SAUVAGINE

Textes et photos
MICHEL LA HAYE

Les salons chasse et pêche,
pourquoi?

J’étais très heureux de pouvoir participer de nouveau au Salon plein air, chasse, pêche et camping, celui de Montréal ayant été annulé, je me suis concentré sur celui de Québec, tel que je l’avais promis à la nouvelle organisation (Master Promotions Ltd. ).  Comme le dit le communiqué de presse, ce fut un retour fracassant du 16 au 19 mars dernier alors qu’environ 25,000 visiteurs se sont rendus au Centre des Foires Expocité, un endroit très accueillant et très fonctionnel pour tenir ce genre d’évènement. Ce salon s’est tenu en simultané avec le Salon du bateau de Québec, les deux ensembles ont réussi à rassembler des foules immenses, je crois bien qu’en  près de 30 ans en tant que conférencier ou exposant, c’est un des meilleurs en matière de densité et de qualité de foule auxquels j’ai assisté. Votre rédacteur en chef Louis Turbide, le coordonnateur d’édition Richard Monfette et plusieurs autres collaborateurs au magazine y étaient pour échanger avec les mordu(e)s de chasse et pêche. Pour ma part, ce fut un vrai bonheur de donner des conférences sur la chasse à la sauvagine, de « caller » à mon kiosque avec de vrais de vrais sauvaginiers et de revoir de vieux amis, comme Michel Therrien et Patrick Campeau, les deux ambassadeurs du salon.

Je tiens d’ailleurs à remercier Catherine Lapointe, la directrice du salon pour sa confiance et son écoute.  Elle est une vraie boule d’énergie, toujours souriante et disponible pour nous dépanner ou nous aider. On peut d’ailleurs le sentir dans cette mention du communiqué de presse. « Les exposants et les visiteurs avaient de l’énergie à revendre du début à la fin de l’évènement. Nous avons accueilli quelque 25 000 amateurs de plein air qui semblent s’être très bien amusés et en avoir eu plein la vue. »

Pourquoi participer à ce genre d’évènement quand on est déjà connu ou reconnu dans notre sphère d’activité?  Pour moi, il s’agit d’un ressourcement et d’une profonde communion avec les amateurs et amoureux de la chasse. J’en profite pour prendre des notes sur les sujets abordés avec les gens qui ont pris le temps d’une jasette devant mon kiosque ou dans les corridors.

La plupart des exposants y sont pour des fins commerciales, ayant comme objectifs de faire connaître ou acheter leurs produits et services, assis pleins d’espoirs derrière leur kiosque. J’en suis et j’espère toujours que leurs efforts seront récompensés. Toutefois, et permettez à mon fond de « bougonneux » de s’exprimer, devant une foule de mordus venus pour apprendre des trucs ou entendre de belles histoires de chasse et pêche, on devrait s’abstenir de faire du placement de produits ou de services, car ce n’est pas du tout l’esprit des conférences de ces salons. On devrait plutôt profiter de ces moments pour se reconnecter entre amateurs et professionnels!  Pour terminer sur une note positive, je vais juste vous citer ce qu’un jeune homme dans la quarantaine comme plusieurs autres m’a dit durant ce salon : « MERCI à vous M. La Haye, vos articles et vos vidéos m’ont permis d’améliorer mes techniques de chasse à la sauvagine en quelques années comme si cela faisait 10-12 ans que je chassais, sans vous je n’aurais jamais commencé cette chasse! ».  Juste pour ré entendre et revivre ces beaux moments, je referais bien 100 autres salons si j’en étais capable et si la nature me le permettait!

Une partie du kiosque de l’auteur au salon de Québec, duquel il ne garde que de très beaux souvenirs.

Réponse
aux
lecteurs

Appelant-appels-caches

Réponse aux lecteurs

Appelant-appels-caches

J’ai couplé deux blocs ici étant donné la longueur des explications et le lien très serré existant entre celles-ci et un membre du trio infernal, l’appel de la bernache!

