurs nourriciers, puis je garde mes secteurs frais/repos pour un peu plus tard dans la journée (8-9h jusqu’à 16-17h). Nous avons approché le premier matin un très beau mâle d’environ 40 à 42 pouces, mais nous n’avions pas de fenêtre de tir, ce qui a permis à ce buck de rester en vie.

Parcours de chasse utilisé par l’auteur lors de son séjour dans la réserve faunique des Laurentides.

En résumé...

La prospection est l’élément le plus déterminant dans le succès de votre chasse. Selon moi, un chasseur sachant localiser les orignaux rapidement aura toujours un net avantage sur les chasseurs qui ont une maîtrise impeccable des techniques de chasse sans connaissance sur le terrain.

Je vous ai décortiqué dans cet article l’analyse que je fais dans un territoire jusqu’à la chasse. Dans l’exemple dont il est question ici, la chasse aura été infructueuse. Les orignaux ne sont pas à blâmer, la température non plus. La seule personne à blâmer est moi-même ayant pris les mauvaises décisions au mauvais moment. La chasse n’est pas une science pure et le « timing » sera toujours de la « game » malgré des préparatifs adéquats.

Pour terminer, en analysant les éléments importants de votre habitat puis en allant valider sur le terrain tel que démontré, vous serez en mesure de mieux exploiter votre secteur et du même fait, accroître grandement les probabilités d’interaction avec le roi de nos forêts. Bonne analyse, bonne prospection et surtout, BONNE CHASSE!

***Pour toutes questions, vous pouvez m’écrire ou me joindre sur ma page Facebook P.A des bois, ma passion***

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