CHRONIQUE
100% ARMES
Balistique des armes à canon lisse
Par
Réjean Côté
Les armes à canon lisse sont les fusils de chasse, 10, 12, 20, etc. On les appelle arme à canon lisse parce que contrairement aux carabines de chasse aux gros gibiers qui elles ont des canons rainurés, les fusils n’ont pas de rainures, l’âme du canon est lisse. Comme ces armes tirent des gerbes de billes rondes, les rainures ne sont pas nécessaires. Les rainures servent à faire tourner le projectile sur lui-même afin qu’il soit stable et voyage la pointe en avant. Des projectiles ronds n’ont pas besoin d’être stabilisés. Comme ils sont ronds, il importe peu quelle face est placée vers l’avant. Cette chronique a pour but de clarifier certaines croyances ou certaines ignorances au sujet de la puissance des fusils.
Ceci éclaircira également pourquoi on recommande des portées efficaces de 30 à 40 mètres (33 à 45 verges) et qu’au-delà de 45 mètres (50 verges) les tirs commencent à manquer d’efficacité. On choisira le calibre 12 qui est le plus utilisé pour illustrer le débat.
On s’attardera surtout à la vitesse et à la dispersion des billes. Pour bien saisir l’importance de la vitesse des billes il faut se pencher sur une partie de la balistique interne des ces armes.
Lorsque vous appuyez sur la détente, la poudre s’enflamme, la pression monte et la charge de billes dans la bourre de plastique est propulsée vers l’avant. La pression continue de monter et le projectile (bourre et billes) accélère jusqu’à la sortie du canon.
Selon les compagnies de munitions, après entre 12 et 14 pouces dans le canon la poudre est complètement brulée mais la pression derrière le projectile est encore plus grande que la pression atmosphérique à l’extérieur du canon. Donc il y a encore de la poussée. C’est de là que part l’argument des canons courts versus canons longs.
On considère qu’après 28 pouces, la pression résiduelle est pratiquement négligeable. Après 28 pouces, la vitesse n’augmente que de 5 pi/sec par pouce de canon.
Passons donc à la balistique externe. Lorsque les billes quittent le canon, il n’y a plus de poussée. Elles sont sous l’influence de la résistance de l’air où elles perdent de la vitesse rapidement. C’est ici que les chasseurs doivent analyser la situation.
Ouverture des pétales de la bourre de plastique libérant la gerbe de billes.
De la bouche du canon jusqu’à la cible, il se présente trois situations différentes. On peut diviser la courbe de décélération des billes en trois parties. Nous allons utiliser une cartouche de 12 avec billes d’acier dont la vitesse à la bouche est de 1400 pi/sec.
| Partie 1 | de 0 à 35 verges |
| Partie 2 | de 35 à 50 verges |
| Partie 3 | 50 verges et plus |
Dans la partie 1, la vitesse diminue de 1400 à environ 900 pi/sec. Ce qui se passe dans cette partie, c’est que les billes voyagent plus vite ou très près de la vitesse du son ce qui a un effet dévastateur sur la cible. Les blessures sont très graves, la plupart du temps mortelles. Seulement quelques billes sont nécessaires pour récolter l’oiseau.
L’effet de projectiles frappant une cible à la vitesse du son ou avoisinant cette vitesse
Lorsqu’un projectile supersonique, n’importe quel type de projectile, frappe une cible composée de chair et d’eau, il se produit un phénomène de choc hydrostatique. Le projectile produit alors deux blessures simultanées. Une cavité permanente, le trou du passage du projectile et une cavité temporaire causée par le choc du passage du projectile à grande vitesse. Ce genre de blessure est très grave et la plupart du temps mortelle.
Dans la partie 2, la vitesse varie de 900 à 700 pi/sec. On est encore en présence de vitesses assez grandes mais en deçà de la vitesse du son. Les blessures sont graves mais pas toujours mortelles. Plusieurs billes sont nécessaires pour récolter l’oiseau.
Dans la partie 3, la vitesse varie de 700 à 400 pi/sec. On est ici en présence de vitesses de projectile très lentes et l’effet terminal est d’autant plus faible. À 400 pi/sec, on est dans les vitesses de carabine à plomb (air comprimé) et on connaît le peu d’impact de ces armes. Les blessures sont faibles, rarement mortelles. Beaucoup de billes sont requises pour causer une blessure invalidante. L’oiseau pourra tomber mais fuira.
À partir d’ici on considérera la dispersion des billes ou le patron de votre arme. La grosseur des billes est aussi à considérer. Il faut faire un bon compromis entre un grand nombre de petites billes qui sont ralenties plus vite par la résistance de l’air ou de plus grosses billes en plus petite quantité mais plus rapides plus loin.
Selon beaucoup de références, la dispersion des billes ou « patronage » de votre fusil s’effectue à 35 mètres ou 40 verges pour le 12. Ceci vous indique la dispersion de vos billes à la distance optimale de tir. Une bonne dispersion donne au moins 70% de vos billes dans un cercle de 30 pouces de diamètre à cette distance. Elle vous donnera une bonne indication de la dispersion de 40 à 50 verges. Si vous n’obtenez pas ce pourcentage je vous suggère de changer de sorte ou de marque de cartouches jusqu’à l’obtention du patron désiré. C’est cette bonne dispersion qui vous permettra de faire quelques bons coups au-delà de 40 verges.
La dispersion des billes est une donnée qu’il faut prendre très au sérieux. Évidemment le bon étranglement pour le bon gibier est primordial. Même s’il n’est pas recommandé de le faire, si vous tentez de récolter des canards ou des oies à plus de 40 mètres de distance vous devrez vous assurer que la concentration de billes à cette distance est encore assez dense pour vous permettre d’abattre votre gibier proprement et efficacement. À ces distances, la densité des billes pourra compenser pour des vitesses d’impact plus faible.
Nous avons donc démontré que de 0 à 40 mètres (45 verges), si vos tirs sont précis, vous récolterez à coup sûr votre gibier. Après 45 mètres (50 verges), les blessures causées seront rarement mortelles et vous risquez de perdre votre gibier. Au-delà de 65 mètres (70 verges), la vitesse résiduelle des billes est très faible et si vous réussissez à frapper votre gibier il est possible qu’il ne fasse que sursauter mais il est également possible qu’il tombe très loin du tireur impossible à récupérer.
Apprenez à connaître les limites de votre arme et de vos munitions et surtout apprenez à connaitre vos limites.
Sur ce, bonne chasse.