On me demande très souvent quelles méthode ou approche j’ai utilisées pour apprendre, d’une part, les sons des bernaches, et d’autre part, comment les reproduire? Mon vieil ami Ronald Proulx m’a bien aidé à parfaire mes techniques d’appels à la bernache lorsque j’ai commencé à guider avec lui en 1992 (ben oui, ça ne me rajeunit pas!). Il utilisait alors la fameuse longue et splendide flûte de la compagnie « Big River ». Des amis guides de la région de Cornwall, les frères Viaux, toujours actifs que je salue en passant si jamais ils lisaient le magazine et la présente chronique utilisaient et utilisent toujours la fameuse et légendaire « Olt A-50 ». Il faut avoir du souffle et beaucoup d’énergie pour utiliser ces flûtes, c’est pourquoi j’ai jugé bon, à l’époque, de développer mes propres petits appeaux qui demandent bien moins de poussées d’air, que ces grosses flûtes, pour fonctionner. Je vous expliquerai, une autre fois, les démarches que j’ai entreprises en 1994 pour y arriver (voyage en Louisiane et beaucoup de taponnages!). Bref, j’ai appris seul à manipuler ce type d’appeau que l’on nomme « half breed » ou « short reed »  (j’expliquerai la différence entre ces deux types d’appeaux de bernache dans un article) et qui sont devenus très populaires, surtout grâce au pionnier qu’était feu Tim Grounds, avec qui j’ai souvent échangé avant 1998 et dont je possède le 945e Half Breed produit (photo ci-dessous), un cadeau de sa part par l’entremise d’un ami commun, lui aussi disparu aujourd’hui, feu Robert Henson.

Un bel appeau qui me rappelle mes compères sauvaginiers disparus et que je porte et utilise toujours aussi fièrement (heu non, il n’est pas à vendre même pour tout l’or du monde!)

Mais à cette époque, personne ou presque ne savait ici comment les faire fonctionner, dérivant de la méthode d’apprentissage de Doug Carlson pour les appeaux de canards, j’ai développé ma propre technique d’apprentissage en commençant par écouter et enregistrer les vrais oiseaux, en particulier lorsqu’elles revenaient du sud de mars à mai. Je demeurais à Pointe-des-Cascades à cette époque, devant ce qui est permis de nommer « le tronçon résiduel du fleuve Saint-Laurent » situé entre cette municipalité en aval et les Coteaux en amont. Hydro-Québec doit abaisser le niveau de l’eau de cette portion du fleuve chaque automne pour éviter que les ouvrages de contrôle soient endommagés par les accumulations de glace, en particulier durant les crues du printemps. Cette manœuvre crée un véritable paradis de chasse pour les sauvaginiers car les flaques d’eau résiduelles sont ensuite très fréquentées par les sauvaginiers locaux qui installent de nombreuses caches le long des battures de galets. Au printemps, ces sites servent de dortoir aux bernaches. J’allais donc m’installer au milieu de l’après-midi dans une de ces caches. Je disposais un appareil enregistreur dans la batture et un autre dans la cache, lorsque les premières bernaches revenaient des champs, je démarrais les appareils. Assis dans la cache, je disais le mot clef ou la technique de soufflerie que j’allais tenter de faire, et ainsi de suite, et le tout était enregistré. Cette approche me permettait quatre choses essentielles pour apprendre à bien appeler la sauvagine, dont les bernaches, soit de, 1- bien connaître les différents sons produits par ces oiseaux, 2- pouvoir les associer avec un comportement en particulier, 3- comprendre les techniques requises pour produire ces appels variés, et, par-dessus tout, 4- pouvoir comparer ceux-ci à ceux produits par ces professeurs de chant. J’ai dû passer des dizaines d’après-midi à écouter et à essayer d’imiter les bernaches et faire des centaines de séances d’enregistrements! Aujourd’hui, j’ai la vie facile, car je possède une petite troupe de bernaches (voir vidéo ci-dessous) qui me rendent les mêmes services à domicile! J’espère que cette petite histoire vous donnera de bonnes idées pour parfaire vos techniques d’appel et votre connaissance des appels de bernaches ce printemps 😉.

L’auteur possède une petite troupe de bernaches en captivité qui l’aide à parfaire ses appels.

