DINDON SAUVAGE

Réussir l’examen

de la femelle dominante

MARK RAYCROFT

Par André Veilleux

Apprenez à identifier les signes et le degré de méfiance de la femelle dominante dont le rôle dans un attroupement de dindons est d’éloigner le groupe de tous dangers potentiels. En adoptant la bonne stratégie vous permettant de déjouer sa surveillance, vous permettrez aux mâles derrière elle d’approcher suffisamment pour un tir.

Les dindons sauvages sont des oiseaux grégaires. Ils préfèrent autant que possible être et se déplacer en groupe. Outre pour une question de reproduction, ce besoin de regroupement leurs permet de mieux assurer leur survie. Ainsi, plus il y aura de pairs de yeux en présence, plus il leurs sera assuré que tout danger potentiel sera perçu à temps et à bonne distance afin d’éloigner le groupe de cette menace.

Voilà pourquoi l’art du camouflage et de l’immobilité totale sont des facteurs de réussite si importants lors de dindons en approche.  Malgré que tous les dindons d’un groupe soient rapides à déceler toutes menaces, il y en a à qui ce rôle leurs revient bien plus qu’à d’autres.

Si vous prenez la peine d’observer le comportement d’un attroupement en déplacement, vous constaterez que la disposition de chacun d’eux dans le groupe ne se fait pas au hasard.  En effet, ce sont les femelles qui prennent toujours les devants, alors que les mâles s’emploient à traîner derrière elles.  Et de ces femelles, il y en a toujours d’une à deux ou même trois qui sont en première ligne et qui ainsi, sont religieusement suivies par tout le reste du groupe qu’elles dirigent. 

Ces femelles de première ligne, ce sont des femelles dominantes à qui revient la responsabilité d’assurer la sécurité du groupe.  Contrairement aux juvéniles qui sont nées dans l’année ou l’année précédente, les dominantes sont plus âgées et sont donc plus expérimentées.  On retrouve un phénomène très semblable chez un groupe de femelles chevreuils parvenus à un site d’appâtage. Il y a ainsi et presque toujours une biche mature dans le groupe, celle qui se démarque de toutes les autres par sa méfiance extrême.  Celle-ci passe d’ailleurs la majorité de son temps à surveiller plutôt qu’à manger.  Elle peut ruiner votre chasse en faisant instantanément détaler tout le groupe à la moindre manifestation de nervosité chez elle, tant elle fait figure de référence de par son expérience.

Ce sens de la responsabilité du groupe s’observe aussi chez les dindons par le fait qu’une femelle seule qui passera à proximité de vos appelants sera généralement beaucoup moins méfiante qu’une autre qui défile en tête d’un attroupement.

MARK RAYCROFT

La ou les femelles qui prennent le pas dans un groupe de dindons sont les dominantes qui agissent souvent d’éclaireurs pour toute la bande.

Réussir l’examen

Un chasseur à son poste d’affût qui découvre un groupe de dindons en approche aura généralement le réflexe de diriger instinctivement son attention et ses jumelles sur le ou les mâles matures, comme s’il n’y avait qu’eux.  Ce réflexe de s’attarder longuement à sa proie est tout à fait compréhensible chez un prédateur. Par contre, la réussite de sa chasse, quand il s’agit d’un attroupement, repose avant tout sur la capacité du chasseur à réussir l’examen qui suivra, celui de la ou les femelles dominantes.  Car c’est un fait reconnu, les mâles dindons d’un attroupement ne feront que suivre les femelles dirigées par la ou les dominantes.  Ainsi, déjouer ces éclaireuses, c’est s’assurer la plupart du temps d’une chasse réussie.

Lorsque ces femelles dominantes aperçoivent ce que l’on pourrait désigner comme une « irrégularité », soit un élément inhabituel dans leur environnement, tel qu’une tente de camouflage ou des appelants, ou ce peut-être rien que le son de vos appels, elles ont habituellement le comportement de se détacher du groupe pour s’en approcher, tel que le ferait un éclaireur.  Ainsi, le groupe fera une pause-arrêt afin de demeurer à distance sécuritaire de ce danger potentiel, le temps de permettre à ces guetteuses professionnelles de faire leur travail.  Selon mon expérience, il s’agit du moment le plus crucial de la chasse, le test ultime qui décidera du succès ou de l’échec.

Si une femelle agissant d’éclaireuse détecte un danger et devient nerveuse, il faut éviter tout mouvement (même le clignement des yeux) le temps que son degré d’alerte diminue.

Les redoutables « PUTT-PUTT »

Il est très aisé, et à la fois extrêmement important, d’être en mesure de pouvoir constamment connaître le niveau de méfiance de la ou les femelles dominantes en approche de votre position.  Ce niveau de méfiance s’évalue à partir de quelques signes externes qui ne mentent pas.  La posture en est un.  Plus généralement et au stade 1 de degré de méfiance, une femelle en mouvements quasi constants, qui ne cesse de marcher tout en picorant le sol ici et là et qui ne fait que de brèves pauses d’arrêt est un bon signe d’un oiseau qui ne détecte rien d’anormal.  Le stade 1 de la méfiance est celui d’un oiseau dont la vigilance ne disparaît jamais puisqu’elle fait partie de sa nature, mais dont le degré ne supplante pas le besoin de se nourrir en raison d’une absence de danger apparent.