Biologie et aménagement
Le dénombrement des couples nicheurs de bernache du Canada

La population de l’Atlantique niche dans le Nord du Québec, en particulier le long de la baie d’Ungava et de l’est de la baie d’Hudson (où l’on trouve 80 % des oiseaux nicheurs), et à l’intérieur de la péninsule d’Ungava. La population de l’Atlantique hiverne de la Nouvelle-Angleterre à la Caroline du Sud. Les deux sous-populations dont il est question ici sont suivies dans la partie nord de leurs aires de nidification depuis 1993, par l’intermédiaire d’un relevé effectué, au moyen de transects aériens répétés chaque année par les mêmes observateurs (si possible), au-dessus de la toundra côtière de la baie d’Ungava et de la baie d’Hudson ainsi que la taïga et la toundra intérieure qui y sont associées, soit les zones de plus fortes densités (figure 1).   Dans la forêt boréale au Québec, ces relevés sont effectués en hélicoptère.

Figure 1 – Relevé des populations reproductrices et des habitats de la sauvagine (RPRHS) dans l’Ouest canadien et le Nord-Ouest des États-Unis, Relevé de la sauvagine de l’Est (RSE) et Relevé des populations reproductrices de sauvagine du plateau central de la Colombie-Britannique (RPRSPCCB). Les lignes représentent les transects dont le relevé est effectué par avion; les points représentent les parcelles dont le relevé est fait par hélicoptère.

Je vous rapporte ici les abondances mentionnées par le Service Canadien de la Faune (SCF, https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/chasse-oiseaux-migrateurs-gibier/processus-consultation-reglements/serie-rapports/situations-populations-2021.html) : « Dans la péninsule d’Ungava, depuis 1988, la population de Bernaches du Canada de l’Atlantique a augmenté de façon significative, mais au cours des cinq dernières années, la population a diminué significativement. Il y avait 120 (96-143) milliers de couples nicheurs de Bernaches du Canada en 2019 (figure 2A). Ce nombre représente une diminution de 29 % par rapport à la moyenne sur 10 ans de 168 milliers de couples nicheurs. La population de l’Atlantique dans l’Ungava est inférieure à l’objectif de gestion de 225 000 couples nicheurs. Dans la forêt boréale du Québec, la population de Bernaches du Canada de l’Atlantique n’a montré aucune tendance depuis 1990 et au cours des cinq dernières années. Il y avait 13,6 (7,51-19,6) milliers de couples nicheurs en 2019 (figure 2B). Ce nombre représente une diminution de 42 % par rapport à la moyenne sur 10 ans de 23,4 milliers de couples nicheurs.»

Figure 2 – A) Estimation du nombre de couples nicheurs de la population de Bernaches du Canada de l’Atlantique dans la péninsule d’Ungava. B) Estimation du nombre de couples nicheurs de la population de l’Atlantique de la Bernache du Canada dans la forêt boréale au Québec d’après le RSE (portion hélicoptère du relevé seulement). La ligne noire représente l’estimation des couples nicheurs et la zone ombragée représente les intervalles de confiance à 95 %. Les lignes horizontales pointillées représentent l’objectif du PNAGS pour la zone de relevé.

J’entends souvent des sauvaginiers maugréer contre la réduction de quotas journaliers de la bernache du Canada au Québec et en Ontario depuis deux ans en octobre. La raison est simple: comme on le voit nettement ci-dessus, les dénombrements du nombre de couples nicheurs des populations de l’Atlantique (est de la baie d’Hudson et intérieur de la péninsule d’Ungava) montrent une tendance lourde à la baisse. Les moyennes des dénombrements baissent de manière significative, ce qui signifie que les baisses sont en dehors des marges d’erreur (intervalles de confiance; figure 2) des estimations, donc qu’elles ont peu de chance d’être reliées à un biais d’échantillonnage ou d’estimation et qu’elles sont le reflet fidèle et réel de ce qui se passe dans ces deux sous-populations. Pour des aménagistes, une telle situation est très alarmante et je ne serais pas surpris que la chasse ferme durant le mois d’octobre, période de migration principale de ces populations, comme entre 1992-96, alors que nous ne débutions qu’à la mi-novembre! Nous verrons bien!

Anecdote sauvaginière

J’aimerais vous raconter une histoire à la fois émouvante et drôle qui m’est arrivée alors que ma crinière était plus foncée que pâle, comme maintenant, qui est arrivée en 2008, si je ne me trompe pas, soit le printemps suivant la disparition de feu Jocelyn Léger, qui a perdu la vie à 41 ans alors qu’il chassait l’oie à Sainte-Flavie, tout près de l’aéroport de Mont-Joli. Je fais cette mention pour honorer la mémoire de ce très grand guide et sauvaginier, et aussi parce que l’histoire s’est déroulée avec un de ses proches amis, Frédérick Giguère (ici « Fred »), avec lequel j’ai chassé quelques années par la suite, et que j’aurai le plaisir de revoir sous peu 😊.  Laissez-moi le plaisir de vous raconter cette histoire de chasse magique à l’oie blanche, au printemps, durant une tempête de vent et de neige mouillée!  Fred m’appelle la veille et me dit : « Viens-tu demain, j’ai une bonne « shot » et personne de disponible pour chasser avec moi ».  Connaissant très bien les indéniables talents de Fred comme chasseur et guide, j’accepte avec joie. Bon, je prends deux minutes pour le décrire, fort comme un ours, des bras noueux comme de grosses branches de chêne, des jambes comme des souches d’orme, du courage à revendre et la tête presque aussi dure que la mienne (et ce n’est pas peu dire!). Ses ancêtres étaient sûrement des coureurs de bois, des draveurs ou encore des bûcherons! Le suivre pour installer les nombreux appelants à 2 h 30 du matin, dans la boue, le vent froid et la neige mouillée qui tombait à l’horizontale, n’a pas été une mince affaire!  C’est curieux comment l’orgueil peut donner de la force et de la ténacité dans ces moments-là!  Bref, nous sommes finalement installés dans deux caches « tombeau » camouflées en blanc, comme le disait Fred, « pour imiter un petit banc de neige ! ». Un petit dodo tout douillet avant l’action et ça commence!  Pif , paf, recharge, repif repaf et re recharge, nous avions tout juste le temps de récupérer les oiseaux abattus avant que d’autres entrent au plan.  C’est dans ces temps-là que l’on maudit le ciel que notre chien soit blessé comme c’était le cas avec le mien ce printemps-là…   à force de se lever, courir partout et se replacer dans la cache, celle-ci et nos vêtements sont devenus complètement trempés… à un moment donné, Fred me dit , la voix étranglée par l’motion: « j’en connais un qui serait fier de cette chasse » en parlant de son ami disparu l’année précédente, ce fut un des moments le plus touchant que j’ai vécu de ma vie de sauvaginier! Bon, durant une accalmie, on décide de se lever pour se dégourdir, nous étions tellement pris par l’émotion du moment et l’action que nous ne nous sommes pas aperçus que nous étions dans un état hypothermique très avancé! Il a fallu rouler en dehors de la cache, se relever en titubant et se rendre de peine et de misère au camion de Fred pour nous réchauffer incapables de ne rien saisir et quasiment désorientés! Nous n’aurions même pas été capables de simplement nous moucher s’il avait fallu le faire malgré notre robustesse commune! Une bonne demi-heure et quelques précieuses gorgées de café bien chaud plus tard, nous avions suffisamment récupéré pour retrouver notre coordination et une partie de notre esprit perdu! En descendant du camion, j’ai serré Fred très fort dans mes bras pour le remercier de m’avoir permis de vivre ces moments uniques et intenses! Encore aujourd’hui, cette chasse épique, je le répète, demeure une des sorties ayant le plus marqué ma vie de sauvaginier! Je suis certain que Jocelyn aurait adoré se les geler avec nous!  Encore merci mon Fred 😊.

De gauche à droite, Martin, un autre mordu de sauvagine, Fred, avec sa tuque blanche, votre humble serviteur (je sais, j’avais encore du noir dans mes cheveux et ma barbe! Pas la peine d’insister) et un autre ami sauvaginier, Jacques, lors d’une belle sortie de fin de saison en décembre 2008. 

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