À l’opposée, une dinde dominante qui passe le plus claire de son temps à demeurer immobile et qui prend la pause qui la fait ressembler à une quille est un mauvais signe, soit celui du stade 2.  Mais il ne faut rien conclure ni désespérer tant que cette inspection se manifestant par des pauses d’immobilité ne s’accompagnent d’aucun cri chez l’oiseau.  J’avancerais même qu’il est beaucoup plus normal de faire l’objet d’une inspection minutieuse et régulière de ces femelles dominantes demeurant presque toujours au stade 2 et qui prennent très à cœur la responsabilité que leur confère le groupe.

MARK RAYCROFT

Une dinde dominante qui demeure immobile et qui prend la pause qui la fait ressembler à une quille, est un signe que son degré d’alerte est passé au stade 2. Attention!

Ce sont les PUTT-PUTT qu’il faut craindre.  Lorsqu’une femelle dominante n’aura qu’un soupçon de danger, aussi petit soit-il, elle commencera alors à émettre ce cri qui en est un d’alarme pour ses congénères. Ce cri s’accompagne la plupart du temps de la posture d’immobilité et de la quille. La partie n’est pas alors nécessairement perdue car il faut alors s’attarder à la fréquence répétitive avec laquelle elle fait ses cris d’alarme. 

Ainsi, une femelle dominante qui marche très lentement, avec la tête relevée et s’inclinant de gauche à droite et de bas en haut, avec des PUTT-PUTT à la fréquence d’un seul au 5 à 10 secondes est le signe d’un oiseau qui n’est pas encore sûr de ce qu’il a pu détecter. Il pourrait même s’agir d’une simple curiosité chez l’oiseau qui a perçu quelque chose qui n’est pas nécessairement menaçant. Par contre et même si nous demeurons encore au stade 2, si votre fesse gauche vous démange et que vous avez envie de vous gratter à ce moment, ce n’est surtout pas le temps de bouger, ou même de cligner des yeux.  Si vous avez envie de prendre le tir à ce moment sur le mâle convoité, par crainte de le voir disparaître à tout moment et peut-être aussi parce que vous n’êtes pas sûr qu’il soit à la portée de votre fusil, NE FAITES ABSOLUMENT RIEN!

Voici une vidéo d’une des dernières chasses au dindon de l’auteur qui illustre parfaitement le comportement de méfiance et d’inspection de femelles dominantes en approche ainsi que leurs influences sur tout le groupe dont les mâles derrière elles.

Pour cause, ce moment est certes critique mais son issue est encore loin d’être déterminée, pour pencher d’un côté comme de l’autre.  En effet, cette femelle peut tout aussi bien revenir au stade 1 de relative quiétude, si cette inspection ne lui fait découvrir aucun autre signe renforçant ses soupçons premiers, comme elle peut basculer dans un véritable état de panique à la moindre confirmation supplémentaire.  Le stade 3, l’alerte véritable, s’observera par des PUTT-PUTT devenus aux secondes. 

Tant que la femelle demeure en mode inspection et qu’elle ne s’agitera pas par ce cri d’alarme fréquent et demeurant au stade 2, habituellement, le groupe derrière elle fera du surplace pour lui laisser le temps de terminer son travail d’éclaireuse et de conclure.  Une femelle dominante qui cessera son cri d’alarme pour revenir suffisamment au calme pourra convaincre le groupe d’approcher. Ce revirement de situation aura été payant pour le chasseur qui a eu le contrôle de retenir son tir. Vous n’avez donc rien à perdre d’attendre si la femelle dominante reste au stade 2 de l’alarme, soit celui où elle est incertaine du danger et recherche un signe supplémentaire de confirmation avant de faire quoi que ce soit d’autre.

Une véritable alerte de stade 3, qui a été déclenchée par une femelle dominante ne signifie pas encore que la partie soit nécessairement et complètement perdue. Certes, elle s’accompagne habituellement d’une volte-face instantanée de la femelle dominante qui, en retournant rapidement au groupe, l’emportera au loin avec elle. 

Par contre, si le mâle convoité est encore à la portée de votre fusil, c’est le temps ou jamais de bouger pour faire feu, car les effets d’une véritable alerte de stade 3 seront irréversibles.  En effet, soyez assuré qu’après avoir été ainsi démasqué, il ne sera jamais plus prêt de votre position qu’à ce moment précis durant lequel il peut vous laisser quelques secondes pour un tir avant de déguerpir.  Ne soyez pas dupe d’un mâle qui continue de faire la parade après une véritable alerte de stade 3 de la femelle dominante, au point de vous donner espoir qu’à la queue du peloton, il pourrait finir par se démarquer du groupe pour vous rejoindre.  Qu’il s’éloigne d’un pas lent ou à la course, il ne le fera pas, et lorsque vous le réaliserez, il sera trop tard pour faire feu, quand c’était encore le temps de le faire.

Si une femelle tombe en stade d’alerte 3 et commence à émettre des PUTT-PUTT à répétition, c’est le temps de prendre un tir si un mâle se trouve à portée de tir car le groupe d’oiseaux est sur le point de s’éloigner rapidement.

Conclusion

Il importe ainsi de savoir que tous ne sont pas égaux dans un groupe de dindons.  Il y a ainsi de ces femelles dominantes qui sont de véritables sentinelles aguerries à percevoir la moindre petite anomalie dans notre camouflage, risquant ainsi de faire dévier l’attroupement de votre position. En portant votre attention à celles-ci à qui vous vous devez de réussir le test de l’invisibilité de par l’immobilité la plus totale au moment critique de l’inspection, vous vous assurerez de ne pas effrayer le groupe. Ce faisant, vous pourrez réussir à avoir accès aux mâles qui n’attendent que le feu vert de ces éclaireuses pour faire les deniers pas permettant un tir.  Bonne chasse et surtout, NE BOUGEZ PLUS, ELLES ARRIVENT!

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